Le corsaire rouge. James Fenimore Cooper

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Le corsaire rouge - James Fenimore Cooper

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seul avec le capitaine du vaisseau. Celui-ci parut tout à coup frappé de l’idée que cette bizarre entrevue avait eu lieu en présence d’un étranger, et que, pour lui du moins, elle semblait demander quelque explication.

      –Mon ami, dit-il d’un air toujours un peu hautain, quoique assez expressif pour montrer qu’il voulait bien descendre à une explication,–mon ami commande ce que, sur un bâtiment plus régulier, on appellerait les soldats de marine. Il s’est élevé de grade en grade, par ses services, du rang le plus subalterne au poste distingué qu’il occupe à présent. Vous avez pu remarquer qu’il y a autour de sa personne une odeur de camp…

      –Plus que de vaisseau, je dois l’avouer. Est-il d’usage que les bâtiments négriers aient un arsenal aussi bien monté? Je vous trouve armés jusqu’aux dents.

      –Vous désirez sans doute nous connaître mieux avant de conclure notre marché, répondit le capitaine en souriant. Et ouvrant une petite cassette qui était sur la table, il en tira un parchemin qu’il présenta tranquillement à Wilder, en disant, tandis que ses regards perçants semblaient vouloir lire jusqu’au fond de son âme: Vous verrez par là que nous avons des lettres de marque, et que nous sommes dûment autorisés à nous battre, comme les vaisseaux du roi, tout en faisant paisiblement nos propres affaires.

      –Ceci est la commission d’un brick.

      –Il est vrai, il est vrai. Je me suis trompé de papier. Je crois que vous trouverez celui-ci plus exact.

      –Voilà bien une commission pour le vaisseau les Sept-Sœurs, mais certes vous portez plus de dix canons; et puis ceux qui sont dans votre cabine sont des pièces de neuf au lieu de quatre.

      –Ah! vous êtes aussi pointilleux que si vous eussiez été l’avocat, et moi le marin étourdi! Je suis sûr que vous savez ce que c’est que d’aider à la lettre en pareil cas, dit sèchement le capitaine en rejetant le parchemin d’un air d’insouciance au milieu d’une pile de papiers semblables. Puis se levant de sa chaise, il se mit à arpenter rapidement la chambre en ajoutant:–Je n’ai pas besoin de vous dire, monsieur Wilder, que notre métier a ses dangers. Il en est qui l’appellent illégal. Mais comme je n’ai pas beaucoup de goût pour les disputes théologiques, nous ne traiterons pas cette question. Vous n’êtes pas venu ici sans avoir vos idées?

      –Je cherche du service.

      –Sans doute vous avez fait toutes vos réflexions, et vous vous êtes mûrement consulté sur l’entreprise dans laquelle vous voulez vous embarquer. Pour ne pas perdre le temps en paroles, et pour qu’il règne entre nous la franchise qui convient à deux honnêtes marins, je Vous avouerai sans détour que j’ai besoin de vous. Un brave et habile homme, plus âgé, sans valoir cependant mieux que vous, occupait cette cabine de bâbord il n’y a pas un mois. Mais le pauvre diable a servi de pâture aux poissons depuis lors.

      –Il s’est noyé?

      –Lui? non. Il est mort dans un combat contre un vaisseau du roi.

      –Contre un vaisseau du roi! Avez-vous donc tellement prêté à la lettre de votre commission que vous vous soyez cru autorisé à combattre les croiseurs de Sa Majesté?

      –N’y a-t-il de roi que George II? Peut-être le vaisseau portait-il le pavillon blanc, ou celui de Danemark. Mais, comme je vous le disais, c’était vraiment un brave garçon, et voici sa place vide comme le jour où il la quitta pour être jeté à la mer. C’était un homme en état de me succéder dans le commandement, si une mauvaise étoile venait à luire sur ma tête. Je crois que je mourrais plus tranquille, si j’avais l’assurance que ce noble vaisseau passera entre les mains de quelqu’un qui saurait en faire un usage convenable.

      –Sans doute les armateurs du bâtiment vous choisiraient un successeur si un pareil malheur venait à arriver.

      –Mes armateurs sont des gens très-raisonnables, reprit l’autre avec un sourire expressif, tandis qu’il fixait de nouveau sur son hôte un regard étincelant qui força Wilder à baisser les yeux; il est rare qu’ils m’importunent de leurs ordres ou de leurs recommandations.

      –Ils sont accommodants. Je vois qu’ils n’ont pas oublié les pavillons en équipant votre vaisseau. Vous permettent-ils aussi d’arborer celui qui vous plaît le mieux?

      Au moment où cette question fut faite, les regards expressifs des deux marins se rencontrèrent. Le capitaine tira un pavillon du tiroir entr’ouvert où Wilder les avait aperçus, et le déroulant tout entier, il répondit:

      –Voilà les lis de France, comme vous voyez, assez juste emblème de vos Français sans tache; écu de prétention, pur de toute souillure, mais un peu flétri pour avoir trop servi. Voici le Hollandais calculateur, simple, substantiel et peu cher. C’est un pavillon qui est peu de mon goût. Si le bâtiment a de la valeur, il est rare que les propriétaires veuillent le céder à moins d’un bon prix. Voici votre bourgeois fanfaron de Hambourg. Il n’a qu’une ville, et il l’étale au milieu de ses tours. Quant au reste de ses vastes possessions, il a la sagesse de n’en point parler dans son allégorie. Voici le croissant de la Turquie, nation lunatique qui se croit l’héritière du ciel: qu’ils jouissent en paix de leur droit de naissance; il est rare qu’ils cherchent à en jouir sur les mers. Et ceux-ci, ce sont les petits satellites qui voltigent autour de la puissante lune, vos Barbaresques d’Afrique. Je n’ai que peu de relations avec ces Messieurs; car ils ne font guère de trafic qui offre quelque profit. Et cependant, ajouta-t-il en jetant les yeux sur le divan de soie devant lequel Wilder était assis, nous nous sommes rencontrés quelquefois, et nous ne nous sommes pas quittés sans nous faire visite.–Ah! voici l’homme que j’aime, le somptueux, le magnifique Espagnol! Ce champ jaune rappelle la richesse de ses mines; et cette couronne! on serait tenté de la croire d’or massif, et d’avancer la main pour la saisir. Quel bel écu pour un galionn! Voyez maintenant le Portugais plus humble, et qui cependant n’est pas sans avoir aussi un air d’opulence. Je me suis souvent imaginé qu’il y avait de véritables diamants du Brésil dans ce colifichet royal. Ce crucifix que vous voyez pieusement suspendu près de la porte de mon salon en est un assez bel échantillon.

      Wilder tourna la tête pour jeter un coup d’œil sur l’emblème précieux qui était en effet placé tout près de la chambre qui lui avait été indiquée. Après avoir satisfait sa curiosité, il allait se livrer de nouveau à l’examen des pavillons, lorsqu’il surprit un autre de ces regards pénétrants, mais furtifs, par lesquels son compagnon cherchait si souvent à lire sur la figure de ceux avec lesquels il se trouvait. Il se pouvait que le capitaine voulût voir l’effet que cet étalage de richesse avait produit sur l’esprit de son hôte. Quel qu’en fût le motif, Wilder sourit; car dans ce moment l’idée se présenta pour la première fois à son esprit que tous ces ornements n’avaient été disposés dans la cabine avec tant de soin, que parce que son arrivée était attendue, et dans le désir de faire sur ses sens une impression favorable. L’autre aperçut ce sourire, et se méprenant peut-être, il crut y voir un encouragement à poursuivre sa bizarre analyse des pavillons, avec encore plus d’enjouement et de vivacité qu’auparavant.

      –Ces monstres à deux têtes sont des oiseaux de terre, et il est rare qu’ils se hasardent à voler sur l’Océan. Ici, votre brave et vaillant Danois; là votre Suédois infatigable. Passons ce tas de petits fretins qui se permettent d’avoir leurs armes comme de grands empires, ajouta-t-il en passant rapidement la main sur une douzaine de petits pavillons: voilà votre voluptueux Napolitain.– Ah! voici les clefs du ciel. C’est là un pavillon sous lequel on peut mourir! Je me trouvai un jour vergue à vergue sous cette bannière, avec un pesant corsaire d’Alger.

      –Quoi!

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