Président Élu. Джек Марс
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– Je vous rappelle ! cria-t-il dans l’appareil.
Même en s’activant, il lui fallut plusieurs minutes pour enfiler les couches de vêtements nécessaires. Il faisait trop froid dehors pour faire les choses à moitié. Il ouvrit la tente, rampa à travers la minuscule entrée et s’extirpa dans la tempête. Le vent et la glace cinglèrent en même temps son visage. Il devait faire vite.
Il accrocha un fanal lumineux aux montants de la tente et s’éloigna du bruit de la toile battant au vent, trébuchant à chaque pas dans la neige épaisse. Il avait pris une torche puissante et se retournait tous les quelques pas pour repérer la direction de son campement. Il n’y avait aucune lumière dehors, et la visibilité ne portait pas à plus de vingt mètres. La neige et la glace tourbillonnaient autour de lui.
Il appuya sur le bouton d’appel et glissa le téléphone dans la capuche de sa parka. Figé comme une statue, il écouta les bips tandis que le téléphone se connectait au satellite et que l’appel tentait de passer.
– Stone ? répondit une grosse voix masculine.
– Oui.
– Restez en ligne, je vous passe la présidente des États-Unis.
Il y eut une courte attente.
– Luke ? s’enquit une voix féminine.
– Madame la présidente ! cria Luke. (Il ne put s’empêcher de sourire.) Ça fait longtemps.
– Bien trop longtemps, répondit Susan Hopkins.
– Que me vaut cet honneur ?
– J’ai des ennuis, dit-elle. J’ai besoin de vous ici.
Luke y réfléchit un instant.
– Heu, je suis loin de tout en ce moment. Ça va être un peu compliqué de…
– Peu importe, trancha-t-elle. Où que vous soyez, je vous envoie un avion. Ou un hélicoptère. Tout ce qu’il vous faut.
– Un bon gros saint-bernard ferait l’affaire pour commencer, répondit Luke. Avec un petit tonnelet de whisky autour du cou.
– C’est fait. Il vous apportera aussi un sandwich, au cas où vous auriez faim.
Luke se retint de rire.
– C’est rien de le dire. Et quand j’aurai mangé, j’aurai vraiment besoin de cet hélico.
– Fait aussi. Avant de raccrocher, je vous passe quelqu’un qui va prendre vos coordonnées et enverra quelqu’un vous chercher. On se met en quatre ici. On croit au service à domicile.
Luke devait bien admettre qu’il ressentit un bref soulagement. Un instant plus tôt, il ne voyait aucun moyen de quitter cette montagne, pas de seconde chance dans sa vie. À présent, il en avait une. Avant, il ne savait plus s’il voulait vivre ou mourir – mais il en était sûr maintenant. Il le savait à la façon dont son sang n’avait fait qu’un tour quand elle lui avait offert une issue. Intellectuellement, il hésitait toujours, mais viscéralement, son corps s’était clairement exprimé.
Il voulait vivre.
Malgré tout l’enfer qu’il avait traversé, d’une façon ou d’une autre, il voulait vivre.
– Qu’est-ce qui se passe ? s’enquit-il.
Elle hésita, et quand elle parla, sa voix frémit légèrement. Il put l’entendre malgré le vent qui le fouettait.
– Hier, c’était l’élection présidentielle.
Luke considéra la chose. Il était hors circuit depuis si longtemps qu’il n’avait plus aucune idée de la date. Quelque part, loin d’ici, des gens faisaient campagne pour le poste suprême. Les roues du gouvernement continuaient de tourner. Il y avait des politiques à débattre et des décisions importantes à prendre. Il y avait une couverture médiatique et des moulins à paroles qui s’écharpaient. Il n’avait pas songé à tout cela depuis quelque temps. En fait, il en avait presque oublié l’existence.
Un long silence plana entre eux.
– Luke, reprit Susan. J’ai été battue.
CHAPITRE TROIS
08:03, heure normale de l’Est
Bureau ovale
Maison-Blanche, Washington DC
– Ce sale enfoiré, proféra-t-on dans la pièce. Il l’a truquée, purement et simplement.
Debout au milieu du grand bureau, Susan Hopkins regardait le large écran TV plat fixé au mur. Elle était toujours paralysée, presque en état de choc. Elle avait beau s’efforcer de se concentrer sur ce qu’elle voyait, elle peinait à avoir les idées claires. C’était trop à intégrer.
Elle était très consciente de la tenue qu’elle portait : un tailleur bleu nuit et un chemisier blanc. Elle ne se sentait pas à l’aise dedans. Jadis, il lui allait très bien – en fait, il avait été taillé sur mesures – mais c’était clair aujourd’hui que son corps avait changé. À présent le tailleur tombait mal : les épaules de la veste étaient trop amples, le pantalon trop serré. Les bretelles de son soutien-gorge lui pinçaient la peau du dos.
Trop de dîners tardifs. Trop peu de sommeil. Trop peu d’exercice.
Elle soupira profondément. Ce boulot la tuait, de toute façon.
Hier à la même heure, juste après l’ouverture des bureaux de vote, elle avait été l’une des premières à voter aux États-Unis. Elle était sortie de l’isoloir avec un grand sourire et le poing en l’air – une image captée par les photographes et les caméras de télévision et devenue virale au cours de la journée. Susan avait surfé sur une vague d’optimisme pour le jour du scrutin, et les sondages d’hier matin établissaient le soutien de plus de soixante pour cent d’électeurs potentiels – un possible raz-de-marée en formation.
Et maintenant ça.
Elle vit son adversaire, Jefferson Monroe, monter à la tribune de son quartier général de Wheeling, en Virginie-Occidentale. Bien qu’il ne soit que huit heures du matin, une foule de supporters et de personnel de campagne emplissait les locaux. Les caméras faisaient des panoramiques sur des quantités de grands chapeaux rouge, blanc et bleu style Abraham Lincoln, qui étaient en quelque sorte devenus l’emblème de la campagne de Monroe. Avec les banderoles agressives devenues le cri de guerre de ses troupes : L’AMÉRIQUE EST À NOUS !
À nous ? Qu’est-ce que ça voulait dire ? Par opposition à qui ? À qui d’autre appartiendrait-elle ?
C’était clair : aux minorités, aux non-chrétiens, aux homosexuels… au choix. En particulier, cela visait nettement les immigrants chinois en Amérique, ainsi que les Américains d’origine chinoise. Quelques semaines auparavant, la Chine avait menacé de recouvrer sa dette,