Troïlus et Cressida. Уильям Шекспир

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Troïlus et Cressida - Уильям Шекспир

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ma nièce. N'est-ce pas un beau cavalier aussi? N'est-ce pas?.. Hé! c'est bon, cela. – Qui donc disait qu'il était rentré blessé dans la ville aujourd'hui? Il n'est pas blessé. Allons, cela fera du bien au coeur d'Hélène. Ah! je voudrais bien voir Troïlus à présent: vous allez voir Troïlus tout à l'heure.

      CRESSIDA. – Quel est celui-là?

(Hélénus passe.)

      PANDARE. – C'est Hélénus. – Je voudrais bien savoir où est Troïlus: – C'est Hélénus. – Je commence à croire que Troïlus ne sera pas sorti des murs aujourd'hui. – C'est Hélénus.

      CRESSIDA. – Hélénus est-il homme à se battre, mon oncle?

      PANDARE. – Hélénus? Non, – oui, il se bat passablement bien. – Je me demande où est Troïlus. – Ah! écoutez, n'entendez-vous pas le peuple crier? à Troïlus? – Hélénus est un prêtre.

      CRESSIDA. – Quel est ce faquin qui vient là-bas?

(Troïlus passe.)

      PANDARE. – Où? là-bas? C'est Déiphobe. Oh! c'est Troïlus! Voilà un homme, ma nièce! Hem! le brave Troïlus: le prince des chevaliers!

      CRESSIDA. – Silence; de grâce, silence!

      PANDARE. – Remarquez-le: considérez-le bien. – O brave Troïlus! Regardez-le bien, ma nièce: voyez-vous comme son épée est sanglante, et son casque haché de plus de coups que celui d'Hector! Et son regard, sa démarche! O admirable jeune homme! il n'a pas encore vu ses vingt-trois ans! Va ton chemin, Troïlus, va ton chemin. Si j'avais pour soeur une grâce, ou pour fille une déesse, il pourrait choisir. O l'admirable guerrier! Pâris… Pâris est de la boue au prix de lui; et je gage qu'Hélène, pour changer, donnerait un oeil par-dessus le marché.

(Suivent une troupe de combattants, soldats, etc.)

      CRESSIDA. – En voici encore.

      PANDARE. – Ânes, imbéciles, benêts, paille et son, paille et son! de la soupe après dîner. Je pourrais vivre et mourir sous les yeux de Troïlus: ne regardez plus, ne regardez plus: les aigles sont passés; buses et corbeaux, buses et corbeaux! J'aimerais mieux être Troïlus qu'Agamemnon et tous ses Grecs.

      CRESSIDA. – Il y a Achille parmi les Grecs. C'est un héros qui vaut mieux que Troïlus.

      PANDARE. – Achille? un charretier, un crocheteur, un vrai chameau.

      CRESSIDA. – Bien, bien.

      PANDARE. – Bien, bien? – Avez-vous quelque discernement? Avez-vous des yeux? Savez-vous ce que c'est qu'un homme? La naissance, la beauté, la bonne façon, le raisonnement, le courage, l'instruction, la douceur, la jeunesse, la libéralité et autres qualités semblables; ne sont-elles pas comme les épices et le sel, qui assaisonnent un homme?

      CRESSIDA. – Oui, un homme en hachis, pour être cuit sans dattes8 dans le pâté; car alors la date de l'homme ne compte plus.

      PANDARE. – Vous êtes une drôle de femme; on ne sait pas sur quelle garde vous vous tenez9.

      CRESSIDA. – Je me tiens sur mon dos pour défendre mon ventre; sur mon esprit pour défendre mes ruses; sur mon secret pour défendre ma vertu; sur mon masque pour défendre ma beauté, et sur vous pour défendre tout cela; je me tiens enfin sur mes gardes, et je ne cesse de veiller.

      PANDARE. – Nommez-moi une de vos gardes.

      CRESSIDA. – Je m'en garderai bien, et c'est là une de mes principales gardes. Si je ne puis garder ce que je ne voudrais pas laisser toucher, je puis bien me garder de vous dire comment j'ai reçu le coup, à moins que l'enflure ne soit si grande que je ne puisse le cacher, et alors il est impossible de s'en garder.

      PANDARE. – Vous êtes de plus en plus étrange.

(Entre le page de Troïlus.)

      LE PAGE. – Seigneur, mon maître voudrait vous parler à l'instant même.

      PANDARE. – Où?

      LE PAGE. – Chez vous. Il est là qui se désarme.

      PANDARE. – Bon page, va lui dire que je viens. (Le page sort.) —Je crains qu'il ne soit blessé. Adieu, ma chère nièce.

      CRESSIDA. – Adieu, mon oncle.

      PANDARE. – Je vais venir vous rejoindre tout à l'heure, ma nièce.

      CRESSIDA. – Pour m'apporter, mon oncle…

      PANDARE. – Oui, un gage de Troïlus.

      CRESSIDA. – Par ce gage!.. vous êtes un entremetteur. (Pandare sort). Promesses, serments, présents, larmes, et tous les sacrifices de l'amour, il les offre pour un autre que lui. Mais je vois plus de mérite dans Troïlus, dix mille fois, que dans le miroir des éloges de Pandare: et pourtant je le tiens à distance. Les femmes sont des anges quand on leur fait la cour; sont-elles obtenues, tout finit là. L'âme du plaisir est dans la recherche même. La femme aimée ne sait rien, si elle ne sait pas cela: les hommes prisent l'objet qu'ils ne possèdent pas bien au-dessus de sa valeur: jamais il n'exista de femme qui ait connu tant de douceurs dans l'amour satisfait qu'il y en a dans le désir. J'enseigne donc cette maxime d'amour: la servitude suit la conquête; l'humble prière accompagne la recherche. – Ainsi, quoique mon coeur satisfait lui porte un amour inébranlable, aucun indice ne s'en manifestera dans mes yeux.

(Elle sort.)

      SCÈNE III

Le camp grec devant la tente d'Agamemnon. Les trompettes sonnent Paraissent AGAMEMNON, NESTOR, ULYSSE MÉNÉLAS et autres chefs

      AGAMEMNON. – Princes, quel chagrin jaunit ainsi vos visages? Dans toutes les entreprises commencées sur la terre, les vastes promesses que fait l'espérance ne sont jamais complétement remplies; les obstacles et les revers naissent du sein même des actions les plus élevées: comme les noeuds formés par la rencontre de la séve déforment le pin robuste, et détournent du cours naturel de sa croissance sa veine errante et tortueuse. Il n'est pas nouveau, à nos yeux, princes, de nous être si fort trompés dans nos conjectures, qu'après sept années de siége, les murs de Troie sont encore debout. Dans toutes les entreprises qui nous ont devancé, dont nous avons la tradition, l'exécution a toujours rencontré des obstacles et des traverses, et n'a point répondu au but qu'on se proposait, ni à cette vague figure imaginaire à laquelle la pensée avait donné une forme imaginaire. Pourquoi donc, princes, contemplez-vous notre ouvrage d'un front si consterné? Pourquoi voyez-vous autant d'affronts dans ce qui n'est en effet qu'une épreuve prolongée par le grand Jupiter, pour trouver la constante persévérance chez les hommes? Ce n'est point dans les faveurs de la fortune que la trempe de cette vertu se reconnaît; car alors le lâche et le brave, le sage et l'insensé, le savant et l'ignorant, l'homme dur et l'homme sensible, paraissent tous se ressembler et être de la même famille. C'est dans les vents d'orage qu'excite son courroux que la Gloire, armée d'un large van, sépare et rejette toute la balle; mais ce qui a de la consistance et du corps reste seul riche en vertu et sans mélange.

      NESTOR. – Avec le respect qui est dû à votre place suprême, illustre Agamemnon, Nestor fera l'application de vos dernières paroles. Les vicissitudes de la fortune sont la véritable épreuve des hommes. Lorsque la mer est calme, combien de légers esquifs osent se hasarder sur son sein patient, et faire route à côté des vaisseaux de haut bord10. Mais que l'impétueux Borée vienne à courroucer la paisible Thétis, voyez

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<p>8</p>

Pour comprendre ce jeu de mots, il faut savoir qu'autrefois les dattes étaient un ingrédient qui entrait dans les pâtés.

<p>9</p>

Expression empruntée à l'escrime; mais il y a le verbe to lie, qui est employé dans un sens très-étendu ici, comme presque toujours quand Shakspeare a quelque calembour en tête.

<p>10</p>

Stace a la même comparaison.