L'Homme Qui Séduisit La Joconde. Dionigi Cristian Lentini

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L'Homme Qui Séduisit La Joconde - Dionigi Cristian Lentini

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de ses maîtres. Arrivé dans le jardin je découvris incrédule Giuliano et Simonetta se roulant par terre, ayant perdu le contrôle de leurs mouvements : la Vespucci, le visage écarlate, bouche et yeux grand ouverts, tremblait comme une feuille ; son amant lui, essayait de s’arracher les vêtements, alternant des rires spasmodiques à des crises hallucinatoires … Je me précipitai sans attendre vers la maison et, profitant d’une pause et usant de toute ma discrétion, je demandai à Lorenzo de me suivre.

      Nous nous ruâmes à l’extérieur et vîmes les corps inanimés. Lorenzo m’ordonna d’appeler immédiatement le médecin ; il avait beau remuer la tête et le buste de son frère cadet, celui-ci ne réagissait aucunement, ni à ses secousses ni à sa voix. Peu après commencèrent les convulsions.

      La situation était critique et très délicate. En quelques instants les expressions du Magnifique passèrent de la frénésie et la confusion à un sentiment de panique et d’impuissance. Même s’il avait voulu demander de l’aide à l’un des invités, il savait bien que la découverte des deux jeunes dans de telles conditions, si elle était rendue publique, outre l’énorme scandale, aurait signé pour lui et sa famille la perte de l’important appui politique de Marco Vespucci. Ce dernier, à cette époque, représentait l’aiguille qui aurait fait pencher la balance du Conseil, déjà miné par les Pazzi (le gentilhomme Jacopo de Pazzi, sans l’ombre d’un doute, aurait profité de la situation pour prétendre au contrôle de Florence).

      Même l’arrivée précipitée du médecin et de l’apothicaire n’arriva pas à tranquilliser Lorenzo qui continuait à m’interroger sur tout ce que j’avais noté avant sa venue. Ces grands docteurs en effet, convaincus dès le début que la cause était l’empoisonnement, n’arrivaient pas à déterminer la substance responsable et en conséquence, indiquer le remède approprié. Entre temps Agnolo Ambrogini arriva sur les lieux, il était la seule personne, à part sa mère, en qui Lorenzo avait une confiance aveugle ; il le chargea d’inventer une excuse plausible pour les invités qui à raison, commençaient à remarquer l’absence du maître de maison. Avec l’aide d’Agnolo, les corps furent rapidement transportés, en grand secret, dans un abri proche.

      Je remarquai alors qu’à l’endroit où gisait auparavant le corps de Simonetta, se trouvait une corbeille de pommes et de fruits des bois, en apparence comestibles et inoffensifs. Je saisis entre deux doigts une baie de myrtille et l’écrasai. En un éclair je me souvins que Jacopo, quelques mois auparavant à Rome, m’avait montré une plante très toxique, appelée « belladone » et connue également sous le nom de « cerise du diable » ; ses fruits pouvaient facilement être confondus avec les baies de myrtilles, mais à leur différence, elles étaient létales même en petite quantité. Le macérat de feuilles de belladone était souvent utilisé par les jeunes femmes pour rendre leur regard plus brillant et dilater leurs pupilles, les rendant ainsi plus séduisantes. Mon hypothèse fut considérée comme plausible par le médecin et confirmée par le fait que les deux agonisants gardaient des taches bleuâtres sur les lèvres. Hélas, le savant décréta que, si tel était le cas, aucune cure n’était connue, jetant Lorenzo dans une résignation désespérée.

      L’explication se fit quelques jours plus tard : un individu, à la solde de Francesco de’ Pazzi, avait remplacé les myrtilles par des baies de belladone dans le panier de fruits que la demoiselle Vespucci avait ensuite partagé avec son amant. Giuliano s’était ainsi empoisonné, en recueillant, en un jeu érotique, les baies toxiques directement de la bouche de la belle Simonetta. Et en quelques minutes le redoutable poison avait produit son effet.

      Encore abasourdi par cette succession rapide d’évènements, j’osai interférer encore une seconde fois et proposai à Messire Lorenzo de faire une dernière tentative, en consultant la délégation pontificale qui était logée au diocèse. Le Magnifique me faisant promettre la plus grande discrétion y consentit et me fit accompagner jusqu’à Jacopo. Je revins avec mon ami bénédictin qui analysa les baies de la solanacée, et injecta aux mourants un antidote provenant des terres inconnues d’Afrique. Après une heure environ, les symptômes faiblirent, la température du corps commença à baisser et, en huit jours, les deux jeunes gens se rétablirent complètement.

      En même temps que les Parques on éloigna tout élément suspect en et hors les murs du palais. Si bien qu’à son retour à Florence en compagnie de ses banquiers, Marco Vespucci ne s’aperçut de rien ; lui était encore plus riche, Simonetta encore plus belle, Giuliano encore plus amoureux … mais surtout, la cité était encore plus médicéenne.

      Même l’archevêque semblait se rétablir peu à peu ; nous préparâmes donc notre retour à Rome. Mais avant, le Magnifique, en signe de son affection et de son estime mais aussi de remerciement et de reconnaissance, voulut me rendre hommage par ce que tous considéraient comme une des plus hautes distinctions de la république : la bague en or à six boules, laissez-passer universel dans les territoires florentins … et au-delà.

      Depuis lors je la portais toujours sur moi, précieux témoin de l’amitié de Lorenzo et en éternel souvenir de ces deux malheureux amants qui risquèrent maintes fois, tels Pâris et Hélène, de transformer Florence en Troie. »

      Durant toute cette narration Pietro, fasciné et captivé par des faits si extraordinaires, le talent oratoire du conteur et la profusion de détails, n’osa plus prononcer une seule parole. Il attendit quelques secondes après l’heureux dénouement pour être sûr de ne pas profaner cette incroyable histoire et, réajustant l’écharpe de son bras plâtré, dit finalement avec orgueil :

      « Merci Seigneur, vous servir sera pour moi plus qu’un honneur, ce sera un plaisir. »

      Après deux autres jours de route, la via Cassia dévoila enfin la magnificence de Rome et bien que hommes et bêtes fussent fatigués, à cette vue leurs esprits reprirent vigueur et leurs corps des forces. Tristano pressa les flancs de sa monture et accéléra le rythme de la marche.

      V

      La Comtesse de Forli

      Girolamo Riario et Caterina Sforza

      A l’attendre dans les salles du protonotaire, il ne trouva pas Giovanni Battista mais un clerc grassouillet, qui l’invita à rejoindre immédiatement Monseigneur, très occupé, directement dans la basilique Saint-Pierre, où ce dernier venait d’être convoqué d’urgence par le pape. Il les trouva là tous les deux, en pleine discussion sérieuse, devant le monument funéraire de Roberto Malatesta, le héros de la bataille de Campomorto.

      Aux côtés de Sisto IV se trouvait son neveu, le sinistre capitaine général Girolamo Riario, que Tristano connaissait déjà, comme un des principaux auteurs de la conjuration échouée de Florence, ourdie quatre ans auparavant contre ses amis Lorenzo et Giuliano de’ Medici, et ayant coûté la vie à ce dernier. Non content d’avoir reçu de son oncle les seigneuries d’Imola et Forli, après avoir échoué à prendre possession de Florence et à conquérir Urbino, l’insatiable Riario risquait maintenant de voir aussi s’éteindre définitivement ses ambitions sur Ferrare.

      La république de Venise, comme déjà mentionné, continuait à ignorer les avertissements et les excommunications du Pape ; et pire, après avoir rappelé ses ambassadeurs de Rome, elle menaçait chaque jour davantage la frontière milanaise et les territoires de l’Eglise en Romagne. Et c’était cette dernière visée qui inquiétait le plus le vieux Sisto IV.

      Avant qu’il ne soit trop tard, on pensa alors à jouer la carte aragonaise : on décida d’envoyer Tristano à Naples, auprès du roi Ferdinando, pour tenter de le convaincre, après Campomorto, de stipuler un nouvel accord de coalition (auquel aurait aussi participé

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