Le Cabinet des Fées. Anonyme
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Читать онлайн книгу Le Cabinet des Fées - Anonyme страница 12
--Vous m'étonnez, madame, lui dit Riquet à la Houppe.
--Je le crois, dit la princesse; et assurément, si j'avais affaire à un brutal, 10 à un homme sans esprit, je me trouverais bien embarrassée. Une princesse n'a que sa parole, me dirait-il, et il faut que vous m'épousiez, puisque vous me l'avez promis: mais comme celui à qui je parle est l'homme du monde qui a le plus d'esprit, je suis sûre qu'il entendra raison. Vous savez que, quand je n'étais qu'une bête, je ne pouvais néanmoins me résoudre à vous épouser; comment voulez-vous qu'ayant l'esprit que vous m'avez donné, qui me rend encore plus difficile en gens que je n'étais, je prenne aujourd'hui une résolution que je n'ai pu prendre dans ce temps-là? Si vous pensiez tant à m'épouser, vous avez en grand tort de m'ôter ma bêtise, et de me faire voir plus clair que je ne voyais.
--Si un homme sans esprit, répondit Riquet à la Houppe, était bien reçu, comme vous venez de le dire, à vous reprocher votre manque de parole, pourquoi voulez-vous, madame, que je n'en use pas de même dans une chose où il y va 11 de tout le bonheur de ma vie? Est-il raisonnable que les personnes qui ont de l'esprit soient d'une pire condition que ceux qui n'en ont pas? Le pouvez-vous prétendre, vous qui en avez tant, et qui avez tant souhaité d'en avoir? Mais venons au fait, s'il vous plaît. A la réserve de ma laideur, y a-t-il quelque chose en moi qui vous déplaise? Êtes-vous malcontente de ma naissance, de mon esprit, de mon humeur et de mes manières?
--Nullement, répondit la princesse; j'aime en vous tout ce que vous venez de me dire.
--Si cela est ainsi, répondit Riquet à la Houppe, je vais être heureux, puisque vous pouvez me rendre le plus aimable de tous les hommes.
--Comment cela se peut-il faire? lui dit la princesse.
--Cela se fera, répondit Riquet à la Houppe, si vous m'aimez assez pour souhaiter que cela soit: et afin, madame, que vous n'en doutiez pas, sachez que la même fée qui, au jour de ma naissance, me fit le don de pouvoir rendre spirituelle la personne qui me plairait, vous a aussi fait le don de pouvoir rendre beau celui que vous aimerez, et à qui vous voudrez bien faire cette faveur.
--Si la chose est ainsi, dit la princesse, je souhaite de tout mon coeur que vous deveniez le prince du monde le plus beau et le plus aimable, et je vous en fais le don autant qu'il est en moi.
La princesse n'eut pas plus tôt prononcé ces paroles, que Riquet à la Houppe parut à ses yeux l'homme du monde le plus beau, le mieux fait et le plus aimable qu'elle eût jamais vu.
Quelques-uns assurent que ce ne furent point les charmes de la fée qui opérèrent, mais que l'amour seul fit cette métamorphose. Ils disent que la princesse, ayant fait réflexion sur la persévérance de son amant, sur sa discrétion et sur toutes les bonnes qualités de son âme et de son esprit, ne vit plus la difformité de son corps ni la laideur de son visage; que sa bosse ne lui sembla plus que le bon air d'un homme qui fait le gros dos; et qu'au lieu que jusqu'alors elle l'avait vu boiter effroyablement elle ne lui trouva plus qu'un certain air penché qui la charmait. Ils disent encore que ses yeux, qui étaient louches, 12 ne lui en parurent que plus brillants; que leur déréglement passa dans son esprit pour la marque d'un violent excès d'amour; et qu'enfin son gros nez rouge eut pour elle quelque chose de martial et d'Héroïque.
Quoi qu'il en soit, la princesse lui promit sur-le-champ de l'épouser, pourvu qu'il en obtînt le consentement du roi, son père.
Le roi, ayant su que sa fille avait beaucoup d'estime pour Riquet à la Houppe, qu'il connaissait d'ailleurs pour un prince très-spirituel et très-sage, le reçut avec plaisir pour son gendre.
Dès le lendemain, les noces furent faites, ainsi que Riquet à la Houppe l'avait prévu, et selon les ordres qu'il en avait donnés long-temps auparavant.
MORALITÉ.
Ce que l'on voit dans cet écrit
Est moins un conte en l'air que la vérité même:
Tout est beau dans ce que l'on aime.
Tout ce qu'on aime a de l'esprit.
Note 1: (retour) Qu'il vint au monde, that he was born.
Note 2: (retour) houppe, a tuft.
Note 3: (retour) Du côté, with regard of.
Note 4: (retour) bêtise, stupidity.
Note 5: (retour) ce qui pensa faire mourir, that which nearly killed.
Note 6: (retour) Une guenon, a homely-looking woman.
Note 7: (retour) à pas un d'eux, to none of them.
Note 8: (retour) Se déclarer, to speak.
Note 9: (retour) lardoire, a larding-pin.
Note 10: (retour) un brutal, a stupid fellow.
Note 11: (retour) où il y va, where is connected.
Note 12: (retour) Que ses yeux, qui étaient louches, that his squint eyes.
LE PETIT POUCET.
Il était une fois un bûcheron et une bûcheronne qui avaient sept enfants, tous garçons; le plus jeune n'avait que sept ans.
Ils étaient fort pauvres, et leurs sept enfants les incommodaient beaucoup, parce qu'aucun d'eux ne pouvait encore gagner sa vie. Ce qui les chagrinait encore, c'est que le plus jeune était fort délicat et ne disait mot, prenant pour bêtise ce qui était une marque de la bonté de son esprit.
Il était fort petit, et quand il vint au monde il n'était guère plus gros que le pouce; ce qui fit qu'on l'appela le petit Poucet. Ce pauvre enfant était le souffre-douleur 1 de la maison, et on lui donnait toujours le tort. Cependant il était le plus fin 2 et le plus avisé 3 de ses frères; et, s'il parlait peu,