Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. II. Чарльз Диккенс
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Et l'apothicaire prêta serment avant que le juge eût pu trouver une parole à prononcer.
«Milord, reprit l'apothicaire en s'asseyant fort tranquillement, je voulais seulement vous faire observer que je n'ai laissé qu'un galopin dans ma boutique. C'est un charmant bonhomme, milord, mais qui se connaît fort peu en drogues; et je sais que, dans son idée, sel d'Epsom veut dire acide prussique, et sirop d'Ipécacuanha, laudanum. Voilà tout, milord.»
Ayant proféré ces mots, l'apothicaire s'arrangea commodément sur son siége, prit un visage aimable et parut préparé à tout événement.
M. Pickwick le considérait avec le sentiment de la plus profonde horreur, lorsqu'une légère sensation se fit remarquer dans la cour. Mme Bardell, supportée par Mme Cluppins, fut amenée et placée, dans un état d'accablement pitoyable, à l'autre bout du banc qu'occupait M. Pickwick. Un énorme parapluie fut alors apporté par M. Dodson, et une paire de socques, par M. Fogg, qui, tous les deux, avaient préparé pour cette occasion leurs visages les plus sympathiques et les plus compatissants. Mme Sanders parut ensuite, conduisant master Bardell. À la vue de son enfant, la tendre mère tressaillit, revint à elle et l'embrassa avec des transports frénétiques; puis, retombant dans un état d'imbécillité hystérique, la bonne dame demanda à ses amies où elle était. En répliquant à cette question, Mme Cluppins et Mme Sanders détournèrent la tête et se prirent à pleurer, tandis que MM. Dodson et Fogg suppliaient la plaignante de se tranquilliser. Me Buzfuz frotta ses yeux de toutes ses forces avec un mouchoir blanc et jeta vers le jury un regard qui semblait faire appel à son humanité. Le juge était visiblement affecté, et plusieurs des spectateurs toussèrent pour cacher leur émotion.
«Une très bonne idée, murmura Perker à M. Pickwick. Dodson et Fogg sont d'habiles gens. Voilà une scène d'un excellent effet, mon cher monsieur, d'un excellent effet.»
Pendant que Perker parlait, Mme Bardell revenait lentement à elle, et Mme Cluppins, après avoir soigneusement examiné les boutons de monter Bardell et leurs boutonnières respectives, le plaçait sur le parquet de la cour, devant sa mère: position avantageuse où il ne pouvait manquer d'éveiller la commisération des jurés et du juge. Cependant cela ne s'était pas fait sans une opposition considérable de la part du jeune gentleman lui-même; car il n'était pas éloigné de croire que ce fût là une formalité légale, après laquelle on le condamnerait à une exécution immédiate ou à la transportation au delà des mers pour le reste de ses jours, tout au moins.
«Bardell et Pickwick! cria le gentleman en noir, appelant la cause qui se trouvait la première sur la liste.
– Milord, dit Me Buzfuz, je suis pour la plaignante.
– Avec qui êtes-vous, Me Buzfuz? demanda le juge.»
M. Skimpin salua pour exprimer que c'était avec lui.
«Je parais pour le défendeur, milord, dit à son tour Me Snubbin.
– Il y a quelqu'un avec vous, Me Snubbin? reprit le juge.
– M. Phunky, milord.
– Me Buzfuz et Me Skimpin, pour la plaignante, dit le juge en écrivant les noms sur son livre de notes et en articulant ce qu'il écrivait. Pour le défendeur, Me Snubbin et M. Tronquet.
– Je demande pardon à votre seigneurie: Phunky.
– Oh! très-bien, dit le juge. Je n'avais jamais eu le plaisir d'entendre le nom de monsieur.»
Ici M. Phunky salua et sourit, et le juge salua et sourit aussi; et alors M. Phunky, rougissant jusqu'au blanc des yeux, s'efforça d'avoir l'air d'ignorer que tout le monde le regardait, chose qui n'a jamais réussi jusqu'à présent à personne, et qui suivant toutes probabilités, ne réussira en aucun temps.
«Procédons,» dit le juge.
Les huissiers, crièrent de nouveau: silence! et M. Skimpin exposa l'affaire; mais, lorsqu'elle fut exposée, l'audience n'en fut guère plus avancée, car l'avocat avait soigneusement gardé pour lui-même les particularités qu'il savait; et, quand il se rassit, au bout de trois minutes, la religion du jury était précisément aussi éclairée qu'auparavant.
Me Buzfuz se leva alors, avec toute la dignité qu'exigeait la nature de sa cause, chuchota avec Dodson, conféra brièvement avec Fogg, tira sa robe sur ses épaules, arrangea sa perruque, et s'adressa au jury.
Il commença par dire que jamais, dans le cours de sa carrière, jamais depuis le premier moment où il s'était appliqué à l'étude des lois, il ne s'était approché d'une cause avec des sentiments d'émotion aussi profonde, avec la conscience d'une aussi pesante responsabilité; responsabilité, pouvait-il dire, qu'il n'aurait jamais voulu assumer s'il n'avait pas été soutenu par la conviction, assez forte pour équivaloir à une certitude, par la conviction que la cause de la justice, ou, en d'autres termes, la cause de sa cliente, de sa cliente abusée, innocente et persécutée, devait prévaloir auprès des douze gentlemen intelligents, nobles et généreux, qu'il voyait assis en face de lui.
Les avocats commencent toujours de cette manière, parce que cela rend les jurés contents d'eux-mêmes en leur faisant croire qu'ils doivent être des personnages bien difficiles à tromper. Un effet visible fut produit immédiatement et plusieurs jurés commencèrent à prendre avec activité de volumineuses notes.
«Gentlemen, vous avez appris de mon savant ami, poursuivit Me Buzfuz, quoiqu'il sût très-bien que les gentlemen du jury n'avaient rien appris du tout du savant ami en question; vous avez appris de mon savant ami que ceci est une action pour violation de promesse de mariage, dans laquelle les dommages demandés sont de 1500 livres sterling; mais vous n'avez pas appris de mon savant ami, attendu que cela n'entrait pas dans les attributions de mon savant ami, quels sont les faits et les circonstances de la cause. Ces faits et ces circonstances, gentlemen, vous allez les entendre détaillés par moi et prouvés par les véridiques dames que je placerai devant vous dans cette tribune.»
Ici Me Buzfuz, avec une terrible emphase sur le mot tribune, frappa sa table d'un poing majestueux en regardant Dodson et Fogg. Ceux-ci firent un signe d'admiration pour l'avocat, d'indignation et de défi pour le défendeur.
«La plaignante, gentlemen, continua Me Buzfuz d'une voix douce et mélancolique, la plaignante est une veuve. Oui, gentlemen, une veuve. Feu M. Bardell, après avoir joui, pendant beaucoup d'années, de l'estime et de la confiance de son souverain, comme l'un des gardiens de ses revenus royaux, s'éloigna presque imperceptiblement de ce monde, pour aller chercher ailleurs le repos et la paix, que la douane ne peut jamais accorder.»
À cette poétique description du décès de M. Bardell (qui avait eu la tête cassée d'un coup de pinte dans une rixe de taverne), la voix du savant avocat trembla et s'éteignit un instant. Il continua avec grande émotion.
«Quelque temps avant sa mort, il avait imprimé sa ressemblance sur le front d'un petit garçon. Avec ce petit garçon, seul gage de l'amour du défunt douanier, Mme Bardell se cacha au monde et rechercha la tranquillité de la rue Goswell. Là elle plaça à la croisée de son parloir un écriteau manuscrit portant cette inscription: Appartement de garçon à louer en garni; s'adresser au rez-de-chaussée.»
Ici Me Buzfuz fit une pause, tandis que plusieurs gentlemen du jury prenaient note de ce document.
«Est-ce qu'il n'y a point de date à cette pièce? demanda un juré.
– Non,