Les zones critiques d'une anthropologie du contemporain. Группа авторов

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base d’une reproduction autonome minimale –, et envisageaient les avantages à long terme que le système des réserves promettait pour la gestion de la main-d’œuvre africaine : la coexistence relativement pacifique entre un système de production capitaliste dominant d’un côté, et de l’autre un système de (re)production autochtone, soumis bien que formellement indépendant, les deux spatialement séparés. L’État mit en place un autre réservoir de « matériel ouvrier », le pays owambo, partie septentrionale de la colonie restée, jusque-là, hors de portée des efforts allemands. Vu les rapports de force militaires, toute tentative d’y détruire les structures sociales afin de transformer les Ambo également en prolétaires à temps complet, de type métropolitain, s’y interdit d’avance.

      L’avantage d’une telle articulation du point de la vue capitaliste est évident : le salaire d’un tel semi-prolétaire peut se réduire au prix du volume de sa consommation nécessaire pour reconstituer sa force de travail au jour le jour, car il est par ailleurs paysan vivant avec sa famille qui, elle, se reproduit hors marché. Dans sa petite contribution à La dernière séance du séminaire le 5/6/13, Jean Copans va :

      Terminer… par le commencement, c’est-à-dire par ce qui s’est appelé pendant longtemps le Séminaire Meillassoux. Ce dernier, élève de G. Balandier et chercheur au CNRS à partir de 1964, ne relevait pas du Centre d’études africaines de l’EHESS. Mais il avait sollicité à partir de 1971 (ou 1972, date à vérifier) la direction d’un séminaire qui devenait rapidement l’un des plus importants séminaires africanistes parisiens. D’abord consacré à l’anthropologie historique de l’esclavage, puis de la critique de l’anthropologie française contemporaine, il devient à la suite d’un voyage en Afrique du Sud la caisse de résonance intellectuelle de la lutte contre l’apartheid et de soutien aux États lusophones. Ces différentes thématiques ont d’ailleurs donné lieu à des ouvrages importants sous la direction de Meillassoux ou d’autres chercheurs. Parallèlement le GDR fondé et animé alors par Meillassoux et d’autres chercheurs (comme M. Piault) se réoriente vers les situations de l’Afrique australe. J’en deviens d’ailleurs le responsable au départ de la retraite de Meillassoux en 1992. C’est donc dire si ce séminaire Afrique australe est très ancien, et peut-être unique en son genre, puisqu’il remonte à une trentaine d’années.

      Et de rappeler l’histoire des thématiques du séminaire attachées globalement à l’expression géographique d’Afrique australe. Initialement, l’intérêt était militant : transformation des luttes de libération nationale des anciennes colonies portugaises en guerres civiles en Angola et au Mozambique, évolution toujours plus problématique du Zimbabwe, et bien sûr la dynamique en Afrique du Sud. Le parcours vers la fondation du GDR CNRS en 1986 est passé par les étapes institutionnelles Jeune équipe Afrique australe puis l’ATP Stratégies de développement dans le Tiers-Monde, et des publications par des membres de l’équipe à créer. Entre autres :

       1982, Claude Meillassoux, Brigitte Lachartre, Ingolf Diener, Apartheid, pauvreté, et malnutrition, Rome, étude FAO : développement économique et social 24, 109 p. Pour la première fois, la FAO avait confié une étude sur un pays anglophone à une équipe française ;

       1986, Afrique du Sud : Demain le feu. Antoine Bouillon présente les Analyses et comptes rendus des trois parties de ce numéro spécial des Temps modernes 479-480-481 et trouve le style de Jean Copans dans son introduction « impressionniste et très subjectif ». Quant à la première partie sur le « système sud-africain », spécifiquement conçu comme système d’exploitation et gestion de la force de travail, présentée par Alyde Kooy, autre membre de l’équipe, Bouillon la trouve carrément « rébarbative ». Dans la dernière partie, consacrée à l’Afrique du Sud dans sa dimension internationale, Jacques Marchand la met en avant comme une puissance propagandiste et aborde le contexte français (politique sud-africaine de la France et mouvement anti-apartheid).

       1986, Ingolf Diener, Apartheid ! La Cassure. La Namibie, un peuple, un devenir…, Paris, Arcantère/e.d.i., 341 p. présenté par Cl. Meillassoux.

      Ses critiques franches, rassure Antoine Bouillon, « n’enlèvent rien à la qualité exceptionnelle de ce numéro comparativement à ce qui se trouve disponible sur le marché des publications de langue française. La meilleure preuve en est qu’un bon nombre de ses textes ont en eux-mêmes valeur de documents. »

      Le séminaire a été créé dès 1983 dans cette phase pré-GDR pour organiser la régularité de nos réunions, et le Centre d’études africaines de l’EHESS nous a prêté sa bibliothèque une fin d’après-midi par quinzaine. Le Centre a bientôt accepté de nous intégrer dans son offre de séminaires. Une aubaine pour l’anthropologie française auto-enfermée dans son « pré carré » (néo-)colonial. Et pour nous c’était un hébergement au sens propre autant qu’institutionnel : nous avons accueilli et encadré les étudiant.es du Centre et venu.es d’autres universités. Claude Meillassoux m’a demandé d’en être le responsable. J’ai partagé ce rôle dans les premières années avec Antoine Bouillon, puis avec Roger Meunier, Christine Messiant, plus tard aussi avec Michel Lafon, au total je l’aurai été pendant trente ans. Le public du séminaire que nous avions accueilli et encadré était formé d’étudiant.es du Centre ou venu.es d’autres universités, membres du GDR, et des anti-apartheids. Nous avons très tôt commencé à enregistrer les exposés des intervenant.es et la discussion successive sur minicassettes, dont les membres pouvaient faire des copies. J’en ai encore aujourd’hui chez moi.

      Le groupement de recherche (GDR) n° 846 Afrique australe a été fondé par Meillassoux en 1986, et animé par lui jusqu’à sa retraite en 1992, c’est Jean Copans qui l’a relayé pour le GDR renouvelé. Cinq ans est la durée maximale d’un GDR. Avec les budgets propres attribués par le CNRS, les chercheur.es avaient enfin les moyens d’aller sur le terrain. Sauf en Afrique du Sud et Namibie, où il fallait attendre la chute de l’apartheid pour obtenir un visa – 1990 en Namibie et 1995 en Afrique du Sud. Le GDR a été renouvelé une deuxième fois en 1997, pour trois ans. Pendant ses quatorze ans d’existence, le nombre d’institutions membres a augmenté et des chercheurs d’autres disciplines ont montré un intérêt.

      La cohabitation entre les quatre membres bordelais et les nombreux membres parisiens n’était pas un fleuve tranquille. Ici un quatuor de politistes appartenant tous à une même structure, le Centre d’études d’Afrique noire de Bordeaux (CEAN-IEP Institut d’Études politiques de Bordeaux), qui a sa propre politique de reproduction institutionnelle, la poursuit résolument, et bénéficie d’un appui administratif. Et là, des membres disséminés entre diverses institutions (EHESS, Paris VIII, Paris X, Amiens…), puis d’autres sans aucun attachement institutionnel du tout qui leur permettrait de faire coïncider travail alimentaire et activité de recherche. Mais ils recherchaient pour savoir quelle est la méthode de la folie apartheid, afin de ne pas finir en victime de leur propre engagement – comme moi, si mon script de 1976 avait été publié avant mon mois sur le terrain. Deux trois photos diffusées par la propagande sud-africaine auraient suffi pour anéantir ma crédibilité. Ou comme Georges Marchais à la télévision dans les années 1980, quand il a véhémentement condamné comme propagande une émission télévisée donnant à voir un millionnaire noir à Soweto. Depuis mon étude FAO avec Meillassoux et Lachartre de 1981, je savais qu’il y a des millionnaires noirs, qui sont, et se sentent, victimes de l’apartheid : leur appétit du gain est restreint aux parties pauvres du pays, à savoir les townships et les bantoustans. Ces membres sans titres universitaires, chercheurs inorganisés, ayant de bonnes relations avec des organisations anti-apartheid et de solidarité (églises), étaient un solide soubassement pour nos activités. Ils avaient écrit déjà avant le GDR, et lui ont permis de recruter des chercheur.es de valeur.

      Quant

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