Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet. Divers Auteurs
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«Nous fûmes invités de grand nombre de personnes[T.I pag.92] de qualité et de la plupart de ceux que nous avons nommés, qui composent le conseil du roi, lesquels voulurent rendre leurs respects et leurs civilités au parlement en nos personnes. Nous passâmes ainsi le samedi et le dimanche matin, attendant M. le maréchal de l'Hôpital, lequel n'arriva qu'environ le midi avec le sieur comte de Béthune, envoyé par M. le duc d'Orléans, et vinrent ensemble sur les trois heures, par ordre du roi, chez M. le garde des sceaux, où nous avions dîné, pour conférer avec mondit sieur le garde des sceaux, M. de Bouillon, M. le maréchal de Villeroy, les sieurs le Tellier et Duplessis-Guénégaud, secrétaires des commandements du roi, lesquels avaient eu ordre pareillement de s'y trouver.
«Après que nous eûmes de nouveau fait entendre le contenu en l'arrêt de la cour et la supplication que nous étions chargés de faire au roi, d'éloigner toutes les troupes dix lieues à la ronde de Paris, et que M. le maréchal eut insisté à la même proposition, le comte de Béthune fit entendre qu'il avait charge de M. le duc d'Orléans et de M. le Prince d'assurer le roi qu'aussitôt que les troupes seraient retirées ils feraient aussi retirer celles qu'ils avaient dans Paris et aux environs, en leur donnant les passe-ports et escortes nécessaires pour aller en sûreté à Étampes. A quoi il fut répondu par M. le garde des sceaux que c'était une condition nouvelle dont M. le Prince n'avait point parlé dans le Parlement; qu'il était juste de donner à ces troupes passe-ports et escorte; mais de les conduire à Étampes, il n'était pas raisonnable, puisque c'était une place attaquée[T.I pag.93] ou qui le serait dans peu de jours, et que, s'il voulait dire le nombre d'hommes pour l'exprimer dans les passe-ports, on aviserait, suivant la quantité des troupes, du lieu où elles seraient conduites. A quoi le comte de Béthune ayant reparti qu'il n'avait aucune connaissance du nombre d'hommes, et qu'il ne le pouvait apprendre sans aller à Paris, ou y envoyer un exprès, et que d'ailleurs son ordre portait ce qu'il avait déjà dit pour Étampes et qu'il ne pouvait s'en relâcher en aucune manière, M. le garde des sceaux dit qu'il en ferait son rapport au roi pour connaître sa volonté.
«Le lendemain matin, mardi, nous fûmes avertis que le roi nous donnerait audience à l'issue de son dîner, et sur les trois heures nous fûmes conduits dans le cabinet du roi, en la même manière, et où étaient les mêmes personnes que la première fois. Le roi nous dit que nous verrions son intention dans un écrit qu'il nous mit entre les mains, et ensuite, après avoir pris congé de Sa Majesté, nous partîmes le même jour et vînmes coucher en cette ville.» La réponse remise aux députés contenait, en substance, que l'armée royale s'éloignerait à dix lieues de Paris, pourvu que le duc d'Orléans et le prince de Condé éloignassent de même leurs troupes. Quant aux questions qui concernaient la pacification générale du royaume, le parlement devait envoyer à Saint-Germain deux présidents et deux conseillers qui entendraient la volonté du roi[152].
Ces négociations, conduites sans bonne foi et sans[T.I pag.94] amour sincère de la paix, n'étaient destinées qu'à amuser et à gagner les magistrats. Elles couvraient des conférences plus sérieuses, où le procureur général traitait directement avec Mazarin. Nicolas Fouquet y obtint qu'on s'occupât de l'échange de son frère, qui était toujours prisonnier des princes. Le cardinal écrivit le 12 mai à l'abbé Fouquet: «Le roi trouvera bon de vous échanger avec une personne de qualité et de votre profession. Il faudrait que ce fût madame de Puisieux[153] qui le fit proposer à M. le Prince, et il semble qu'il n'y aurait aucune raison pour rompre cet échange.» En effet, l'abbé Fouquet ne tarda pas à être mis en liberté. Les lettres du cardinal attestent aussi que la cour était très-disposée à accueillir et à flatter les députés du parlement. Il devenait chaque jour plus facile de ramener les principaux membres de ce grand corps, fatigué de la tyrannie des princes et des violences de leur faction. Quant au duc d'Orléans et au prince de Coudé, ils parurent indignés des négociations de la cour avec le parlement, rompirent toutes les conférences et reprirent les armes[154].[T.I pag.95]
CHAPITRE VI
MAI-JUIN 1652
Condé s'empare de la ville de Saint-Denis (11 mai), qui est bientôt reprise par l'armée royale (13 mai).—les princes s'adressent au duc de Lorraine, qui s'avance jusqu'à Lagny à la tête d'une petite armée.—Son arrivée à Paris (1er juin).—Caractère de ce duc et de ses troupes.—Frivolité apparente du duc de Lorraine.—Ses temporisations affectées.—Il négocie avec la cour par l'intermédiaire de madame de Chevreuse et de l'abbé Fouquet.—Intimité de l'abbé Fouquet avec mademoiselle de Chevreuse.—Lettre de l'abbé Fouquet à Mazarin (4 juin) sur les négociations de madame de Chevreuse avec le duc de Lorraine.—Lettre de Mazarin à madame de Chevreuse (5 juin).—Traité signé avec le duc de Lorraine (6 juin).—Part qu'y a la princesse du Guéménée (Anne de Rohan).—Le duc de Lorraine s'éloigne de Paris.—Misère de cette ville.—Procession de la châsse de sainte Geneviève (11 juin).—Conduite du prince de Condé à cette occasion.—Murmures et menaces contre le parlement.—Violences exercées contre les conseillers (21 juin).—Mazarin encourage l'abbé Fouquet à exciter le peuple contre le parlement.—Tumulte du 23 juin.—Danger que court le procureur général Nicolas Fouquet.—Les deux armées se rapprochent de Paris.
Les troupes royales, campées à Saint-Germain, s'étaient avancées jusqu'au pont de Saint-Cloud, dans l'espérance de s'en emparer sans résistance. A cette nouvelle, Condé se hâta de se porter vers le bois de Boulogne, et les Parisiens le suivirent en grand nombre[155].[T.I pag.96] Mais déjà les troupes royales s'étaient retirées, sur un ordre venu de Saint-Germain. Condé, voulant profiter de l'ardeur des soldats et des bourgeois qui l'avaient accompagné, les mena à Saint-Denis, qui n'était défendu que par un petit nombre de Suisses. Cette ville fut enlevée sans difficulté (11 mai); mais deux jours après un des généraux de l'armée royale, Miossens, qui devint plus tard le maréchal d'Albret, la reprit aussi aisément. La bourgeoisie parisienne sortit pour le combattre, mais à la première charge de la cavalerie ennemie elle tourna le dos[156]. On ne fit que rire à Paris de cette expédition, et les bourgeois qui jouaient au soldat devinrent l'objet de railleries, dont Loret s'est fait l'écho dans sa Muse historique du 19 mai:
...Étant dans leurs familles
Avec leurs femmes et leurs filles,
Ils ne disaient parmi les pots
Que mots de guerre à tous propos:
Bombarde, canon, couleuvrine,
Demi-lune, rempart, courtine...
Et d'autres tels mots triomphants,
Qui faisaient peur à leurs enfants.
Avec de pareils soldats, Condé ne pouvait espérer soutenir son ancienne gloire militaire. Quant à sa véritable armée, elle était bloquée à Étampes et vivement pressée par Turenne. Dans cette situation critique, il s'adressa à un prince étranger, Charles IV, duc de Lorraine, beau frère du duc d'Orléans. Charles de Lorraine, dépouillé depuis longtemps de ses États par Richelieu, menait la vie errante d'un aventurier à la tête[T.I pag.97] d'une petite armée, composée de vieux et bons soldats. Il s'empressa de répondre à l'appel des princes, s'avança jusqu'à Lagny, à la tête de huit cents hommes[157], y fit camper ses troupes, et se rendit lui-même à Paris (1er juin). Il trouva sur la route le duc d'Orléans et le prince de Condé, qui étaient venus jusqu'au Bourget pour le recevoir. A Paris, le peuple manifesta la joie la plus vive de l'arrivée de ce belliqueux auxiliaire. Sur le pont neuf, ce n'étaient que mousquetades en l'honneur des Lorrains[158]. Le bon peuple de Paris ne se