Correspondance, 1812-1876. Tome 3. Жорж Санд

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Correspondance, 1812-1876. Tome 3 - Жорж Санд

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et, grâce à la Providence, vous l'avez traversé sans effusion de sang humain. Dans le désordre d'idées où cet événement va vous jeter durant quelques jours, prouvez, citoyens, que vous pouvez maîtriser votre émotion et ne pas perdre la notion d'une équité supérieure aux troubles passagers de la situation.

      «Ne confondez point l'ordre, ce mot officiel du passé, avec la méfiance qui aigrit et provoque. Il vous est bien facile de maintenir l'ordre sans porter atteinte à la liberté. Vous n'avez pas droit sur la liberté, conquête du peuple, et, comme ce n'est pas le peuple, que c'est une très petite fraction du peuple qui vous a outragés le 15 mai, vous ne pouvez pas, vous ne devez pas châtier la France de la faute commise par quelques-uns, en restreignant les droits et les libertés de la France.

      «Prenez garde, et n'agissez pas sous l'influence de la réaction; car ce n'est pas le 15 mai que vous avez couru un danger sérieux, c'est aujourd'hui, derrière le rempart de baïonnettes qui vous permet de tout faire. Le danger pour vous, ce n'est pas d'affronter une émeute parlementaire. Tout homme investi d'un mandat comme le vôtre doit envisager de sang-froid le passage de ces petites tempêtes; mais le danger sérieux, c'est de manquer au devoir que ce mandat vous impose, en faisant entrer la République dans une voie monarchique ou dictatoriale; c'est d'étouffer le cri de la France, qui vous demande la vie, et à laquelle un retour vers le passé donnerait la mort; c'est enfin de préparer, par crainte de l'anarchie partielle dont vous venez de sortir sains et saufs, une anarchie générale que vous ne pourriez plus maîtriser.»

      GEORGE SAND

      CCLXXVIII

      AU CITOYEN THÉOPHILE THORÉ, A PARIS

      Nohant, 24 mai 1848.

      Mon cher Thoré,

      Voyez si vous ayez quelques mots à retrancher ou à-ajouter, pour ce qui vous concerne, dans les premières lignes de la lettre que je vous adresse; ces premières lignes sont une réponse à certaines gens qui disent que je me suis sauvée pour n'être pas arrêtée. Comme je ne pouvais pas craindre la moindre chose, je n'avais point à me sauver et je suis fort aisée à trouver à. Nohant.

      Vous avez raison de faire comme vous faites. La raison du plus brave est toujours la meilleure. Mais soyez prudent en ce qui concerne nos amis. On m'a envoyé quelques numéros de la Vraie République; après quoi, on s'est arrêté, et, depuis deux jours, je ne reçois plus rien. C'est déplorable, cette négligence! Il est impossible d'écrire à propos dans un journal qu'on ne lit pas.

      J'ignore à quelles personnes appartient l'avenir, je n'ai que la passion de l'idée, et je crains bien que l'idée ne soit paralysée pour longtemps. Vive l'idée quand même!

      A vous.

      GEORGE SAND.

      CCLXXIX

      AU CITOYEN LEDRU-ROLLIN, A PARIS

      Nohant, 28 mai 1848.

      Cher concitoyen,

      Vous ne savez pas que j'écris dans un journal qui vous est hostile, à vous personnellement moins qu'à tout autre, mais qui se fâche de beaucoup de choses et de beaucoup de gens sans que je sois solidaire de toutes les sympathies et de toutes les antipathies de la Rédaction en chef. Vous n'avez pas le temps de lire les journaux sans doute; mais vous aviez naguère celui de causer de temps en temps quelques minutes avec moi, et je vous impose de me lire; ce qui, j'espère, ne vous prendra guère plus de minutes qu'à l'ordinaire.

      C'est parce que probablement vous ne savez pas que je rédige dans la Vraie République que je veux que vous le teniez de moi; et ce que je veux que vous sachiez aussi, c'est que je n'accepte pas la responsabilité des attaques contre les personnes; c'est pour cela que je signe tout ce que j'y écris.

      Lorsque j'ai consenti à cette collaboration, la lutte ne s'était pas dessinée; en la voyant naître, j'ai vainement essayé de la tempérer. Mais l'événement du 15 mai est venu, et il y aurait eu lâcheté de ma part à me retirer. Voilà pourquoi je reste attachée à un journal qui vous traite collectivement de Roi, de Consul, de Directoire, etc., et qui vous reproche de rester au pouvoir quand Barbès est en prison. Cela me fait une position fausse et que je dois subir dans mon petit coin, comme beaucoup d'autres la subissent sur un plus grand théâtre. Je reste persuadée que vous ne devez pas abandonner le terrain à la réaction sans avoir essayé de la briser. Mais je ne puis pas dire cela dans ce journal. Ce serait inopportun et imprudent; ce serait peut-être agir contrairement à la voie que vous avez résolu de suivre, quant aux moyens.

      En fait de politique proprement dite, je suis on ne peut plus incapable, vous le savez. Mais je vous demande une chose, c'est de me faire signe quand vous consentirez à ce que je dise dans ce même journal, qui vous attaque, et où je garderai toujours le droit d'émettre mon avis sous ma responsabilité personnelle, ce que je sais et ce que je pense de votre caractère, de votre sentiment politique et de votre ligne révolutionnaire.

      Si vous n'avez pas le temps d'y songer, je ne vous en voudrai point et je ne me croirai pas indispensable votre justification auprès de quelques personnes dont le jugement ne vous est pas indispensable non plus. Mais, pour l'acquit de ma conscience, de mon affection, je me dois (au risque de faire l'importante) de vous dire cela; vous le comprendrez comme je vous le donne, de bonne foi et de bon coeur.

      On me dit ici que j'ai été compromise dans l'affaire du 15 mai. Cela est tout à fait impossible, vous le savez. On me dit aussi que la commission exécutive s'est opposée à ce que je fusse poursuivie. Si cela est, je vous en remercie personnellement; car ce que je déteste le plus au monde, c'est d'avoir l'air de jouer un rôle pour le plaisir de me mettre en évidence. Mais, si l'on venait à vous accuser de la moindre partialité à mon égard, laissez-moi poursuivre, je vous en supplie. Je n'ai absolument rien à craindre de la plus minutieuse enquête. Je n'ai rien su ni avant ni pendant les événements, du moins rien de plus que ce qu'on voyait et disait dans la rue. Mon jugement sur le fait, je ne le cache pas, je l'écris et je le signe; mais je crois que ce n'est pas là conspirer.

      Adieu et à vous de tout mon coeur.

      GEORGE SAND.

      CCLXXX

      AU CITOYEN THÉOPHILE THORÉ, A PARIS

      Nohant, 28 mai 1848

      Cher Thoré,

      Je vous enverrai de la copie, non pas une éclatante protestation comme vous me disiez, mais la suite (et non la fin) de la protestation de toute ma vie.

      Quant à l'affaire du 15, je passerai à côté. Elle est accomplie, je n'ai plus le droit de la blâmer puisqu'elle est vaincue, et je garderai le silence sur les hommes qui l'ont soulevée et que nous n'aimons pas. Seulement je, peux vous dire, à vous, que, lorsque j'appris, dans la foule, ce bizarre mélange de noms, jetés en défi à l'avenir, je rentrai chez moi décidée à ne pas me faire arracher un cheveu pour des Raspail, des Cabet et des Blanqui. Tant que ces hommes s'inscriront sur notre bannière, je m'abstiendrai. Ce sont des pédants et des théocrates; je ne veux point subir la loi de l'individu et je m'exilerai le jour où nous ferons la faute de les amener au pouvoir.

      Ne me dites point de n'avoir pas peur, ce mot-là n'est pas français. Je suis trop lasse de la vie pour éviter une occasion de la perdre, trop ennemie de la propriété pour ne pas désirer de m'en voir débarrassée trop habituée à la fatigue et au travail pour comprendre les avantages du repos.

      Mais ma conscience

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