Le Leurre Zéro. Джек Марс
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Il lui serra l’épaule puis ils retournèrent à l’intérieur, juste à temps pour trouver Sara qui fermait la porte derrière elle et ôtait son bonnet de laine. Son nez et ses joues étaient rougis et gercés par l’air hivernal.
Sara regarda son père puis hocha la tête. « Pizza ce soir, alors ? »
Il leva les deux mains en l’air. « Je suis vraiment si prévisible ? »
Maya sourit, puis elle remarqua qu’il y avait quelque chose d’étrange dans le comportement de Sara. Ses mouvements étaient raides, comme figés et pas uniquement à cause du froid, semblait-il. Même après avoir retiré son anorak, sa petite sœur gardait les coudes serrés, presque sur la défensive.
« Ça va ? » demanda Maya.
Sara renifla. « Ouais. C’est juste… mes conneries habituelles.
– Doucement, les gros mots ! s’écria leur père depuis la cuisine. Puis : Oui, je voudrais deux grandes pizzas…
– T’en fais pas, ça va », lui assura Sara en se dirigeant vers la chambre qu’elles partageaient.
Maya ne la crut pas, mais elle savait qu’il était inutile d’insister. Ils avaient tous leurs problèmes et chacun essayait de les gérer à sa façon. Pour les membres d’une famille qui s’étaient promis d’être honnêtes les uns envers les autres, il semblait qu’ils gardaient tous beaucoup de secrets, mais ce n’était pas par malhonnêteté, il s’agissait d’indépendance, d’être capable de s’assumer.
Même si parfois, il fallait bien l’admettre, cela les faisait se sentir bien seuls. Pourtant, il n’était peut-être pas nécessaire qu’il en soit ainsi. Elle pensa à ce fameux Connor qui avait disparu. Il devait bien y avoir un moyen de retrouver ce type… peut-être même qu’une personne aussi intelligente qu’elle, pourrait y arriver. Peut-être pourrait-elle faire quelque chose pour son père qui lui prouverait, au lieu de seulement le lui dire, qu’il n’était pas obligé de garder ses problèmes pour lui seul.
Si seulement elle pouvait apprendre à appliquer ses propres conseils.
CHAPITRE SEPT
Le président Jonathan Rutledge s’installa confortablement sur un canapé rayé du Bureau Ovale, retira les pieds de ses mocassins et posa ses talons sur la table basse cirée devant lui. Il était presque certain que le canapé, un des deux qui étaient perpendiculaires au bureau présidentiel, n’était pas là hier, mais il ne pouvait en être sûr. D’ordinaire, la pièce était toujours bourdonnante d’activité ; les conseillers, chefs d’état-major et administrateurs se pressaient ici et là, tant et si bien que le mobilier devenait plus une toile de fond qu’un décor. À l’origine de cet agencement se trouvait sa femme Deidre, qui s’était attribuée la mission « d’aider » l’équipe de décorateurs de la Maison-Blanche et de réaménager toutes les pièces une fois par semaine ou, du moins, c’était l’impression qu’il en avait.
C’était un canapé agréable. Il espérait qu’il demeurerait dans le bureau un certain temps.
En novembre dernier, Rutledge avait presque suivi le même chemin que le mobilier. À peine quelques mois auparavant, se jugeant inapte à assurer ses fonctions, il avait sérieusement envisagé de démissionner de son mandat de président. Il avait été promu de son ancien poste de Président de la Chambre des Représentants directement au sommet de l’échelle en raison de l’implication de ses prédécesseurs dans l’immense scandale avec la Russie. Il lui avait fallu un certain temps pour s’habituer à son nouveau rôle, au pouvoir qu’il lui conférait et aux responsabilités qui en découlaient.
Mais tout cela était derrière lui. Il avait pris la décision de continuer son mandat et avait ensuite nommé la sénatrice de Californie, Joanna Barkley, vice-présidente. Elle avait fait un travail remarquable jusqu’à présent. Leur cote de popularité était particulièrement élevée ; Rutledge était même perçu positivement par les conservateurs. Il y avait eu une petite baisse des sondages pendant quelques jours à la mi-décembre, lorsqu’il avait fait la grave erreur de teindre ses cheveux pour retrouver leur châtain d’origine. Il ne l’avait fait que parce que les stries grises parsemant sa chevelure le dérangeaient, ni par vanité ni par désir de paraître plus jeune, mais simplement pour préserver sa confiance en lui. Malgré tout, cela n’avait pas empêché les experts des médias de spéculer pendant deux bons jours et demi sur ce que Rutledge essayait de prouver. Apparemment, se teindre les cheveux n’avait pas encore été intégré au grand livre présidentiel des lois non-écrites. Comme ceux qui l’avaient précédé, il était supposé vieillir soit de façon distinguée soit de façon épouvantable.
Le moment présent était l’un des rares durant lesquels il était seul et il en profitait pour se mettre en bras de chemise et pour poser ses pieds en chaussettes noires sur la table basse. Bien sûr, il n’était jamais véritablement seul ; il y avait constamment des caméras rivées sur lui et au minimum deux agents des services secrets postés à l’extérieur, derrière les portes de son bureau. Mais c’était suffisant, et il était décidé à profiter de chacun de ces petits moments dès qu’il le pourrait, car ils étaient très rares, s’insinuant entre de nombreux événements de l’agenda présidentiel bien plus important, comme du mortier entre des briques.
À présent, les relations américano-russes étaient sur la corde raide depuis plusieurs années, bien avant que Rutledge n’endosse les fonctions suprêmes. À présent, c’était aussi avec la Chine que les choses ne se présentaient pas sous leurs meilleurs jours. La guerre commerciale était terminée et le gouvernement chinois jouait franc-jeu, mais seulement parce que Rutledge lui-même avait menacé les Chinois de révéler tous les détails concernant la terrible affaire de l’arme à ultra-sons et l’identité des commandos qui étaient impliqués. Actuellement, il y avait une trêve, mais elle était fragile comme du verre et menaçait de se briser en morceaux dès que les Chinois en auraient l’opportunité.
Malgré tout, il fallait bien faire des concessions. Rutledge le savait et avait même une petite idée derrière la tête, mais c’était Barkley qui l’avait convaincu qu’elle était réalisable. Elle avait cette manière d’aborder des problèmes immenses qui semblaient de prime abord insolubles pour les transformer en petites étapes réalisables. Elle aurait été une grande mathématicienne, se dit-il ; pour elle, chaque problème pouvait être divisé en ses éléments les plus simples.
L’objectif, pour simplifier, était la paix au Moyen-Orient. Pas uniquement entre les États-Unis et chacun des pays du Moyen-Orient, mais également entre tous les pays. C’était certainement ambitieux, mais chaque étape franchie était un pas de plus dans la bonne direction. Et après deux mois à organiser des réunions, à planifier, à écouter les opposants et à tenter de les rallier à la cause, à élaborer des stratégies, des discours, à faire des cauchemars, c’était finalement en train de se réaliser.
« Demain, l’Ayatollah d’Iran vient à Washington. »
Il prononça cette phrase à voix haute, pour son propre bénéfice, lui qui était seul dans le grand Bureau Ovale, comme s’il défiait quiconque d’entrer à la volée pour le contredire. Pourtant, c’était une réalité ; le chef suprême de l’Iran, l’homme qui avait un jour prêté serment publiquement de ne jamais capituler devant les États-Unis, cet homme qui avait diabolisé le pays tout entier, devait arriver le jour suivant pour, dans un premier temps, visiter le siège des Nations Unies à New-York, où un traité était