Les gens de bureau. Emile Gaboriau
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—Je suis licencié, dit Caldas; en outre, je crois pouvoir me rendre utile dans l'administration… j'ai l'habitude de rédiger, j'ai publié quelques ouvrages.
—Ah! ah! fit sur deux tons différents M. le chef du personnel, vous vous occupez de littérature.
Et positivement cette fois sa figure exprima quelque chose. Ce n'était pas de la satisfaction.
Le nouveau s'aperçut qu'il faisait fausse route.
—De littérature, dit-il d'un air désintéressé, pas précisément; quelques travaux sérieux d'économie politique, de statistique…
M. Le Campion, reculant subitement son fauteuil, se leva et s'adossant à la cheminée:
—Notre administration, dit-il en pesant ses paroles, a l'honneur de compter dans son sein plusieurs littérateurs français…
Il fit une pause.
Caldas se reprenait à espérer.
—Ce sont tous, ajouta le chef du personnel, d'exécrables employés.
—Oh! dit le nouveau, je ne suivrai pas leurs traces; entré dans l'administration, je ne veux plus m'occuper que d'elle.
Le lâche reniait ses dieux.
—Vous devez cela, et plus encore, reprit l'auguste fonctionnaire, à l'éminent protecteur qui vous a si vivement recommandé à Son Excellence. C'est à lui que vous avez dû de voir votre demande si rapidement accueillie; et c'est par conséquent à lui aussi que vous devez d'avoir été reçu à votre examen.
Romain se demandait en lui-même quel était, parmi les vingt inconnus qui avaient apostillé sa pétition, le protecteur assez puissant pour la faire aboutir en moins de deux ans.
Il se trouva que c'était un élève en pharmacie qui venait d'être nommé rédacteur en chef d'une grande revue.
M. Le Campion tira un cordon de sonnette suspendu juste au-dessus de son bureau.
L'homme marron-clair reparut.
—Conduisez monsieur, dit le chef du personnel, chez M. Mareschal,—votre chef de division, ajouta-t-il en s'adressant au nouveau.
Et, comme l'audience était finie, il tourna le dos à Caldas avec cette urbanité parfaite que lui donne l'habitude de recevoir cent vingt visites par jour.
VI
Romain suivit le garçon de bureau.
Ils longèrent un grand corridor sombre, tournèrent à droite, descendirent douze marches, traversèrent deux vestibules, une galerie, remontèrent un étage et demi, s'engagèrent de nouveau dans un corridor plus sombre que le premier, à la suite duquel se trouvait une grande pièce où deux messieurs en habit noir causaient à un bureau.
Caldas s'apprêtait à les saluer, quand il aperçut à leur cou certaine chaîne d'acier en sautoir.
Ces messieurs étaient deux huissiers de Son Excellence.
—Peste! il fait bon ici, se dit-il, de remuer trois fois la main avant de la porter à son chapeau. L'habit ne fait pas le chef.
Sur cet aphorisme trouvé, il perdit son guide. Le garçon de M. Le Campion avait brusquement tourné à gauche, Caldas prit à droite, hâtant le pas pour rejoindre son pilote. Il marcha droit devant lui, enfila le corridor B, descendit l'escalier 3, gagna l'aile nord, et comme il n'avait pas eu la précaution en passant le matin dans le Luxembourg de ramasser des cailloux à l'instar du Petit-Poucet, il se trouva complètement désorienté dans les parages du corridor L.
Un monsieur passa tête nue avec des paperasses sous le bras; Romain l'aperçut avec plus de joie que Colomb les premiers oiseaux qui lui annonçaient la terre, et c'est avec l'anxiété du naufragé qu'il le pria de lui indiquer le cabinet de M. Mareschal.
—Attendez, lui dit le monsieur, nous sommes ici dans le corridor L; tout au fond à gauche vous prenez l'escalier 5, vous le descendez jusqu'au bas; vous traversez la cour de la fontaine, le portique, la cour des statues, et puis…. mais au fait, non, c'est inutile, vous ne vous y retrouverez jamais.
—Au moins, Monsieur, dit Caldas, je vous en prie, enseignez-moi comment sortir d'ici.
—Toujours devant vous et ensuite toujours à gauche, dit le monsieur en s'éloignant.
—Bien obligé, lui cria Caldas! Et il s'assit sur un coffre à bois.
—Je ne m'étonne plus, pensa-t-il, que la moitié des affaires restent en chemin; il y a trop de détours dans ce sérail.
—Ah! vous voilà, grommela derrière lui une voix de mauvaise humeur, par où diable êtes-vous passé?
Caldas reconnut le profil de son cornac.
—Vous me cherchiez? demanda-t-il.
—Moi! pas du tout, répondit le garçon; mais puisque vous voilà, suivez-moi et tâchez de ne plus me perdre.
Caldas avait presque envie de prendre le pan de l'habit marron-clair, comme les enfants prennent le pan du tablier de leur bonne; mais cette précaution fut inutile, et il arriva sans encombre au cabinet du chef de division.
VII
—Monsieur Romain Caldas, fit M. Mareschal en se levant, vous nous étiez annoncé, Monsieur, et vous êtes le bienvenu.
Charmé de cette façon ouverte et cordiale d'accueillir son monde, Romain se sentit tout de suite pris d'une grande sympathie pour son chef de division.
Et vraiment M. Mareschal est l'homme le plus aimable du ministère; il a le don si rare de parler aux petits sans les écraser.
C'est le vrai signe de la force.
—Romain Caldas! continua M. Mareschal après avoir fait asseoir son subordonné, eh mais! j'ai vu ce nom-là quelque part. Vous écrivez dans les journaux?
—Non bis in idem, pensa le nouveau qui lisait quelquefois les feuilletons de Janin; et il répondit avec une impudence qui promettait:
—Je n'ai jamais fait imprimer une ligne, Monsieur.
—Ah! tant pis, dit le chef de division, nous avons ici quelques gens de lettres, ce sont d'excellents garçons, je les aime beaucoup.
—Encore une école, se dit Romain; drôle de boutique, on ne sait sur quel pied danser. Et comme il avait soif de faire son chemin, il se promit d'avoir toujours quelques cocardes de rechange dans sa poche. Il reprit tout haut:
—Me