Le corsaire rouge. James Fenimore Cooper
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Il y avait dans la démarche, dans l’air, dans toute la personne du général, quelque chose qui annonçait que si l’entreprise qu’il venait d’exécuter avait été couronnée de succès, ce n’était pas du moins sans qu’il eût été obligé de payer de sa personne. Le Corsaire, qui s’était levé précipitamment dès qu’il l’avait vu entrer, lui demanda aussitôt son rapport.
–Le blanc est tellement ivre qu’il ne peut rester couché sans se tenir au mât; mais le nègre est sorcier, ou il a une tête de fer.
–J’espère que vous ne vous êtes pas découragé trop vite?
–La retraite n’a pas été effectuée une minute trop tôt. J’aimerais autant tenir tête à une montagne.
Le Corsaire fixa les yeux sur le général, pour s’assurer de l’état exact où il se trouvait, avant de répondre:
–C’est bienn! nous allons maintenant nous séparer jusqu’à demain.
Le général se redressa avec soin et tourna sa figure du côté de l’escalier dont nous avons eu si souvent occasion de parler. Alors, faisant en quelque sorte un effort désespéré, il essaya de marcher jusque-là, la tête haute et en marquant la mesure avec ses pieds. Il fit bien un ou deux mouvements de travers, et ses jambes se croisèrent plus d’une fois dans la traversée; cependant, comme le capitaine ne parut pas s’en apercevoir, le digne officier s’imagina qu’il descendait l’escalier avec la dignité convenable, l’homme moral n’étant pas dans l’état le plus propre à découvrir les petits écarts qui pouvaient échapper à son coadjuteur physique. Le Corsaire regarda à sa montre, et, après avoir laissé au général tout le temps d’opérer sa retraite, il prit aussi le chemin de l’escalier, et descendit à son tour.
Les chambres d’en bas du vaisseau, sans offrir la même élégance que la cabine du capitaine, étaient arrangées avec beaucoup d’ordre et de soin. Quelques cabinets servant d’offices, et réservés aux domestiques, occupaient l’extrémité de l’arrière du vaisseau, et communiquaient à la salle à manger des officiers en second, ou, comme on l’appelait en termes techniques, la Ward Room. De chaque côté étaient les chambres de parade, nom imposant dont on décore toujours les chambres à coucher de ceux qui ont droit aux honneurs du tillac. En avant de la Ward-Room venaient les appartement des officiers subalternes; puis immédiatement après, était logé le corps commandé par le général, et qui, par la manière dont il était dressé, formait une barrière entre les matelots plus indisciplinés et leurs supérieurs.
Il n’y avait dans cet arrangement rien qui s’éloignât de beaucoup de la distribution ordinaire des vaisseaux de guerre de la même force et de la même grandeur que le Corsaire; mais Wilder n’avait pas manqué de remarquer que la cloison qui séparait les cabines de la partie du vaisseau occupée par le reste de l’équipage était beaucoup plus solide qu’elle ne l’est d’ordinaire, et qu’un petit obus était sous la main, prêt à être employé, comme dirait un médecin, intérieurement, si l’occasion le demandait. Les portes étaient d’une force extraordinaire, et les moyens préparés pour les barricader ressemblaient plus à des apprêts de bataille qu’à de simples précautions prises pour se mettre à l’abri de légers larcins. Des mousquets, des espingoles, des pistolets, des sabres, des demi-piques, étaient attachés aux carlingues, ou disposés le long des portes en telle quantité, qu’il était évident qu’ils n’avaient pas été mis là simplement pour la parade. En un mot, aux yeux d’un marin, tout révélait un état de choses dans lequel les chefs sentaient que pour être à l’abri de la violence et de l’insubordination de leurs inférieurs, il fallait qu’ils joignissent à l’influence de l’autorité les moyens efficaces de la faire respecter, et que par conséquent ils ne devaient négliger aucune des précautions qui pouvaient compenser efficacement l’inégalité du nombre.
Dans la principale des cabines du bas, le Corsaire trouva son nouveau lieutenant, qui semblait occupé à étudier les réglements du service dans lequel il venait de s’embarquer. Approchant du coin où le jeune aventurier s’était assis, il lui dit d’un ton de franchise, de confiance et même d’amitié:
–J’espère que nos lois vous paraissent assez sévères, monsieur Wilder?
–Assez sévères1Certes, ce n’est pas la sévérité qui leur manque, répondit le lieutenant en se levant pour saluer son chef. S’il est toujours facile de les faire respecter, tout est pour le mieux. Je n’ai jamais vu de réglements aussi rigides, même dans.
–Même dans quoi, Monsieur? demanda le Corsaire, s’apercevant que son compagnon hésitait.
–J’allais dire même dans la marine royale, reprit Wilder en rougissant un peu. Je ne sais si c’est un défaut ou bien une recommandation d’avoir servi à bord d’un vaisseau du roi.
–C’est une recommandation; du moins ce doit en être une à mes yeux, puisque j’ai fait mon apprentissage au même service.
–Sur quel vaisseau? demanda vivement Wilder.
–Sur plusieurs, répondit froidement le Corsaire. Mais, à propos de réglements rigides, vous vous apercevrez bientôt que, dans un service où il n’y a pas de cours de justice à terre pour nous protéger ni de croiseurs amis qui puissent s’entendre pour s’aider réciproquement, il est nécessaire que le commandant soit investi d’une assez grande part de pouvoir. Vous trouvez mon autorité passablement étendue?
–Mais oui, assez illimitée, dit Wilder avec un sourire qui pouvait passer pour ironique.
–J’espère que vous n’aurez pas occasion de dire qu’elle s’exerce arbitrairement, répondit le Corsaire, sans remarquer, ou peut-être sans paraître remarquer l’expression de la figure de son compagnon. Mais l’heure de vous retirer est venue, et vous pouvez partir.
Le jeune homme le remercia en inclinant légèrement la tête, et tous deux remontèrent dans la cabine du capitaine. Celui-ci lui exprima ses regrets de ce que l’heure avancée et la crainte de trahir l’incognito de son bâtiment ne lui permettaient pas de l’envoyer à terre de la manière qui convenait à un officier de son rang.
–Maisis ajouta-t-il, l’esquif sur lequel vous êtes venu est encore là, et les deux matelots qui vous ont amené vous auront bientôt reconduit à l’endroit où vous vous êtes embarqué. A propos, ces deux hommes sont-ils compris dans notre arrangement?
–Ils ne m’ont jamais quitté depuis mon enfance, et je suis sûr qu’il leur en coûterait de se séparer de moi à présent.
–C’est un singulier lien que celui qui unit deux êtres si bizarrement constitués à un homme qui diffère d’eux si complétement sous le rapport de l’éducation et des manières, reprit le Corsaire en’ fixant un œil pénétrant sur son compagnon, et en le baissant du moment qu’il put craindre de faire remarquer l’intérêt qu’il prenait à la réponse.
–Il