Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн ОÑтин
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— Venez tous prendre le thé avec nous ce soir, dit-il, nous sommes tout-à-fait seuls, mais demain nous avons beaucoup de monde, et il faut absolument dîner au Parc.
Madame Jenning les pressa d’accepter. On dansera dans la soirée, dit-elle, et cela doit tenter miss Maria.
— Danser ! s’écria-t-elle, impossible ; qui peut penser à danser !
— Qui ! vous même, ma belle, et la petite Emma, et les Carey, et les Whitalers. Comment, ma chère, vous pensez de bonne foi que personne ne peut danser, parce que quelqu’un… que je ne nomme pas est parti !
— Je voudrais de toute mon ame, dit sir Georges, que Willoughby fût encore avec nous.
Ces mots et la rougeur de Maria donnèrent de nouveaux soupçons à Edward. Qui donc est ce Willoughby, demanda-t-il à voix basse à Elinor, près de qui il était assis ? Elle le lui dit en peu de mots ; mais la contenance et la physionomie de Maria parlaient plus clairement. Edward en vit assez pour comprendre ce qui en était, et quand les visiteurs furent partis, il s’approcha d’elle et lui dit à demi voix : J’ai deviné ; dois-je vous dire ce que j’ai deviné ?
— Quoi donc ?… Qu’entendez-vous ?
— Dois-je le dire ?
— Certainement.
— Eh bien, j’ai deviné que M. Willoughby chasse.
— Maria fut surprise et confuse, cependant elle ne put s’empêcher de rire de sa douce et fine raillerie, et après un moment de silence, elle lui dit : Oh Edward ! comment pouvez-vous… Mais le temps viendra où j’oserai… Je suis sûre que vous l’aimerez.
— Je n’en doute pas, répondit-il avec amitié. Cet aveu naïf de Maria l’avait touché ; il croyait qu’il y avait une plaisanterie établie sur elle et sur Willoughby sans conséquence, et que Maria s’en défendrait, ou plaisanterait elle-même. Mais elle avait répondu tout autrement qu’il ne s’y attendait ; et il sentit que c’était plus sérieux qu’il ne l’avait cru.
CHAPITRE XIX.
Edward passa une semaine à la chaumière, il fut vivement pressé par madame Dashwood d’y rester plus long-temps ; mais on aurait dit qu’il était décidé à se mortifier lui-même, il prit tout-à-coup la résolution de quitter ses amis au moment où il sentait le plus le bonheur de les revoir. Son humeur dans les derniers jours, quoique toujours inégale était cependant beaucoup plus agréable. Il paraissait chaque jour plus content de l’habitation et des environs ; il ne parlait jamais de son départ qu’avec un soupir ; il avouait que rien ne le rappelait ailleurs ; il était même incertain où il irait en les quittant, mais cependant il voulait partir. Jamais, disait-il, aucune semaine de sa vie ne lui avait paru plus courte ; jamais il n’avait été plus complètement heureux ! Ses paroles, ses regards, des attentions légères, mais qui de sa part disaient beaucoup, tout devait rassurer Elinor sur ses sentimens ; mais cependant sa conduite devait la surprendre. Libre de prolonger son séjour auprès d’elle, pourquoi cette obstination de partir ? Il n’avait aucun plaisir à Norland, il détestait Londres, et il voulait aller à Norland ou à Londres. Il appréciait leurs bontés, leur amitié au-delà de tout ; son plus grand bonheur était d’en jouir, et cependant il voulait les quitter à la fin de la semaine malgré elles et malgré lui, et sans avoir rien à faire qui fût un obstacle à leurs désirs mutuels.
Mais Elinor n’était ni susceptible ni défiante, elle mit sur le compte de madame Ferrars tout ce qui l’étonnait dans la conduite de son fils. Il était heureux qu’Edward eût une mère dont le caractère lui était si peu connu qu’il pouvait servir d’excuse pour tout ce qui paraissait étrange dans la manière d’être d’Edward. Sa réserve, sa froideur, ses inégalités, son départ, tout fut mis sur le compte de cette mère. Elle en estima davantage son ami de ne pas lui résister ouvertement, et d’attendre en silence le moment où il serait le maître de déclarer ses sentimens et ses intentions. Elle ne craignait pas de grandes difficultés de la part d’une famille déjà alliée à la sienne ; elle aurait bien sûrement l’appui de son frère, et sa belle-sœur même n’oserait pas faire autrement que son mari. Edward était assez riche pour n’écouter que le choix de son cœur en se donnant une compagne, lorsqu’à tout autre égard ce choix était honorable. Si madame Ferrars avait l’air de s’y opposer, c’était moins par rapport à elle que pour tenir son fils dans sa dépendance tant qu’elle en avait le droit ; et sans doute il jugeait plus sage et plus prudent de ne pas la heurter encore, de temporiser avec elle, et par sa condescendance actuelle de mériter la sienne quand le moment serait arrivé. Ainsi rassurée sur sa conduite, Elinor chercha et trouva la consolation de son départ dans le souvenir de chaque preuve de son affection, de chaque regard pendant cette semaine si vîte écoulée, et surtout de cet anneau qu’il portait à son doigt, et qui plus que le reste encore l’assurait de sa constance. Quand il lui serait resté quelques doutes, ils se seraient tous évanouis au moment de son départ. Il était l’image vivante de la tristesse et des regrets ; à peine pouvait-il retenir ses larmes ; il ne pouvait cacher combien son cœur était oppressé. Maria fut enfin contente de lui, et lui exprima aussi à sa manière animée ses regrets de le voir partir. Elinor avait assez à faire à garder bonne contenance, et madame Dashwood essayait de remonter un peu son futur gendre. Vous êtes mélancolique, mon cher Edward, lui disait-elle ; sans doute il est toujours triste de se séparer de ses amis, mais il n’y a d’ailleurs nulle circonstance affligeante, vous pouvez revenir quand vous le voudrez, et nous désirons tous que ce soit bientôt, n’est-ce pas, Elinor ?… Vous êtes à tout égard un heureux jeune homme, il ne vous manque qu’un peu de patience, ou si vous voulez lui donner un nom plus doux, de l’espoir. Votre mère vous gêne peut-être un peu dans ce moment ; mais enfin celui de votre indépendance, viendra bientôt. Madame Ferrars assurera votre bonheur, c’est son devoir, et sans doute sa volonté.
— Je ne suis pas né pour le bonheur, dit-il en secouant la tête tristement.
C’était le moment du départ, sa tristesse augmenta la peine que chacune en ressentait, et laissa surtout une forte impression dans l’âme d’Elinor ; mais elle était déterminée à la surmonter. Elle employa toutes les forces dont elle était capable à cacher ce qu’elle souffrait ; elle n’adopta pas la méthode dont Maria s’était servie avec tant de succès, dans une occasion semblable, pour augmenter et fixer son chagrin, par le silence, la solitude, l’oisiveté. Dès qu’Edward fut parti, Elinor se mit à son dessin, et employa utilement et agréablement la journée, sans chercher à parler de lui, et sans éviter d’en parler, prenant intérêt à tout ce qui se disait. Si par cette sage conduite elle ne diminua pas ses peines, elle prévint au moins qu’elles ne s’augmentassent inutilement, et sa mère et ses sœurs n’eurent aucune inquiétude sur son compte. Sans se séparer de sa famille, sans les quitter pour se promener seule, sans passer ses nuits blanches, Elinor trouvait encore fort bien le temps de s’occuper d’Edward et de sa conduite, avec les variations de la disposition de son âme, avec tendresse, pitié, blâme, approbation, confiance, doute, etc., etc. Elle pouvait commander à ses actions, à sa manière