LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан
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Читать онлайн книгу LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан страница 272
– Les lettres de l’Empereur ! murmura-t-il. Les lettres au vieux Chancelier !… tout le paquet que j’ai repris moi-même chez Léon Massier et que j’ai donné au comte de Waldemar… Comment se fait-il ?… Est-ce qu’elle l’avait repris à son tour à ce crétin de Waldemar ?
Et, tout à coup, se frappant le front :
– Eh non, le crétin, c’est moi. Ce sont les vraies lettres, celles-là ! Elle les avait gardées pour faire chanter l’Empereur au bon moment. Et les autres, celles que j’ai rendues, sont fausses, copiées par elle évidemment, ou par un complice, et mises à ma portée… Et j’ai coupé dans le pont, comme un bleu ! Fichtre, quand les femmes s’en mêlent…
Il n’y avait plus qu’un carton dans le portefeuille, une photographie. Il regarda. C’était la sienne.
– Deux photographies… Massier et moi… ceux qu’elle aima le plus sans doute… Car elle m’aimait… Amour bizarre, fait d’admiration pour l’aventurier que je suis, pour l’homme qui démolissait à lui seul les sept bandits qu’elle avait chargés de m’assommer. Amour étrange ! Je l’ai senti palpiter en elle l’autre jour quand j’ai dit mon grand rêve de toute-puissance ! Là, vraiment, elle eut l’idée de sacrifier Pierre Leduc et de soumettre son rêve au mien. S’il n’y avait pas eu l’incident du miroir, elle était domptée. Mais elle eut peur. Je touchais à la vérité. Pour son salut, il fallait ma mort, et elle s’y décida.
Plusieurs fois, il répéta pensivement :
– Et pourtant, elle m’aimait… Oui, elle m’aimait, comme d’autres m’ont aimé… d’autres à qui j’ai porté malheur aussi… Hélas ! Toutes celles qui m’aiment meurent… Et celle-là meurt aussi, étranglée par moi… À quoi bon vivre ?…
À voix basse, il redit :
– À quoi bon vivre ? Ne vaut-il pas mieux les rejoindre, toutes ces femmes qui m’ont aimé ?… et qui sont mortes de leur amour, Sonia, Raymonde, Clotilde Destange, miss Clarke ?…
Il étendit les deux cadavres l’un près de l’autre, les recouvrit d’un même voile, s’assit devant une table et écrivit :
J’ai triomphé de tout : et je suis vaincu. J’arrive au but et je tombe. Le destin est plus fort que moi Et celle que j’aimais n’est plus. Je meurs aussi.
Et il signa : Arsène Lupin.
Il cacheta la lettre et l’introduisit dans un flacon qu’il jeta par la fenêtre, sur la terre molle d’une platebande.
Ensuite il fit un grand tas sur le parquet avec de vieux journaux, de la paille et des copeaux qu’il alla chercher dans la cuisine.
Là-dessus il versa du pétrole.
Puis il alluma une bougie qu’il jeta parmi les copeaux.
Toute de suite, une flamme courut, et d’autres flammes jaillirent, rapides, ardentes, crépitantes.
– En route, dit Lupin, le chalet est en bois : ça va flamber comme une allumette. Et quand on arrivera du village, le temps de forcer les grilles, de courir jusqu’à cette extrémité du parc… trop tard ! On trouvera des cendres, deux cadavres calcinés, et, près de là, dans une bouteille, mon billet de faire-part… Adieu Lupin ! Bonnes gens, enterrez-moi sans cérémonie… Le corbillard des pauvres… Ni fleurs, ni couronnes… Une humble croix, et cette épitaphe :
CI-GÎT
ARSÈNE LUPIN, AVENTURIER
Il gagna le mur d’enceinte, l’escalada et, se retournant, aperçut les flammes qui tourbillonnaient dans le ciel…
Il s’en revint à pied vers Paris, errant, le désespoir au cœur, courbé par le destin.
Et les paysans s’étonnaient de voir ce voyageur qui payait ses repas de trente sous avec des billets de banque.
Trois voleurs de grand chemin l’attaquèrent, un soir, en pleine forêt. À coups de bâton, il les laissa quasi morts sur place…
Il passa huit jours dans une auberge. Il ne savait où aller… Que faire ? À quoi se raccrocher ? La vie le lassait. Il ne voulait plus vivre… il ne voulait plus vivre…
– C’est toi !
Mme Ernemont, dans la petite pièce de la villa de Garches, se tenait debout, tremblante, effarée, livide, les yeux grands ouverts sur l’apparition qui se dressait en face d’elle.
Lupin !… Lupin était là !
– Toi ! dit-elle… Toi !… Mais les journaux ont raconté…
Il sourit tristement.
– Oui, je suis mort.
– Eh bien !… eh bien !… dit-elle naïvement…
– Tu veux dire que, si je suis mort, je n’ai rien à faire ici. Crois bien que j’ai des raisons sérieuses, Victoire.
– Comme tu as changé ! fit-elle avec compassion.
– Quelques légères déceptions… Mais c’est fini. écoute, Geneviève est là ?
Elle bondit sur lui, subitement furieuse.
– Tu vas la laisser, hein ? Ah ! Mais cette fois, je ne la lâche plus. Elle est revenue fatiguée, toute pâlie, inquiète, et c’est à peine si elle retrouve ses belles couleurs. Tu la laisseras, je te le jure.
Il appuya fortement sa main sur l’épaule de la vieille femme.
– Je veux… tu entends… je veux lui parler.
– Non.
– Je lui parlerai.
Il la bouscula. Elle se remit d’aplomb, et, les bras croisés :
– Tu me passerais plutôt sur le corps, vois-tu. Le bonheur de la petite est ici, pas ailleurs… Avec toutes tes idées d’argent et de noblesse, tu la rendrais malheureuse. Et ça, non. Qu’est-ce que c’est que ton Pierre Leduc ? Et ton Veldenz ? Geneviève, duchesse ! Tu es fou. Ce n’est pas sa vie. Au fond, vois-tu, tu n’as pensé qu’à toi là-dedans. C’est ton pouvoir, ta fortune que tu voulais. La petite, tu t’en moques. T’es-tu seulement demandé si elle l’aimait, ton sacripant de grand-duc ? T’es-tu seulement demandé si elle aimait quelqu’un ? Non, tu as poursuivi ton but, voilà tout, au risque de blesser Geneviève, et de la rendre malheureuse pour le reste de sa vie. Eh bien ! Je ne veux pas. Ce qu’il lui faut, c’est une existence simple, honnête, et celle-là tu ne peux pas la lui donner. Alors, que viens-tu faire ?
Il parut ébranlé, mais tout de même, la voix basse, avec une grande tristesse, il murmura :
– Il est impossible que je ne la voie plus jamais. Il est impossible que je ne lui parle pas…