Troïlus et Cressida. Уильям Шекспир

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Troïlus et Cressida - Уильям Шекспир страница 7

Troïlus et Cressida - Уильям Шекспир

Скачать книгу

Ils blâment notre prudence et la taxent de poltronnerie; ils tiennent la sagesse comme inutile à la guerre, ils dédaignent la prévoyance et n'estiment d'autres actes que ceux de la main. Les calmes facultés intellectuelles qui règlent le nombre de ceux qui doivent frapper, quand une occasion favorable les appelle, qui savent, par les travaux de l'observation et de la pensée, peser les forces de l'ennemi, tout cela ne vaut pas un seul doigt de la main: ils appellent tout cela des ouvrages de lit, fatras géographique, guerre de cabinet: en sorte que le bélier qui renverse les murailles par le grand élan et la force de ses coups passe à leurs yeux avant la main qui a créé cette machine et avant l'âme intelligente qui en guide à propos le mouvement.

      NESTOR. – Si on accorde cela, bientôt le cheval d'Achille vaudra plusieurs fils de Thétis.

(On entend une trompette.)

      AGAMEMNON. – Quelle est cette trompette? Voyez, Ménélas.

      MÉNÉLAS. – Elle vient de Troie.

(Entre Énée.)

      AGAMEMNON. – Qui vous amène devant notre tente?

      ÉNÉE. – Est-ce ici la tente du grand Agamemnon, je vous prie?

      AGAMEMNON. – Ici même.

      ÉNÉE. – Un guerrier, prince et héraut à la fois, peut-il faire entendre un message loyal à son oreille royale?

      AGAMEMNON. – Il le peut avec plus de sûreté que n'en pourrait garantir le bras d'Achille à la tête de tous les Grecs, qui, d'une voix unanime, nomment Agamemnon leur chef et leur général.

      ÉNÉE. – Noble permission et sécurité étendue. Mais comment un étranger pourra-t-il reconnaître les regards souverains de cet illustre chef et le distinguer des yeux des autres mortels?

      AGAMEMNON. – Comment?

      ÉNÉE. – Oui, je le demande pour éveiller mon respect et tenir mes joues prêtes à se colorer d'une rougeur modeste, comme celle de l'Aurore quand elle regarde d'un oeil chaste le jeune Phoebus, qui est ce dieu en dignité qui guide ici les hommes? qui est le grand et puissant Agamemnon?

      AGAMEMNON. – Ce Troyen se rit de nous, ou les guerriers de Troie sont de cérémonieux courtisans.

      ÉNÉE. – Désarmés, ils sont des courtisans aussi francs et aussi doux que des anges qui s'inclinent; telle est leur renommée dans la paix; mais dès qu'ils prennent le maintien des guerriers, ils sont pleins de fiel, ils ont des bras robustes, des jarrets fermes et des épées fidèles; et Jupiter sait que nul n'a plus de coeur. Mais silence, Énée; silence, Troyen: pose ton doigt sur tes lèvres. L'éloge perd son lustre et son mérite, lorsqu'il sort de la bouche même de l'homme qui en est l'objet: la seule louange que la renommée publie est celle que l'ennemi accorde avec peine: voilà la seule louange pure et transcendante.

      AGAMEMNON. – Seigneur, qui êtes de Troie, vous vous appelez Énée?

      ÉNÉE. – Oui, Grec; tel est mon nom.

      AGAMEMNON. – Quelle affaire vous amène, je vous prie?

      ÉNÉE. – Pardonnez: mon message est pour les oreilles d'Agamemnon.

      AGAMEMNON. – Agamemnon ne donne point d'audience particulière à ceux qui viennent de Troie.

      ÉNÉE. – Et je ne viens pas non plus de Troie pour murmurer à son oreille. J'apporte avec moi une trompette pour le réveiller, pour exciter ses sens à une attention profonde, et alors je parlerai.

      AGAMEMNON. – Parle aussi librement que les vents. Ce n'est pas ici l'heure où Agamemnon est endormi: et pour te convaincre, Troyen, qu'il est éveillé, c'est lui-même qui te le déclare.

      ÉNÉE. – Trompette, retentis: que ta voix d'airain résonne dans toutes ces tentes oisives, et que tout Grec courageux sache que les loyales propositions offertes par Troie seront offertes tout haut. (La trompette sonne.) Illustre Agamemnon, nous avons à Troie un prince nommé Hector, fils de Priam, qui se rouille dans l'inaction d'une trêve trop prolongée. Il m'a ordonné d'amener avec moi un trompette, et de vous parler ainsi: – Rois, princes et chefs! si parmi les premiers de la Grèce, il en est un qui estime son honneur plus que son repos, qui soit plus jaloux de gloire qu'alarmé des dangers, qui connaisse sa valeur et ne connaisse pas la peur, qui aime sa maîtresse d'un amour plus vrai que de simples protestations faites avec de vains serments aux lèvres de celle qu'il aime, et qui ose soutenir sa beauté et sa vertu dans d'autres bras que les siens, à lui ce défi: Hector, à la vue des Troyens et des Grecs, prouvera (ou du moins il fera tous ses efforts pour le faire) que sa dame est plus sage, plus belle, plus fidèle, que jamais Grec n'en ait enlacée de ses bras; et demain matin, s'avançant à mi-chemin des murs de Troie, il provoquera à son de trompe un Grec fidèle en amour. – Si quelqu'un se présente, Hector l'honorera: s'il ne vient personne, rentré dans Troie, il y publiera que les dames grecques sont toutes brûlées par le soleil, et que pas une ne vaut la peine qu'on brise une lance pour elle. J'ai dit.

      AGAMEMNON. – Énée, on annoncera ce défi à nos amants. Si aucun d'eux n'a le courage d'y répondre, nous les aurons laissés tous dans notre patrie. Mais nous sommes soldats, et qu'il ne soit jamais qu'un lâche, le soldat qui n'a pas été, qui n'est pas, ou qui ne se promet pas d'être amoureux. S'il s'en trouve un seul qui soit, qui ait été ou qui se promette d'être amoureux, c'est lui qui se mesurera avec Hector: s'il n'y en a aucun, ce sera moi.

      NESTOR. – Parle-lui aussi de Nestor, d'un vieillard qui était déjà homme, lorsque l'aïeul d'Hector tétait encore. Il est vieux à présent; mais s'il ne se trouvait pas dans notre armée un noble Grec qui eût une étincelle de courage pour répondre pour sa dame, dis à Hector, de ma part, que je cacherai ma barbe argentée sous un casque d'or, que j'enfermerai ce bras décharné dans mon armure, et qu'acceptant son défi, je lui déclarerai que ma dame était plus belle que son aïeule, et aussi chaste que qui que ce soit au monde. C'est ce que je prouverai à sa jeunesse bouillante, avec les trois gouttes de sang qui me restent dans les veines.

      ÉNÉE. – Que le ciel ne permette pas une si grande disette de jeunes guerriers!

      ULYSSE. – Ainsi soit-il.

      AGAMEMNON. – Noble seigneur, laissez-moi vous toucher la main: je veux vous conduire à notre tente. Achille sera informé de ce message, ainsi que tous les chefs de la Grèce, de tente en tente. Il faut que vous soyez de nos festins avant votre départ, et vous recevrez de nous l'accueil d'un noble ennemi.

(Ils sortent tous, excepté Ulysse et Nestor.)

      ULYSSE. – Nestor?

      NESTOR. – Que dit Ulysse?

      ULYSSE. – Mon cerveau vient de concevoir un germe d'idée: soyez pour moi ce qu'est le temps pour les projets, aidez-moi à la faire éclore.

      NESTOR. – Quelle est-elle?

      ULYSSE. – La voici: les coins épais fendent les noeuds les plus durs. L'orgueil a atteint toute sa maturité dans le vain coeur d'Achille, il est monté en graine: il faut l'abattre maintenant, ou bien il va répandre sa semence et enfanter une pépinière de maux semblables dont nous serons tous accablés.

      NESTOR. – Sans doute; mais comment?

      ULYSSE. – Ce défi qu'envoie le brave Hector, quoique offert en général à tous les Grecs, s'adresse pourtant en intention au seul Achille.

      NESTOR. – L'intention est aussi claire que l'est aux yeux l'état d'une fortune dont un petit nombre de chiffres expose le total. Et ne doutez pas qu'à la publication de ce

Скачать книгу