Troïlus et Cressida. Уильям Шекспир

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Troïlus et Cressida - Уильям Шекспир

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nacelle dont la faible structure osait, il n'y a qu'un moment, rivaliser avec la grandeur? Elle a fui dans le port, ou bien elle est déjà engloutie par Neptune. De même, c'est dans les orages de l'adversité que la valeur apparente et la valeur réelle se distinguent. Sous l'éclat brillant de ses rayons, le troupeau est plus tourmenté par le taon que par le tigre; mais, lorsque le vent destructeur fait ployer le genou au chêne noueux et que l'insecte se met à l'abri, l'animal courageux12, excité par la fureur de la tempête, s'irrite avec elle, et répond sur le même ton à la fortune ennemie.

      Sic ubi magna novum Phario de littore puppis

      Solvit iter jamque innumeros utrinque rudentes

      Lataque veliferi porrexit brachia mali,

      Invasitque vias, it eodem angusta Phalesus

      Æquore, immensi partem sibi vindicat Austri.

      ULYSSE. – Agamemnon, illustre général, toi qui es les os et les nerfs de la Grèce, le coeur de nos soldats, l'âme et l'esprit dans lesquels doivent se concentrer tous les caractères et toutes les volontés, écoute ce que dit Ulysse. – D'abord je dois donner l'approbation et les applaudissements qui sont dus à vos harangues, à la tienne, ô toi le plus puissant par ton rang et ton autorité, et à la tienne, Nestor, vénérable par tes longues années. Il faudrait les graver sur une table de bronze que montreraient Agamemnon et la main de la Grèce. Nestor aussi mériterait d'être représenté sur l'argent, enchaînant toutes les oreilles des Grecs à sa langue éloquente par un lien d'air aussi fort que le pivot sur lequel tourne le ciel13. Cependant, sous votre bon plaisir à tous deux, toi, puissant roi, et toi, sage vieillard, daignez écouter Ulysse.

      AGAMEMNON. – Parle, prince d'Ithaque; nous sommes bien plus certains que tu ne prends pas la parole pour traiter des sujets inutiles et sans importance, que nous ne le sommes de n'entendre aucun trait d'ingénieuse éloquence, ni aucun oracle de sagesse, quand le grossier Thersite ouvre sa mâchoire de dogue.

      ULYSSE. – Troie, debout encore sur ses fondements, serait en ruines, et l'épée du grand Hector n'aurait plus de maître, sans les obstacles que je vais nommer. La règle et les droits de l'autorité ont été méprisés: voyez combien de tentes grecques s'élèvent sur cette plaine; eh bien, comptez autant de factions. Lorsque celle du général ne ressemble pas à la ruche, où doivent revenir toutes les abeilles dispersées dans les champs, quel miel peut-on espérer? Quand la distinction des rangs est méconnue, le plus indigne paraît beau sous le masque. Les cieux mêmes, les planètes et ce globe, centre de l'univers14, observent les degrés, les prééminences et les distances respectives; régularité dans leurs cours divers, marche constante, proportions, saisons, formes, tout suit un ordre invariable. Et c'est pourquoi le soleil, cette glorieuse planète, sur son trône, brille en roi au milieu des autres qui l'environnent: son oeil réparateur corrige les malins aspects des planètes malfaisantes, et son influence souveraine, telle que l'ordre d'un monarque, agit et gouverne, sans obstacle ni contradiction, les bonnes et les mauvaises étoiles. – Mais lorsque les planètes, troublées et confondues, sont errantes et en désordre, alors que de pestes, que de prestiges, que de séditions! La mer est furieuse, la terre tremblante et les vents déchaînés; les terreurs, les changements, les horreurs brisent l'unité, déchirent et déracinent de fond en comble la paix des États arrachés à leur repos. De même, quand la subordination est troublée, elle qui est l'échelle de tous les grands projets, alors l'entreprise languit. Par quel autre moyen, que par la subordination, les degrés dans les écoles, les communautés et les corporations dans les villes, le commerce paisible entre des rivages séparés, les droits de la naissance et de la primogéniture, les prérogatives de l'âge, des couronnes, des sceptres et des lauriers peuvent-ils être maintenus à leur rang légitime? Otez la subordination, mettez cette corde hors de l'unisson, et écoutez quelle dissonance va suivre. Toutes choses se rencontrent pour se combattre: les eaux renfermées dans leur lit enflent leur sein plus haut que leurs bords et trempent la masse solide de ce globe: la force devient la maîtresse de la faiblesse, et le fils brutal va étendre son père mort à ses pieds. La violence s'érige en droit, ou plutôt le juste et l'injuste, que sépare la justice assise au milieu de leur choc éternel, perdent leurs noms, et la justice anéantie périt aussi; alors chacun se revêt du pouvoir, le pouvoir de la volonté, la volonté de la passion, et la passion, ce loup insatiable, ainsi secondée du pouvoir et de la volonté, doit nécessairement faire sa proie de toutes choses et finir par se dévorer elle-même. Grand Agamemnon, voilà le chaos qui est inévitable, lorsque la subordination est étouffée; c'est ce mépris de la subordination qui fait reculer d'un pas, lorsqu'on a le projet de monter. Le général est méprisé par l'officier qui est à un pas au-dessous de lui, celui-ci par le suivant, le suivant par celui qui est au-dessous de lui, ainsi chacun suivant l'exemple du premier, qui s'est dégoûté de son supérieur, est pris d'une fièvre d'envie et d'une émulation pâle et sans énergie: c'est cette fièvre qui maintient Troie sur sa base, et non pas sa propre puissance. Pour conclure ce discours déjà trop long, Troie subsiste par notre faiblesse et non par sa force.

      NESTOR. – Ulysse a parlé avec sagesse, il a découvert le mal dont toute notre armée est infectée.

      AGAMEMNON. – La nature du mal étant connue, Ulysse, quel en est le remède?

      ULYSSE. – Le grand Achille, que l'opinion couronne, comme la force et le bras droit de notre armée, ayant l'oreille remplie du bruit de sa renommée, devient délicat sur son propre mérite, et reste étendu dans sa tente à se moquer de nos desseins. A ses côtés, nonchalamment couché sur un lit, Patrocle, tout le long du jour, fait assaut avec lui de propos bouffons; et ce calomniateur appelle imitation les traits ridicules et gauches sous lesquels il prétend nous contrefaire. Tantôt, illustre Agamemnon, il se met à jouer ta mission souveraine; semblable à un acteur affecté, dont tout le mérite est dans son jarret, et qui croit que c'est une merveille d'entendre les planches retentir et répondre à l'impulsion de son pied tendu; c'est par cette farce chargée et déplorable qu'il contrefait ta majesté. – Lorsqu'il parle, c'est comme un carillon qu'on raccommode; et il exhale des termes si outrés que, dans la bouche mugissante de Typhon même, ils paraîtraient encore des hyperboles. A ces mauvaises plaisanteries, le vaste Achille, étendu sur son lit gémissant, applaudit en tirant de sa poitrine profonde un bruyant éclat de rire, et s'écrie: «Excellent! c'est Agamemnon au naturel. – Allons, joue-moi Nestor à présent; fais hem! hem! et caresse ta barbe15 comme le vieillard, lorsqu'il se prépare à nous débiter sa harangue.» Patrocle obéit, et se rapproche de Nestor comme les extrémités de deux lignes parallèles16, il lui ressemble comme Vulcain à sa femme. Cependant le bon Achille s'écrie toujours: «Excellent! c'est Nestor en personne! allons, représente-le-moi, Patrocle, lorsqu'il s'arme pour répondre à une alarme nocturne.» Et alors, les infirmités mêmes de la vieillesse deviennent un objet de risée; Patrocle de tousser, de cracher, de tâtonner d'une main paralytique son gorgerin17, sans pouvoir en ajuster l'agrafe; et à ce jeu, notre chevalier La Valeur de mourir de rire et de s'écrier: «Oh! assez, Patrocle, ou donne-moi des côtes d'acier: je briserai les miennes en me dilatant la rate18.» C'est de cette manière que tous nos talents, nos facultés, nos caractères, nos personnes, toutes nos qualités les plus estimables, nos exploits, nos inventions, nos ordres, nos défenses, nos défis au combat, ou nos négociations pour les trêves, nos succès ou nos pertes, ce qui est et ce qui n'est pas sert de matière aux bouffonneries de ces deux personnages.

      NESTOR. – Et l'exemple de ce couple, que l'opinion, comme l'a dit Ulysse, proclame de sa voix souveraine, infecte beaucoup de gens. Ajax est devenu volontaire; il porte la tête tout aussi haut que le grand Achille: comme lui, il garde sa tente, il y donne des festins séditieux, il raille nos plans de guerre avec la hardiesse d'un oracle, et il excite Thersite, ce vil esclave, dont le fiel forge sans cesse des

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<p>12</p>

On dit que le tigre redouble de fureur dans les tempêtes; cette opinion n'est nullement fondée.

<p>13</p>

Le bronze est le symbole de la force et de la durée, l'argent celui de la douceur; on dit en anglais une bouche d'argent, comme en grec, en latin et en français une bouche d'or; Chrysostôme: il y a dans le texte le verbe to hatch (hacher), ancienne expression de graveur. Les commentateurs ont pris ce passage pour texte de leurs dissertations, et ont fini par n'être plus d'accord.

<p>14</p>

Le système de Ptolémée était alors en vogue.

<p>15</p>

Tange manu inentum, tangunt quo more precantes. Optabis merito cum mala multa viro. (OVIDE.)

<p>16</p>

«Les parallèles dont il s'agit semblent être les lignes parallèles des cartes géographiques.» (JOHNSON.)

<p>17</p>

Pièce d'armure pour défendre la gorge.

<p>18</p>

La rate est, disait-on, l'organe du rire.