Légendes pour les enfants. Anonyme

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Légendes pour les enfants - Anonyme

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qu'il ne faut pas regarder de trop près si l'on ne veut pas qu'elles perdent leur charme. La chanson du bon roi Dagobert et du grand saint Éloi est peut-être celle qu'il faut se rappeler du plus loin. On ne s'explique même pas bien la fortune de ces couplets que le premier venu a écrits sans rimes ni raison et sans beaucoup d'esprit. Il faut que l'air sur lequel on les chante soit très-ancien et qu'il retentisse depuis quelques centaines d'années, matinal et sonore comme un chant de cor de chasse, dans la mémoire des générations. C'est l'air qui est gai et qui parle un langage; la chanson, sauf votre respect, est assez bête.

      Nous nous en sommes donc tenu, à peu de chose près, au texte des deux ouvrages que nous indiquions tout à l'heure. Si nous avons emprunté un ou deux traits ailleurs, ç'a été pour que le tableau des moeurs du temps, même en une fable historique, eût une couleur plus marquée.

      Il eût été facile de se laisser entraîner, si on eût voulu, à propos de saint Éloi ou de saint Ouen, à analyser et à fondre en un même récit toutes les historiettes que les écrivains religieux ont de tout temps composées en leur honneur. C'est par douzaines que se comptent les biographies, latines ou françaises, de ces bienheureux évêques. Nous n'avons pas été séduit par le luxe des merveilleuses actions qui s'y trouvent décrites et nous en avons cru l'exposition trop monotone. On remarquera peut-être dans ce récit un épisode ingénieux dont l'idée première ne nous appartient pas et qui a été mis en scène par un maître en l'art de conter (Alexandre Dumas: Impressions de voyage en Suisse): nous aurions bien voulu lui prendre aussi son style et nous lui offrons ici nos remercîments pour la gracieuse façon qu'il a de permettre aux gens d'entrer dans son pré.

      Peut-être doutera-t-on de l'authenticité de quelques-uns des événements que nous disons puisés dans des vieilles chroniques? Nous ne nous opposons pas à ce qu'on en doute, et nous demandons seulement qu'on ait quelque indulgence pour une légende qui est écrite ici pour la première fois.

       Table des matières

       Table des matières

      La chanson du bon roi Dagobert et du grand saint Éloi.

      Tout le monde connaît la chanson du bon roi Dagobert et du grand saint Éloi. Cette chanson rappelle le souvenir d'un roi qui fut un chasseur sans pareil et d'un grand saint qui a fait quelques actions mémorables; il n'y a pas en France d'ancien roi et de saint plus populaires. Le bon roi Dagobert est l'ami des petits enfants, et le grand saint Éloi voit briller son image sur l'enseigne de tôle de tous les maréchaux ferrants des campagnes.

      Lorsque le cor de chasse, au fond des bois, entonne l'air joyeux de la chanson, l'imagination se met bien vite en train. Tous les couplets défilent, l'un après l'autre, comme une procession de mascarade. On croit voir le bon roi Dagobert et le grand saint Éloi qui se promènent familièrement; on sourit à l'aspect de la culotte du monarque; on aperçoit bientôt son bel habit vert percé au coude, ses bas qui laissent voir les mollets, sa barbe mal faite, sa perruque ébouriffée, son manteau court, son chapeau mis de travers; on suit le roi lorsqu'il va chasser «dans la plaine d'Anvers» et qu'un lapin lui fait peur; lorsqu'il demande un grand sabre de bois à la place de son grand sabre de fer; lorsqu'il envoie au lavoir ses chiens galeux, et en bien d'autres circonstances que la chanson aurait pu laisser de côté. Mais ces images singulières ne sont pas tout à fait d'accord avec la vérité. Ce bon roi Dagobert, si étourdi, si peu soigneux de sa personne, mangeur si avide, buveur si infatigable, chasseur si effarouché, guerrier si timide, si pacifique ami de saint Éloi, si prompt à la riposte enjouée, ce Dagobert-là ne ressemble guère au véritable Dagobert Ier, fils du cruel Chlother II, petit-fils de la cruelle Frédégonde, roi des Franks de Neustrie, d'Austrasie, de Bourgogne et d'Aquitaine.

      Si l'on en croit la chanson, la France n'a jamais eu de roi plus débonnaire; si l'on interroge l'histoire, peu de princes ont été plus terribles. Adieu donc, petite chanson mensongère; va réjouir les échos des forêts; va faire trembler les petits oiseaux dans leurs nids. Voici l'histoire véridique du roi Dagobert.

       Table des matières

      Enfance de Dagobert, fils du roi Chlother et de la reine Berthetrude.

      Dagobert, à un an, était un enfant joufflu, déjà très-vif, très-impatient, qui courait à merveille, sans se soucier des chutes, et qui s'occupait beaucoup moins de sa nourrice, de sa mère et de son père que des chiens qu'il rencontrait. Aussitôt qu'il en voyait un, si laid qu'il fût, il le prenait dans ses bras, le couvrait de caresses, et lui parlait un petit langage que le chien comprenait très-bien. Les gens habitués à tirer de tout des pronostics, jugeaient par la qu'il aimerait avec passion l'exercice de la chasse. Mais il suffisait de voir le bambin trépigner, remuer les bras, pousser des cris lorsqu'on avait le malheur de lui refuser quelque chose qu'il convoitait, une grappe de raisin doré ou une galette de blé noir, pour conjecturer que son humeur ne serait pas toujours des plus accommodantes. Il aimait les vêtements éclatants, tels que pouvaient alors les porter les enfants des rois. Il est inutile de dire que Dagobert avait la longue chevelure et le grand pied, le pied formidable, le pied monumental des Mérovingiens. Ce pied était son arme favorite; et ceux qui en avaient pu connaître la solidité et la vivacité ne s'exposaient plus au mécontentement de l'enfant royal.

      Chlother II, père de Dagobert, avait d'abord confié l'éducation de son fils à l'Austrasien Arnulph qui était le plus sage des hommes; mais Arnulph, élu évêque de Metz, se retira bientôt de la cour et alla dans son évêché où il vécut dans la pratique de toutes les vertus. L'Église le vénère sous le nom de saint Arnould. Assurément, si Dagobert avait pu suivre jusqu'au bout les leçons d'un tel maître, il ne les aurait jamais oubliées; mais ce fut un très-méchant homme, nommé Sadragésile, qui fut choisi par Chlother pour succéder à Arnulph dans les fonctions de gouverneur du jeune prince. On avait réuni autour de Dagobert une dizaine d'enfants de son âge, les uns fils de quelques officiers du roi, les autres simples petits bergers. Toute cette bande vivait en plein air, dans les cours du palais, qu'elle faisait retentir de ses cris et de ses jeux bruyants. Dagobert s'était lié plus particulièrement avec les petits bergers, qui le respectaient par crainte de son grand pied, et il les employait à battre leurs camarades lorsque ceux-ci s'avisaient de lui déplaire.

      En ce temps-là on était beaucoup moins savant qu'aujourd'hui. Les leçons que reçut Dagobert se réduisirent donc à fort peu de chose; il apprit seulement à chanter au lutrin, à lire ses prières, à écrire un peu et à compter à la romaine; mais, quoiqu'il ne fût ni docile ni laborieux, il se faisait remarquer par une intelligence vive et claire. Pour ce qui est des exercices du corps, aucun de ses jeunes compagnons n'avait plus d'agilité et plus de force. Il montait à cheval dès l'âge de quatre ans; à sept ans, il chassait seul; à dix ans, d'un coup d'épieu il tuait net un sanglier. Son embonpoint précoce ne l'empêchait nullement de courir,

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