Le corsaire rouge. James Fenimore Cooper
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Après avoir laissé à Roderick le temps nécessaire pour conduire Wilder à l’endroit qui lui avait été désigné, et pour le mettre en possession des réglements qui concernaient la police du vaisseau, le capitaine toucha de nouveau le gong et appela pour la troisième fois son jeune serviteur; celui-ci dut pourtant s’approcher contre son maître et parler trois fois avant que le Corsaire parût s’apercevoir de sa présence.
–Roderick, dit-il enfin après une longue pause, êtes-vous là?
–Oui, répondit une voix basse et qui avait une expression de tristesse.
–Ah! vous lui avez donné les réglements?
–Je les lui ai donnés.
–Et il les lit?
–Oui, il les lit.
–C’est bien. Je voudrais parler au général. Roderick, vous devez avoir besoin de repos, bonsoir. Que le général soit appelé au conseil, et… bonsoir, Roderick.
L’enfant fit une réponse affirmative; mais, au lieu de courir avec sa vivacité ordinaire pour aller exécuter l’ordre de son maître, il resta un instant près de sa chaise. N’ayant pu cependant réussir à attirer son attention, il s’éloigna à pas lents et d’un air de répugnance, descendit l’escalier qui conduisait à l’étage inférieur, et on ne le vit plus.
Il est inutile de décrire la manière dont le général fit sa seconde entrée. Ce fut absolument la répétition de la première, si ce n’est que cette fois il se montra tout entier. Sa taille était haute et droite; il était bien fait, et il s’en fallait de beaucoup que la nature se fût montrée marâtre à son égard, même sous le rapport de la grâce; mais tous ses mouvements avaient été réglés avec une symétrie si rigoureuse, qu’il ne pouvait remuer un membre sans que tous les autres fissent quelque démonstration analogue, et l’on eût dit une marionnette bien organisée. Ce personnage raide et guindé, après avoir fait un salut militaire à son supérieur, alla prendre lui-même une chaise sur laquelle, après quelques instants perdus en apprêts, il s’assit en silence. Le Corsaire parut s’apercevoir de sa présence, car il lui rendit son salut en inclinant légèrement la tête ; mais il ne crut pas nécessaire de suspendre pour cela ses méditations. A la fin, cependant, il se tourna brusquement de son côté et lui dit:
–Général, la campagne n’est point finie.
–Que reste-t-il à faire? La bataille est gagnée et l’ennemi prisonnier.
–Oui, vous avez bien joué votre rôle, mais le mien n’est pas à beaucoup près terminé. Avez-vous vu le jeune homme qui est en bas dans la cabine?
–Oui.–.
–Et quel air lui trouvez-vous?
–L’air d’un marin.
–C’est-à-dire que vous ne l’aimez pas.
–J’aime la discipline.
–Je me trompe fort si vous ne le trouvez pas à votre goût sur le tillac. Quoi qu’il en puisse être, j’ai encore une faveur à vous demander.
–Une faveur! il se fait tard.
–Une faveur, ai-je dit? c’est un devoir qu’il reste encore à remplir.
–J’attends vos ordres.
–Il faut que nous agissions avec beaucoup de prudence; car vous savez…
–J’attends vos ordres, répéta laconiquement le général.
Le Corsaire serra les dents, et un sourire de dédain sembla vouloir se montrer sur sa lèvre inférieure; mais il se changea en un air moitié doux, moitié impérieux, quand il reprit en ces termes:
–Vous trouverez deux matelots dans un esquif qui est près du vaisseau. L’un est un blanc, l’autre un nègre. Vous amènerez ces deux hommes à bord, dans une des cabines de l’avant, et vous aurez soin de les enivrer complétement.
–Il suffit, répondit celui qu’on appelait le général en se levant et s’avançant en allongeant le pas vers la porte de la cabine.
–Arrêtez, un instant! s’écria le Corsaire: quel agent emploierez-vous?
–Nightingale est la meilleure tête du vaisseau, hormis une.
–Il a déjà été trop loin; je l’ai envoyé à terre pour voir si quel que matelot désœuvré n’aurait pas envie de servir avec nous, et j& l’ai trouvé dans une taverne, donnant toute liberté à sa langue, et déclamant comme un homme de loi qui s’est laissé graisser la patte par les deux parties adverses. D’ailleurs il a eu une querelle avec un de ces mêmes hommes, et il est probable qu’ils jetteraient bientôt le verre pour en venir aux coups.
–Je m’en chargerai moi-même. Mon bonnet de nuit m’attend, et il suffira de le serrer un peu plus qu’à l’ordinaire.
Le Corsaire parut satisfait de cette assurance, et il l’exprima par un signe de tête familier. Le soldat était sur le point de partir quand il fut arrêté de nouveau.
–Encore un mot, général. Votre prisonnier est là?
–Faut-il l’enivrer aussi?
–Nullement. Qu’on l’amène ici.
Le général fit un signe d’assentiment et quitta la cabine.–Ce serait une faiblesse, pensa le Corsaire, en se promenant de nouveau en long et en large dans l’appartement, de trop se fier à un air de franchise et à un enthousiasme de jeune homme. Je me trompe fort si le brave garçon n’a pas de bonnes raisons pour se trouver dégoûté du monde et pour s’embarquer dans la première entreprise qui lui semble romanesque. Cependant la moindre trahison serait fatale; aussi serai-je prudent, et même jusqu’à l’excès. Il est singulièrement attaché à ces deux matelots. Je voudrais savoir son histoire. Mais tout cela viendra en temps et lieu. Il faut que ces gens restent en otage, et me répondent de son retour et de sa fidélité. S’il arrive qu’il m’ait trompé, eh bien! ce sont des matelots, et l’on a besoin de beaucoup d’hommes dans la vie aventureuse que nous menons. Tout est bien réglé, et aucun soupçon d’un complot de notre part ne blessera l’amour-propre irritable du brave garçon, s’il est, comme j’aime à le croire, un homme d’honneur.
Telles étaient en grande partie les pensées auxquelles se livra le Corsaire Rouge, pendant quelques minutes, quand le général l’eut quitté. Ses lèvres remuaient; des sourires de satisfaction et de sombres nuages se succédaient tour à tour sur sa physionomie expressive, où se peignaient tous les changements soudains et violents qui annoncent le travail d’un esprit intérieurement occupé. Tandis qu’il était ainsi enfoncé dans ses réflexions, son pas devenait plus rapide, et de temps en temps il gesticulait d’une manière presque folle, quand tout à coup il se trouva, au moment où il s’y attendait le moins, en face d’un objet qui apparut à ses yeux comme une vision.
Tandis qu’il était plongé le plus profondément dans ses méditations, deux forts marins étaient entrés dans la cabine sans qu’il s’en aperçût, et, après avoir