Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet. Divers Auteurs

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Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet - Divers Auteurs

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ameuta la canaille, qui, le 25 juin, entoura le parlement, fit entendre des cris de menace et de mort, et, malgré la protection des milices bourgeoises, insulta les conseillers au moment où ils sortirent du Palais. «Il n'y eut pas un seul conseiller, dit Omer-Talon[180], qui, étant reconnu pour tel (car plusieurs étaient travestis), ne souffrît injures, malédictions, coups de poing ou coups de pieds ou de bâton, et qui ne fût traité comme un coquin. Quatre de messieurs les présidents furent attaqués de coups de fusil, coups de pierre, coups de hallebarde, et, s'ils ne furent pas blessés, c'est une espèce de merveille, parce que ceux qui étaient à leurs côté ou derrière eux furent tués avec fureur, toutes les fenêtres et les toits des maisons étant pleins de personnes qui criaient qu'il fallait tout tuer et assommer; et tout ce peuple ainsi ému ne savait ce qu'il désirait ni ce qu'il voulait demander, sinon qu'il voulait la paix ou que l'on fit l'union avec les princes.» Les compagnies de la milice bourgeoise en vinrent elles-mêmes aux mains sous un prétexte frivole, et, comme une de ces compagnies était commandée par le conseiller Ménardeau-Champré, on fit à cette occasion une Mazarinade sous le titre de Guerre des Ménardeaux[181].[T.I pag.111]

      Le procureur général, Nicolas Fouquet, courut un sérieux danger dans cette émeute. On tira sur le carrosse où il se trouvait. Mazarin, qui était alors à Melun, écrivait le lendemain, 26 juin, à l'abbé Fouquet: «Par le péril qu'a couru M. votre frère, parce qu'il était dans votre carrosse et par les autres circonstances que vous me marquez, je suis dans des transes continuelles de ce qui vous peut arriver, et, quoique vos soins soient plus utiles que jamais dans les conjonctures présentes, je ne puis m'empêcher de vous conjurer de vous ménager un peu et de donner quelques limites à votre zèle, en sorte qu'il ne vous fasse pas exposer à des dangers trop évidents. On suivra l'avis de s'approcher le plus qu'on pourra de Paris, et cette approche, jointe aux forces du roi, à la bonne disposition qui commence à paraître dans les esprits à Paris, et aux diligences que les serviteurs du roi feront de leur côté, y pourra peut-être causer une révolution favorable aux affaires de Sa Majesté.» L'armée royale, commandée par Turenne, se rapprocha, en effet, de Paris, et vint camper à Saint-Denis. Les princes, de leur côté, amenèrent à Saint-Cloud les troupes qui avaient été assiégées dans Étampes, et auxquelles le traité conclu avec le duc de Lorraine avait rendu la liberté. Il était impossible que ces deux armées, ainsi rapprochées, n'en vinssent pas bientôt aux mains. On touchait à la crise définitive de cette lutte acharnée, mêlée d'incidents burlesques et de scènes sanglantes.[T.I pag.112]

       Table des matières

      —JUILLET 1652—

      Marche de l'armée des princes sous les murs de Paris (2 juillet).—Avis donné par Nicolas Fouquet.—L'armée des princes est attaquée par Turenne.—Escarmouches au lieu dit la Nouvelle France et aux Récollets.—Combat de la porte Saint-Antoine.—Danger du prince de Condé et de son armée.—Il est sauvé par mademoiselle de Montpensier.—La paille adoptée comme signe de ralliement des Frondeurs.—Assemblée générale de l'Hôtel de Ville (4 juillet).—Tentative d'incendie.—Résistance des archers de la ville.—Meurtre de plusieurs conseillers.—L'Hôtel de Ville est envahi et pillé.—Le duc de Beaufort éloigne la populace et délivre les conseillers.—Mademoiselle de Montpensier sauve le prévôt des marchands.—Tyrannie des princes dans Paris.—Élection d'un nouveau prévôt des marchands (6 juillet).—Condamnation et supplice de quelques-uns des séditieux.—Négociations du parlement avec la cour.—Le roi annonce l'intention d'éloigner le cardinal Mazarin (11 juillet).—Opposition de Condé aux propositions de la cour (13 juillet).—Il continue de négocier secrètement avec Mazarin.—Rôle de Nicolas Fouquet et de son frère pendant cette crise.

      L'armée royale, établie à Saint-Denis, était plus forte que celle des princes. Turenne se prépara à les attaquer dans Saint-Cloud, et fit jeter un pont sur la Seine; mais Condé, reconnaissant qu'il ne pourrait résister aux troupes royales dans la position qu'il occupait, résolut de gagner à la hâte Charenton. Il décampa dans la nuit du 1er au 2 juillet, et se présenta à la porte Saint-Ho[T.I pag.113]noré et à la porte de la Conférence, dont nous avons indiqué plus haut la situation[182]. Il espérait faire traverser Paris à son armée et gagner en sûreté le poste de Charenton; mais les gardes des portes Saint-Honoré et de la Conférence, qui étaient dévoués au maréchal de l'Hôpital et au prévôt des marchands, refusèrent de les ouvrir, et il fallut que l'armée des princes longeât les murs et les fossés de la ville depuis la porte Saint-Honoré jusqu'à la porte Saint-Antoine. A cette époque, Paris était entouré d'une enceinte fortifiée et bastionnée, que couvrait un large fossé creusé sur l'emplacement où s'élèvent maintenant les boulevards. Huit portes s'ouvraient dans la partie de l'enceinte située sur la rive droite de la Seine. C'étaient les portes de la Conférence, Saint-Honoré, Richelieu, Montmartre, Saint-Denis, Saint-Martin, du Temple et Saint-Antoine. Les terrains qui s'étendaient au delà des fortifications étaient en partie occupés par des villages, comme ceux du Roule et de la Ville-l'Évêque, en partie cultivés. Il y avait beaucoup de monastères dans cet espace. En s'en tenant aux principaux, on peut citer, à Montmartre, une abbaye de femmes; à Saint-Lazare, un ancien monastère, où saint Vincent de Paul venait d'établir les prêtres de la mission; au faubourg Saint-Martin, les Récollets[183]; enfin, dans le faubourg Saint-Antoine, l'abbaye de Saint-Antoine des-Champs, le couvent des chanoinesses régulières de Saint-Augustin, et celui des religieuses de Picpus.[T.I pag.114]

      Il fallait que l'armée des princes parcourût ce vaste espace en présence de troupes supérieures en nombre, aux attaques desquelles elle prêtait flanc. Aussi le prince de Condé et le duc d'Orléans s'efforcèrent-ils à plusieurs reprises d'obtenir du conseil de ville que l'on livrât passage à leur armée à travers Paris; mais les magistrats municipaux avaient donné parole au roi de tenir les portes fermées, et ils persistèrent dans leur résolution. La plus grande partie de la nuit s'écoula dans ces négociations, pendant que l'armée des princes campait au cours de la Reine. Ce fut seulement à l'approche du jour qu'elle se mit en marche à travers la Ville-l'Évêque pour longer l'enceinte septentrionale de Paris et aller rejoindre Charenton. Le procureur général, Nicolas Fouquet, qui avait été informé des demandes des princes et du refus des magistrats municipaux, se hâta de prévenir le cardinal: «On donne avis important et pressé, écrivait-il, que l'armée des princes a passé sous la porte Saint-Honoré, au pied de la sentinelle, par le milieu du Cours, et a défilé par la Ville-l'Évéque et va tout autour des faubourgs gagner Charenton. Ils ont sept pièces de canon que l'on a comptées, et marchent dans le plus grand désordre du monde, les troupes et les équipages pêle-mêle, en sorte que cinq cents chevaux, envoyés en diligence, peuvent tout défaire aisément, si l'on veut. Cependant on amuse le roi avec peu de gens que l'on fait paraître. Il faut se hâter: ils ont deux défilés à passer: pourvu qu'on parte promptement, on y sera assez tôt[184].»[T.I pag.115]

      Turenne n'était pas homme à négliger une pareille occasion. Il fit avancer immédiatement une partie de son armée dans les terrains alors inhabités, qui s'étendaient entre les hauteurs de Montmartre et la porte Saint-Martin[185]. Cet espace, désigné sous le nom de Nouvelle France, était compris entre les rues actuelles de Saint-Lazare, des Martyrs, du Faubourg-Poissonnière et la place Saint-Georges. Ce fut là que la cavalerie de Turenne assaillit l'arrière-garde de l'armée des princes. Celle-ci ne put soutenir le choc et se réfugia au couvent des Récollets. Il y eut là une nouvelle lutte, qui se termina encore à l'avantage de l'armée royale. Les vaincus tentèrent vainement de se réfugier dans la ville par la porte Saint-Martin. On leur en refusa l'entrée. Ils atteignirent enfin le faubourg Saint-Antoine, toujours harcelés par la cavalerie de Turenne. Ce fut seulement à neuf heures que l'armée des princes parvint à se retrancher dans le faubourg Saint-Antoine, à l'aide des fossés et des barricades qui avaient servi aux habitants pour repousser les pillards du duc de Lorraine.

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