Légendes pour les enfants. Anonyme
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De cette manière le volume entier a un même aspect et il n'enseignera point aux enfants plusieurs langues.
Nous n'avons d'ailleurs eu que des modifications bien légères à introduire dans ces textes pour les amener à une harmonie suffisante, et, si nous nous sommes permis de faire suivre chaque légende d'une sorte de moralité, à la manière de Perrault, c'est là un caprice qui n'a rien de sacrilége.
La Bibliothèque bleue, entre autres ouvrages, renfermait: L'Histoire des quatre fils Aymon;--Huon de Bordeaux (en deux parties qui se vendent séparément, dit le catalogue);--l'Histoire de Mélusine ancienne;--l'Histoire de Valentin et Orson;--Les conquêtes du roy Charlemagne;--Fortunatus;--le Roman de la belle Hélène;--l'Histoire de Pierre de Provence et de la belle Magdelone;--Le fameux Gargantua.
Nous aurions pu choisir quelqu'une de ces légendes; mais il nous a semblé que celles que nous réimprimions suffisaient, et nous avons voulu donner quelque nouveauté à notre volume. C'est pour cela que nous y avons introduit deux légendes d'une nature et surtout d'une origine différente.
L'histoire de Dagobert et du Juif errant nous appartiennent donc en propre, pour ce qui est du récit. Nous n'avons pas cherché à faire un pastiche du style des autres contes, et nous avons tout uniment écrit les nôtres de la manière qui nous a paru le mieux appropriée aux sujets.
Les petites notices qui précèdent chacune de ces histoires donneront des détails particuliers à ceux qui croiront à propos de les lire. Nous n'avons songé à faire ni un livre d'érudition pure, ni un livre de pure imagination. Notre seul désir a été de donner à lire aux enfants quelques légendes variées qui ont enchanté notre enfance, et notre espoir est qu'ils s'y plairont comme nous.
Si Peau d'Ane m'était conté,
J'y prendrais un plaisir extrême,
a dit le plus habile des conteurs, La Fontaine.
On a banni les démons et les fées, disait, avec l'expression d'un vif regret, Voltaire, et il ajoutait:
Ah! croyez-moi, l'erreur a son mérite 1.
Note 1: (retour)
O l'heureux temps que celui de ces fables,
Des bons démons, des esprits familiers.
Des farfadets, aux mortels secourables!
On écoutait tous ces faits admirables
Dans son château, près d'un large foyer.
Le père et l'oncle, et la mère et la fille;
Et les voisins, et toute la famille,
Ouvraient l'oreille à monsieur l'aumônier,
Qui leur faisait des contes de sorcier.
On a banni les démons et les fées;
Sous la raison les grâces étouffées
Livrent nos coeurs à l'insipidité;
Le raisonner tristement s'accrédite,
On court, hélas! après la vérité:
Ah! croyez-moi, l'erreur a son mérite.
Nous pourrions recueillir ainsi, en faveur des contes, de fort nombreux et fort éloquents témoignages. L'auteur de Don Quichotte, Cervantes, l'ennemi le plus redoutable qui ait croisé la plume contre l'épée de la chevalerie, fait dire à un cabaretier:
«Est-ce qu'il y a une meilleure lecture au monde? J'ai lu deux ou trois de ces livres, et je puis bien assurer qu'ils m'ont donné la vie; et non-seulement à moi, mais encore à beaucoup d'autres. Car, dans la saison des blés, il vient ici quantité de moissonneurs, les jours de fête, et comme il s'en trouve toujours quelqu'un qui sait lire, nous nous mettons vingt ou trente autour de lui; et nous nous amusons si bien, qu'il ne peut finir de lire, ni nous de l'entendre. Il ne faut point que je mente: quand j'entends parler de ces terribles coups que donnent les chevaliers errants, je meurs d'envie d'aller chercher les aventures, et je ne m'ennuierais pas d'entendre lire les jours et les nuits.»
Ce cabaretier-là ne dit rien qui ne soit l'exacte vérité. Et je citerais tel vigneron des vignes de la Franche-Comté qui n'a qu'un livre pour toute bibliothèque, les Aventures des quatre fils Aymon. Ce livre est même le seul volume du village. Au printemps, l'herbe pousse, le soleil luit dans l'herbe, les fleurs sourient au soleil; cela va bien, on est aux champs; l'été, la vigne fleurit et porte fruit; en automne, c'est la vendange et la pressée. Mais l'hiver, dans les longues veillées, là où il n'y a ni chanvreurs, habiles à dire des histoires, comme dans le Berri, ni colporteurs de passage, le vigneron prend son livre dans la huche; il le lit tout entier; lu, il le recommence, et il le relit tous les hivers. Le village entier assiste à ses lectures. Je vous assure que dans vingt ans, si le volume n'est pas trop déchiré, on le lira encore, sans ennui, avec une joie toujours aussi vive.
Paul Boiteau.
1857, au printemps.
LE ROI DAGOBERT
NOTICE.
Les moines du moyen âge, dans le silence de leurs couvents, ont recueilli la plupart des vieilles légendes et des vieilles chansons qui, avant eux et jusqu'à eux, rappelaient le souvenir des anciens personnages célèbres de cette Gaule franque qui devait devenir la France. Ces légendes et ces chansons, altérées par le temps comme une monnaie par l'usage, ne laissaient guère deviner que quelques-uns des traits de ces rois, de ces guerriers, de ces évêques d'autrefois; mais les moines qui, en ce temps-là, ne savaient pas ce que c'est que la critique, acceptaient cela pour de l'histoire. Ainsi ont été écrites les Grandes chroniques de Saint-Denis; ainsi ont été composées les Gesta Dagoberti ou les Faits et gestes de Dagobert, qui sont les deux principales sources de la présente légende.
Les moines que Dagobert a protégés et enrichis (ceux de Saint-Denis particulièrement), lui ont gardé quelque reconnaissance. Ils ont eu soin de ne pas le traiter plus mal que les chansons ne le traitaient; ils ont même ajouté quelque chose à ces chansons. Par exemple, les miracles qui ont une couleur religieuse et que nous n'avons pas dû négliger.
Nous aurions voulu paraphraser plus largement la chanson populaire; mais il aurait fallu pour cela sortir tout à fait de l'histoire vraisemblable, et nous ne voulions pas faire ce sacrifice à des couplets qui ne datent pas de plus d'un siècle, et qui, privés de leur air, ne sont pas un chef-d'oeuvre d'espièglerie 2.
Note