Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet. Divers Auteurs

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Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet - Divers Auteurs

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quelques démonstrations pour secourir Étampes, s'éloigna de Paris, laissant les campagnes désolées. Mazarin a bien soin, dans ses lettres, de rejeter ces calamités sur les princes. Il écrivait à l'abbé Fouquet: «Vous aurez déjà su, je m'assure, à Paris, ce qui s'est passé avec M. de Lorraine, et[T.I pag.104] avec combien de sincérité on a procédé avec lui, puisque M. de Turenne pouvant lui faire courir grand risque, comme lui-même et le roi d'Angleterre ([170]) l'avoueront, il a préféré à cet avantage l'exécution des ordres de la cour, qui lui défendaient d'attaquer ledit sieur duc; mais il demanda qu'il voulût rompre son pont, séparer ses troupes d'avec celles des princes et se retirer à la frontière, comme il s'est engagé de faire. Il ne parle point de venir à la cour; mais il assure qu'il est plus résolu que jamais d'achever son accommodement particulier, étant bien persuadé de l'avantage qu'il y trouvera, et que l'on veut traiter à la cour de bonne foi. Les environs de Paris ne perdront pas à son éloignement, et il sera bon de faire valoir que j'y ai contribué.»

      La misère des campagnes fut en effet un peu allégée par le départ du duc de Lorraine; mais la situation de Paris était toujours déplorable. Le nombre des pauvres s'y accroissait d'une manière effrayante. On eut recours, dans ces calamités, à sainte Geneviève, patronne de la capitale. La châsse de cette sainte fut promenée dans la ville le 11 juin avec un cérémonial dont les Mémoires du temps nous ont laissé une ample description ([171]). Le prévôt des marchands demanda et obtint, pour cette [T.I pag.105]procession, l'autorisation du chapitre de Notre-Dame et des religieux de Sainte-Geneviève, puis s'adressa au parlement, qui fixa l'époque de la cérémonie. Après un jeûne de trois jours, les religieux de Sainte-Geneviève descendirent la châsse à une heure après minuit. Le lieutenant civil d'Aubray, le lieutenant criminel, le lieutenant particulier et le procureur du roi[172] la prirent en leur garde, en répondirent à la communauté, et se tinrent pendant la procession autour de la châsse. La marche était ouverte par les quatre ordres de religieux mendiants, savoir: les cordeliers ou franciscains, les jacobins ou dominicains, les augustins et les carmes. Venait ensuite le clergé des principales paroisses subordonnées à Notre-Dame, avec les châsses célèbres de saint Magloire, saint Médéric ou saint Merry, de saint Landry, sainte Avoie, sainte Opportune, saint Marcel, et enfin la châsse de sainte Geneviève portée par des bourgeois de Paris. L'abbé de Sainte-Geneviève et les religieux, pieds nus, marchaient à la droite de la châsse. A gauche se trouvait le clergé de Notre-Dame. Le parlement suivait; on y remarquait les présidents de Bailleul, de Nesmond, de Maisons, de Mesmes et le Coigneux. Le maréchal de l'Hôpital, gouverneur de Paris, marchait entre les deux premiers présidents. Le parquet, composé du procureur général, Nicolas Fouquet, et des avocats généraux, Bignon et Talon, figura aussi à cette cérémonie, ainsi que la chambre des comptes,[T.I pag.106] la cour des aides, le prévôt des marchands, les échevins et le conseil de ville.

      «Pendant cette pieuse action, dit madame de Motteville[173], M. le Prince, pour gagner le peuple et se faire roi des halles aussi bien que le duc de Beaufort, se tint dans les rues et parmi la populace, tandis que le duc d'Orléans et tout le monde était aux fenêtres pour voir passer la procession. Quand les châsses vinrent à passer, M. le Prince courut à toutes avec une humble et apparente dévotion, faisant baiser son chapelet et faisant toutes les grimaces que les bonnes femmes ont accoutumé de faire. Mais, quand celle de Sainte-Geneviève vint à passer, alors comme un forcené, après s'être mis à genoux dans la rue, il courut se jeter entre les prêtres; et, baisant cent fois cette sainte châsse, il fit baiser encore son chapelet et se retira avec l'applaudissement du peuple. Ils criaient tous après lui, disant: «Ah! le bon prince, et qu'il est dévot!» Le duc de Beaufort, que M. le Prince avait associé à cette feinte dévotion, en fit de même, et tous deux reçurent de grandes bénédictions, qui, n'étant pas accompagnées de celles du ciel, leur devaient être funestes sur la terre. Cette action parut étrange à tous ceux qui la virent. Il fut aisé d'en deviner le motif qui n'était pas obligeant pour le roi; mais il ne lui fit pas grand mal.»

      Le peuple de Paris avait été un instant distrait de sa misère par ces cérémonies religieuses; mais, comme il n'en recevait aucun soulagement, il commença à éclater[T.I pag.107] en murmures, à entourer le parlement et à le menacer. Vainement le 18 juin on tint une grande assemblée où l'on appela toutes les communautés ecclésiastiques, pour tâcher de soulager les pauvres, dont la multitude s'accroissait chaque jour[174]. Les secours étaient impuissants pour remédier à tant de maux, et le parlement devenait de plus en plus impopulaire. C'était la conséquence inévitable de la fausse position d'un corps qui proscrivait le cardinal Mazarin et repoussait en même temps l'alliance des princes qui voulaient l'entraîner à la guerre civile. Il était attaqué par les deux partis extrêmes. Le 21 juin, la salle du Palais fut envahie par la populace; les uns criaient: Point de Mazarin! les autres: La paix[175]! Les seconds étaient, disait-on, des émissaires de l'abbé Fouquet. Depuis qu'il avait recouvré la liberté, l'abbé se montrait plus ardent que jamais pour la cause de Mazarin. Il avait recruté parmi la populace un grand nombre de gens de sac et de corde, qu'il lançait contre le parlement. Toutes les boutiques qui entouraient le Palais se fermèrent au milieu de ce tumulte, le commerce qui souffrait depuis longtemps fut ruiné, et la bourgeoisie commença à se joindre avec énergie à ceux que l'abbé Fouquet payait pour demander la paix. Le parlement, menacé tout à la fois par les partisans des princes et par les émissaires de l'abbé Fouquet, n'avait pas de défenseurs capables d'opposer la force à la force. Lorsque les conseillers[T.I pag.108] sortirent de cette séance du 21 juin, ils furent violemment assaillis[176]. Le même jour, le duc de Beaufort réunit sa faction, l'après-dinée, à la place Royale, et promit de donner une liste des Mazarins, dont les maisons devaient être livrées au pillage[177].

      Tel était, en juin 1652, le spectacle que présentait Paris, misère profonde et irrémédiable, pillages, violences, tyrannie des factions, impuissance des modérés[178]. Le parlement vint demander appui au duc d'Orléans; mais, en sortant du Luxembourg, le président de Longueil, un des chefs de la députation, fut attaqué, injurié et poursuivi à coups de pierre[179]. Il fut contraint de se réfugier dans une maison où le prince de Condé alla le délivrer. Le cardinal Mazarin, dont le parlement avait mis la tête à prix, n'était pas fâché de voir ce corps réduit à une aussi déplorable condition. Il écrivait, le 21 juin, à l'abbé Fouquet: «J'ai reçu votre billet d'hier, que j'ai lu au roi et à la reine. Leurs Majestés ont une entière satisfaction des diligences que vous faites pour fomenter la disposition qui commence à paraître, dans l'esprit du peuple, de demander hautement la paix. Je n'ai pas manqué de leur faire valoir le zèle avec lequel M. le procureur général, M. le prévôt des marchands, M. Villayer, M. de la Barre (fils du prévôt des marchands), s'y emploient aussi. Je ne fais point réponse à madame de Chevreuse, parce que n'ayant point de[T.I pag.109] chiffre avec elle, je ne le pourrais faire par cette voie, qui n'est point tout à fait sûre, sans courir risque que cela lui préjudiciât dans cette conjoncture; mais vous lui pourrez dire que j'ai lu sa lettre à la reine, qui a tout le ressentiment imaginable de la manière dont elle agit. Sa Majesté désire qu'elle demeure à Paris, parce que sa présence et ses soins peuvent être utiles, en diverses rencontres, au bien des affaires; et pour les menaces que lui fait M. le Prince, je pense qu'elle n'en a pas grande peur, n'y ayant guère d'apparence qu'elles soient suivies d'aucun effet. J'ai la même opinion à votre égard et des autres personnes qui lui sont suspectes.

      «On continue toujours de parler d'accommodement; mais il n'est pas près d'être conclu, les princes insistant sur des conditions plus préjudiciables au roi que la continuation de la guerre, quand même les armes de Sa Majesté auraient de mauvais succès. C'est pourquoi vous devez continuer, ce que vous avez commencé, de distribuer de l'argent pour faire crier à la paix et d'afficher des placards, parce que cela excitant le peuple pourra rendre les princes plus traitables et faciliter l'accommodement, et vous pouvez bien croire que, s'il était en l'état que l'on vous a dit, je vous en aurais mandé quelque chose. Il serait bon de débaucher les cavaliers de l'armée des princes. Si vous savez quelqu'un propre pour cela, vous l'y pourrez envoyer avec quelque argent. Je serais bien aise de pouvoir, par ce moyen, remplir bientôt mes compagnies de gendarmes et de chevau-légers.» En terminant,

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