Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн ОÑтин
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— Nous écrire continuellement l’un à l’autre, dit Lucy en renfermant sa lettre, est le seul moyen, de nous consoler dans nos longues séparations. Moi cependant j’en ai un autre dans son portrait ; mais le pauvre Edward en est privé. Il dit que s’il avait le mien il serait moins malheureux. Je lui ai du moins donné dernièrement une boucle de mes cheveux renfermée dans le cristal d’une bague : c’est un dédommagement ; mais non pas tel qu’un portrait. N’avez-vous fait aucune attention à cet anneau ? Le portait-il à Barton ?
— Oui, dit Elinor d’une voix ferme avec laquelle elle cherchait à cacher une émotion et une souffrance telles qu’elle n’en avait point encore éprouvée. Elle était à-la-fois désolée, blessée, mortifiée, confondue ; elle éprouvait tout ce qu’il y a de plus cruel et de plus déchirant.
Heureusement elles arrivèrent à la Chaumière ; et la conversation finit. Après s’être reposée quelques minutes, mademoiselle Stéeles retourna au Parc ; et la malheureuse Elinor fut en liberté de se livrer à ses tristes réflexions.
CHAPITRE XXIII.
Quelque peu de confiance qu’eût en général Elinor dans la véracité de Lucy, il lui était impossible de la suspecter dans cette occasion, ni de comprendre quel motif aurait pu l’engager d’inventer cette histoire. Il y avait non-seulement des probabilités, mais des preuves ; et rien ne contredisait Lucy, excepté son propre désir. Leur liaison presqu’au sortir de l’enfance dans la maison de M. Pratt ; et la visite d’Edward près de Plymouth ; et sa mélancolie, et l’inégalité de sa conduite avec Elinor ; et la grande connaissance que mesdemoiselles Stéeles avaient de Norland, et de toutes les relations de la famille Dashwood, ce qui l’avait souvent surprise ; et le portrait, et la lettre, et l’anneau : tout cela lui fournissait des preuves si convaincantes, que sa raison ne pouvait se refuser à la croire. Au premier moment, lorsqu’elle fut forcée d’admettre la parfaite vérité de tout ce que Lucy venait de lui dire, son ressentiment contre Edward, son indignation d’avoir été trompée l’emportèrent même sur sa douleur. Mais bientôt d’autres idées, d’autres considérations s’élevèrent. Edward avait-il eu l’intention de la tromper ? avait-il feint avec elle un sentiment qu’il n’avait pas ? Son cœur était-il de moitié dans ses engagemens avec Lucy ? Non ; et s’ils ont été une fois dictés par un amour de jeunesse, elle ne peut croire que cet amour existe encore à présent. elle a trop bien vu que c’était elle qu’il aimait pour n’en être pas convaincue. Un homme peut tromper avec de fausses paroles ; Edward n’a pas prononcé le mot d’amour à Elinor ; mais tout chez lui l’a prouvé, et son trouble, et ses regards, et le son tremblant de sa voix, et ses attentions si soutenues. Non, ce n’est point une erreur ; ni son cœur ni son amour-propre ne l’ont égarée. Sa mère, ses sœurs, Fanny, tout ce qui l’entourait à Norland s’en est aperçu. Certainement elle est aimée ; et cette persuasion console son cœur, calme ses peines et la dispose à pardonner. Il était blâmable cependant, hautement blâmable d’être resté à Norland lorsqu’il sentit qu’il l’aimait plus qu’il ne devait l’aimer. À cet égard elle ne pouvait le justifier ; mais s’il lui avait fait du mal par cette imprudence, combien ne s’en était-il pas fait davantage à lui-même ! La situation d’Elinor était triste sans doute, mais celle d’Edward était sans espoir. Elle était bien malheureuse dans ce moment, mais la raison guérirait peut-être la plaie de son cœur ; tandis qu’Edward en détachant le sien de la femme à qui il était engagé, s’était privé lui-même de tout espoir de bonheur. Elle retrouverait sa tranquillité, mais lui serait pour la vie livré à l’infortune. Pouvait-il espérer d’être heureux avec une femme telle que Lucy Stéeles ? À présent que le bandeau de l’amour était levé, même en mettant son inclination pour Elinor hors de la question, pouvait-il avec sa loyauté, sa délicatesse, son esprit cultivé être heureux avec une compagne ignorante, artificieuse, sans éducation, vaine, flatteuse, intéressée ? À dis-huit et dix-neuf ans il est si facile à un homme d’être entraîné par la beauté, par les prévenances d’une jeune fille qui peut-être cherchait à l’attirer, et d’être aveuglé sur ses défauts. Mais les quatre années suivantes, pendant lesquelles il avait acquis chaque jour plus de connaissances, plus d’expérience, une raison plus éclairée, devaient avoir ouvert ses yeux sur les vices de caractère de cette jeune personne, augmentés sans doute par la pauvre société où elle avait vécu, par un goût vif de plaisir et de frivolité, qui peut-être lui avait ôté cette simplicité de la première jeunesse, qui donne un caractère si intéressant à une jolie figure. Si, comme Elinor devait le croire d’après les insinuations de sa belle-sœur, il y avait des difficultés du côté de la mère d’Edward pour l’épouser, combien en trouverait-il davantage lorsqu’il serait question d’une personne qui lui est aussi inférieure en naissance, en bonne éducation, et probablement même en fortune ? Ces difficultés, il est vrai, ne devaient pas l’effrayer beaucoup ; mais quel triste sort que d’attendre peut-être sa liberté du mécontentement de sa mère et de son opposition à ses volontés.
Ces pensées, ces réflexions qui se succédaient les unes aux autres augmentèrent beaucoup sa tristesse. Elle pleura sur lui plus que sur elle même. Soutenue par la conviction de n’avoir rien fait pour mériter son malheur, et consolée par la croyance qu’Edward était encore digne de son estime, elle espéra qu’elle pourrait actuellement supporter ce cruel chagrin avec courage, et prendre assez de force sur elle-même pour le cacher à sa mère et à sa sœur. Elle en était si capable que, deux heures après avoir perdu pour jamais tout espoir d’être unie à celui qu’elle aimait si tendrement, elle parut à dîner avec un tel calme qu’on n’aurait jamais soupçonné, en la voyant à côté de la mélancolique Maria, que c’était elle qui était séparée pour toujours de l’objet de son amour, et que Maria convaincue de posséder en entier les affections de celui qu’elle aimait, espérait le voir arriver d’un moment à l’autre.
La nécessité de cacher à sa famille l’important secret que Lucy lui avait confié, fut un motif de plus pour elle de s’exercer à cacher en même temps le sien. Ce fut aussi une consolation de leur épargner ce qui leur aurait sûrement donné beaucoup d’affliction, et, à elle-même celle d’entendre blâmer Edward. Elles ne l’aimaient pas comme elle. Il n’aurait pas trouvé autant d’indulgence ; et prendre son parti, le défendre avait bien aussi son danger. Elle voulait chercher peu-à-peu à s’en détacher, au lieu de nourrir son sentiment ; elle savait qu’elle ne trouverait auprès d’elles ni conseil, ni aide pour une peine de cette nature. Leur chagrin, leur colère ajouteraient à son malheur ; et son courage ne pourrait que s’affaiblir. Elle était plus forte seule ; sa propre raison la servait mieux ; et sa fermeté se soutint si bien qu’on n’aperçut pas chez elle le moindre changement, et qu’elle fut invariablement aussi gaie, aussi sereine en apparence, quoique ses regrets et sa douleur intérieure fussent chaque jour plus poignants.
Mais plus elle avait souffert de sa première conversation avec Lucy, plus elle désirait connaître mieux en détail les particularités de leurs engagemens, découvrir ce que Lucy sentait réellement au fond de son cœur, si son amour pour Edward était vraiment tendre et sincère, et s’il y avait pour lui quelque chance de bonheur dans celle union. Alors elle aurait moins