Lutter Contre Tout Ennemi. Джек Марс
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À l’écran, l’image fit un zoom arrière, se déplaça légèrement sur la droite et zooma à nouveau. Luke aperçut les pistes et les bâtiments d’un aérodrome, à proximité d’une petite ville.
« La base aérienne de Kleine Brogel, » dit Kurt. « C’est un aérodrome militaire belge situé à environ cent kilomètres à l’Est de Bruxelles. Le village que vous voyez, c’est Kleine Brogel, d’où le nom de la base aérienne. Elle abrite le 10e Wing tactique de l’armée belge. Ils opèrent avec des F-16 Fighting Falcons, des avions de chasse supersoniques qui peuvent, entre autres choses, larguer des bombes nucléaires B61. »
À l’écran, la carte disparut et fut remplacée par l’image d’une bombe en forme de missile, montée sur un chariot à roues et garée sous le fuselage d’un avion de chasse. La bombe était longue et lisse, de couleur grise avec une pointe noire.
« Voici le B61, » dit Kurt. « Un peu moins de trois mètres cinquante de long, environ soixante-quinze centimètres de diamètre, avec un poids d’environ trois cent vingt kilos. C’est une arme à rendement variable, qui peut larguer jusqu’à trois cent quarante kilotonnes sur une cible – environ vingt fois la magnitude de l’explosion d’Hiroshima. Si on compare ça aux mégatonnes des missiles balistiques, on voit bien que le B61 est une petite ogive nucléaire tactique. Elle est conçue pour être transportée par des avions rapides, comme le F-16. Remarquez sa forme épurée – qui lui permet de supporter les vitesses que les avions de chasse sont susceptibles d’atteindre. Ce sont des bombes de fabrication américaine et nous les partageons avec la Belgique dans le cadre de l’OTAN. »
« Donc ces bombes se trouvent actuellement dans cette base aérienne ? » demanda Susan.
Kurt hocha la tête. « Oui. Il doit y en avoir environ une trentaine. Mais je peux obtenir le nombre exact si cela s’avère nécessaire. »
Un murmure se fit entendre dans la salle.
Kurt leva la main. « Mais ce n’est pas tout. Kleine Brogel représente un enjeu politique en Belgique. Beaucoup de Belges détestent le fait que des bombes y soient stockées et ils veulent qu’elles sortent du pays. En 2009, un groupe de militants pacifistes belges ont décidé de montrer au public combien ces bombes étaient dangereuses. Ils sont passés à travers le système de sécurité de la base aérienne. »
La carte réapparut à l’écran. Kurt montra un endroit en périphérie de la base aérienne. « Au Sud de l’aérodrome, il y a quelques exploitations laitières. Les militants ont tout simplement traversé les champs, puis ils ont grimpé la clôture. Ils se sont baladés dans la base aérienne pendant au moins quarante-cinq minutes avant que quelqu’un remarque leur présence. Quand ils ont finalement été interceptés – par un pilote belge portant une arme non chargée – ils se trouvaient juste devant un bunker où certaines des bombes sont stockées. Ils avaient déjà tagué le bunker de slogans et accrochés des banderoles. »
Des murmures remplirent à nouveau la salle, mais le brouhaha fut plus prononcé cette fois-ci.
« OK, OK. Ça a été un sérieux manquement à la sécurité. Mais avant de s’emballer, il y a encore quelques points à préciser. Tout d’abord, les bunkers étaient verrouillés – il n’y avait aucun danger que les militants parviennent à y entrer. Et les bombes sont stockées dans des chambres en sous-sol – même si les militants étaient parvenus à entrer dans les bunkers, ils auraient été incapables de faire fonctionner les élévateurs hydrauliques pour remonter les bombes à la surface. Les militants étaient à pied, alors même s’ils étaient parvenus à remonter les bombes, ils n’allaient pas aller très loin en portant une arme qui pèse trois cent vingt kilos. »
« Alors, en tenant compte de tout ça, quel est, selon vous, le niveau de risque ? » demanda Haley Lawrence.
Kurt fit une longue pause. Il avait le regard perdu au loin. Son esprit fonctionnait telle une calculatrice, prenant en compte tous les éléments qu’il venait de décrire, en les ajoutant, les soustrayant, les multipliant et les divisant entre eux.
« Un niveau élevé, » dit-il.
« Élevé ? »
Kurt hocha la tête. « Oui, bien sûr. Le niveau de menace est élevé. Est-ce qu’un groupe terroriste pourrait projeter de voler une bombe à Kleine Brogel ? Bien sûr. Ce n’est pas la première fois qu’on entend parler de cette idée – ça a déjà été mentionné dans des chats sur des réseaux terroristes que la NSA et le Pentagone ont interceptés. Une cellule terroriste à Bruxelles pourrait très bien avoir un ou plusieurs contacts à la base aérienne qui pourraient les aider – en fait, c’est un scénario très probable. Oui, c’est vrai, les bombes ne sont pas opérationnelles sans les codes et oui, c’est vrai, elles sont conçues pour être larguées par des avions de chasse. Mais si les Iraniens voulaient ces bombes juste pour en étudier l’ingénierie ou en extraire le matériel nucléaire ? Les militants à Molenbeek sont en général des sunnites et ils détestent l’Iran. Nos militants pourraient être des mercenaires, qui proposeraient leurs services au plus offrant.
« Ou on pourrait encore envisager un autre cas de figure, » continua Kurt. « L’armée de l’air somalienne possède une poignée d’avions de chasse obsolètes. La plupart sont en ruine, mais je suis sûr qu’il doit encore y en avoir l’un ou l’autre qui peut voler. Le gouvernement somalien est faible, sous l’attaque constante de l’islam radical, et il est sur le point de s’effondrer. Et si des militants islamistes réquisitionnaient ces avions, y chargeaient une bombe et crashaient l’avion au cours d’une attaque nucléaire suicide ? »
« Est-ce que tu ne viens pas juste de dire que les bombes ne pouvaient pas être amorcées sans les codes ? » demanda Susan.
Kurt haussa les épaules. « Les codes nucléaires font partie des cryptages les plus perfectionnés au monde. À notre connaissance, ils n’ont jamais été déchiffrés, volés ou transmis. Mais ça ne veut pas dire que ce ne sera jamais le cas. Afin de se préparer au pire des scénarios, je pense qu’il vaut mieux partir du principe que ces codes seront un jour déchiffrés, s’ils ne l’ont pas déjà été. »
« Alors que suggérez-vous que nous fassions ? »
Kurt n’hésita pas une seconde. « Renforcer la sécurité sur la base aérienne de Kleine Brogel. Et tout de suite. Nous avons des troupes là-bas, mais il y a des tensions constantes avec les autorités belges. Afin d’augmenter de manière considérable le niveau de sécurité à Kleine Brogel, on va devoir marcher sur certaines plates-bandes. Il faut également réexaminer de près les mesures de sécurité mises en place sur les autres bases de l’OTAN où des armes nucléaires américaines sont stockées. Je pense qu’on constatera très vite que ces mesures sont suffisantes. Car en termes de sécurité laxiste, les Belges ont vraiment le pompon.
« Pour finir, je recommanderais de faire quelque chose que j’ai envie de faire depuis un petit temps – envoyer quelques agents d’opérations spéciales sur le terrain à Bruxelles, et plus particulièrement à Molenbeek. Pour qu’ils aillent fouiner et poser des questions. C’est le genre de choses que les Belges devraient faire régulièrement, mais qu’ils ne font pas. Ça ne devrait pas forcément être une opération secrète – ce serait peut-être même mieux si ce n’était pas le cas. Il suffit juste d’envoyer les bons agents, ceux qui ne prennent pas un non pour une réponse et qui savent mettre la pression. »
Au bord de l’épuisement, Luke écoutait d’une oreille distraite. Il essayait surtout de tenir le coup jusqu’à