LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан
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« Une perquisition fut faite à son domicile par le comte de W. accompagné de douze hommes. Le résultat de cette perquisition fut négatif, mais la preuve n’en fut pas moins établie que le grand-duc était en possession des papiers.
« Où les avait-il cachés ? C’est une question que nul au monde, probablement, ne saurait résoudre à l’heure actuelle.
« Je demande vingt-quatre heures pour la résoudre.
« Signé : Arsène LUPIN. »
De fait, vingt-quatre heures après, la note promise parut :
« Les fameuses lettres sont cachées dans le château féodal de Veldenz, chef-lieu du grand-duché de Deux-Ponts, château en partie dévasté au cours du XIXe siècle.
« À quel endroit exact ? Et que sont au juste ces lettres ? Tels sont les deux problèmes que je m’occupe à déchiffrer et dont j’exposerai la solution dans quatre jours.
« Signé : Arsène LUPIN. »
Au jour annoncé on s’arracha le Grand Journal. À la déception de tous, les renseignements promis ne s’y trouvaient pas. Le lendemain même silence, et le surlendemain également.
Qu’était-il donc advenu ?
On le sut par une indiscrétion commise à la Préfecture de police. Le directeur de la Santé avait été averti, paraît-il, que Lupin communiquait avec ses complices grâce aux paquets d’enveloppes qu’il confectionnait. On n’avait rien pu découvrir, mais, à tout hasard, on avait interdit tout travail à l’insupportable détenu.
Ce à quoi l’insupportable détenu avait répliqué :
– Puisque je n’ai plus rien à faire, je vais m’occuper de mon procès. Qu’on prévienne mon avocat, le bâtonnier Quimbel.
C’était vrai. Lupin, qui, jusqu’ici, avait refusé toute conversation avec M. Quimbel, consentait à le recevoir et à préparer sa défense.
– 2 –
Le lendemain même, Me Quimbel, tout joyeux, demandait Lupin au parloir des avocats.
C’était un homme âgé, qui portait des lunettes dont les verres très grossissants lui faisaient des yeux énormes. Il posa son chapeau sur la table, étala sa serviette et adressa tout de suite une série de questions qu’il avait préparées soigneusement.
Lupin y répondit avec une extrême complaisance, se perdant même en une infinité de détails que Me Quimbel notait aussitôt sur des fiches épinglées les unes au-dessus des autres.
– Et alors, reprenait l’avocat, la tête penchée sur le papier, vous dites qu’à cette époque…
– Je dis qu’à cette époque, répliquait Lupin…
Insensiblement, par petits gestes, tout naturels, il s’était accoudé à la table. Il baissa le bras peu à peu, glissa la main sous le chapeau de M. Quimbel, introduisit son doigt à l’intérieur du cuir, et saisit une de ces bandes de papier pliées en long que l’on insère entre le cuir et la doublure quand le chapeau est trop grand.
Il déplia le papier. C’était un message de Doudeville, rédigé en signes convenus.
« Je suis engagé comme valet de chambre chez Me Quimbel. Vous pouvez sans crainte me répondre par la même voie.
« C’est L. M. l’assassin, qui a dénoncé le truc des enveloppes. Heureusement que vous aviez prévu le coup ! »
Suivait un compte-rendu minutieux de tous les faits et commentaires suscités par les divulgations de Lupin.
Lupin sortit de sa poche une bande de papier analogue contenant ses instructions, la substitua doucement à l’autre, et ramena sa main vers lui. Le tour était joué.
Et la correspondance de Lupin avec le Grand Journal reprit sans plus tarder.
« Je m’excuse auprès du public d’avoir manqué à ma promesse. Le service postal de Santé-Palace est déplorable.
« D’ailleurs, nous touchons au terme. J’ai en main tous les documents qui établissent la vérité sur des bases indiscutables. J’attendrai pour les publier. Qu’on sache néanmoins ceci : parmi les lettres il en est qui furent adressées au Chancelier par celui qui se déclarait alors son élève et son admirateur, et qui devait, plusieurs années après, se débarrasser de ce tuteur gênant et gouverner par lui-même.
« Me fais-je suffisamment comprendre ? »
Et le lendemain :
« Ces lettres furent écrites pendant la maladie du dernier Empereur. Est-ce assez dire toute leur importance ? »
Quatre jours de silence, et puis cette dernière note dont on n’a pas oublié le retentissement :
« Mon enquête est finie. Maintenant je connais tout. À force de réfléchir, j’ai deviné le secret de la cachette.
« Mes amis vont se rendre à Veldenz, et, malgré tous les obstacles, pénétreront dans le château par une issue que je leur indique.
« Les journaux publieront alors la photographie de ces lettres, dont je connais déjà la teneur, mais que je veux reproduire dans leur texte intégral.
« Cette publication certaine, inéluctable, aura lieu dans deux semaines, jour pour jour, le 22 août prochain.
« D’ici là, je me tais et j’attends. »
Les communications au Grand Journal furent, en effet, interrompues, mais Lupin ne cessa point de correspondre avec ses amis, par la voie « du chapeau », comme ils disaient entre eux. C’était si simple ! Aucun danger. Qui pourrait jamais pressentir que le chapeau de Me Quimbel servait à Lupin de boîte aux lettres ?
Tous les deux ou trois matins, à chaque visite, le célèbre avocat apportait fidèlement le courrier de son client, lettres de Paris, lettres de province, lettres d’Allemagne, tout cela réduit, condensé par Doudeville, en formules brèves et en langage chiffré.
Et une heure après, Me Quimbel remportait gravement les ordres de Lupin.
Or, un jour, le directeur de la Santé reçut un message téléphonique signé L. M., l’avisant que Me Quimbel devait, selon toutes probabilités, servir à Lupin de facteur inconscient, et qu’il y aurait intérêt à surveiller les visites du bonhomme.
Le directeur avertit Me Quimbel, qui résolut alors de se faire accompagner par son secrétaire.
Ainsi cette fois encore, malgré tous les efforts de Lupin, malgré sa fécondité d’invention, malgré les miracles d’ingéniosité qu’il renouvelait après chaque défaite, une fois encore Lupin