Le corsaire rouge. James Fenimore Cooper
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–Lorsqu’il eut confessé son erreur, vous le laissâtes aller?
–Hem! avec ma bénédiction. Il y eut quelque échange de marchandises entre nous, et alors nous nous séparâmes. Je le laissai fumant sa pipe, par une mer grosse, son petit perroquet renversé sur ses flancs, son mât de misaine sous sa grande voûte, et six à sept trous dans sa coquille qui laissaient entrer l’eau tout aussi vite que les matelots la pompaient. Vous voyez qu’il était en beau chemin pour aller recueillir sa part d’héritage. Mais c’était le ciel qui l’avait ordonné, et il était content.
–Et quels sont ces pavillons dont vous n’avez pas parlé? Ils sont riches et en grand nombre.
–Ce sont ceux de l’Angleterre. Voyez comme ils respirent l’aristocratie et l’esprit de parti! Dieu merci! en voilà pour tous les rangs et pour toutes les conditions, comme si les hommes n’étaient pas faits de la même chair, et que les habitants du même royaume ne pussent pas naviguer honnêtement sous les mêmes emblèmes! Voici le lord grand amiral, votre Saint-George, votre champ rouge et bleu, suivant le chef que le hasard vous donne, ou suivant le caprice du moment, les banderoles de l’Inde et l’étendard royal lui-même.
–L’étendard royal!
–Pourquoi pas? Un capitaine n’est-il pas roi absolu sur son bord? Oui, voici l’étendard de Sa Majesté, et, qui plus est, il a été arboré en présence d’un amiral!
–Voici qui demande explication! s’écria le jeune marin avec cette espèce d’horreur qu’un prêtre manifesterait en apprenant un sacrilége. Arborer l’étendard royal en présence d’un vaisseau amiral! Nous savons tous combien il est diflicile, et même dangereux, de s’amuser à déployer une simple banderole en présence d’un croiseur du roi, et.
–J’aime à braver les drôles, interrompit l’autre avec un sourire amer. Il y a du plaisir à cela! Pour punir, il faut qu’ils aient la force; épreuve souvent tentée, mais toujours sans succès jusqu’à présent. Vous savez la manière de régler un compte avec la loi, en lui montrant toutes ses voiles dehors? Je n’ai pas besoin d’en dire davantage.
–Et lequel de tous ces pavillons employez-vous le plus? demanda Wilder après une minute de profonde réflexion.
–Pour naviguer simplement, je suis aussi fantasque qu’une fille de quinze ans dans le choix de ses rubans. J’en change souvent douze fois par jour. Combien de dignes vaisseaux marchands sont entrés dans le port en racontant qu’ils venaient de rencontrer, l’un un bâtiment hollandais, l’autre un danois, auquel ils avaient parlé à l’entrée, et tous deux avaient raison! Quand il s’agit de se battre, c’est autre chose; et quoique parfois aussi je me laisse aller à un caprice, cependant il est une bannière que j’affectionne particulièrement.
–Et c’est?…
Le capitaine resta un moment la main posée sur le pavillon qu’il avait touché, qui était encore roulé dans le tiroir, et on eût dit qu’il lisait jusqu’au fond de l’âme du jeune marin, tant le regard qu’il lançait sur lui était vif et perçant. Alors, prenant le rouleau fatal, il le déplia tout à coup, et montrant un champ rouge sans aucune espèce d’ornement ou de bordure, il répondit avec emphase:
–Le voici!
–C’est la couleur d’un corsaire1
–Oui, il est rouge! Je l’aime mieux que vos sombres champs tout noirs, avec des têtes de mort, et autres sottises bonnes pour effrayer les enfants: Il ne menace point, seulement il dit: Voilà le prix auquel on peut m’acheter! Monsieur Wilder, ajouta-t-il en perdant cette expression ironique et plaisante, que sa figure avait conservée jusqu’alors, pour prendre un air de dignité, nous nous entendons l’un l’autre. Il est temps que chacun de nous navigue sous les couleurs qui lui sont propres. Je n’ai pas besoin de vous dire qui je suis.
–Je crois en effet que cela est inutile, dit Wilder; à ces signes palpables, je ne puis douter que je ne sois en présence du… du…
–Du Corsaire Rouge, dit le capitaine en remarquant qu’il hésitait à prononcer ce nom terrible, il est vrai; et j’espère que cette entrevue sera le commencement d’une amitié solide et durable. Je ne puis m’en expliquer la cause; mais du moment où je vous ai vu, un sentiment aussi vif qu’indéfinissable m’a attiré vers vous. J’ai senti peut-être le vide que ma position a formé autour de moi; quoi qu’il en soit, je vous reçois à cœur et à bras ouverts.
Quoiqu’il fût très-évident, d’après ce qui avait précédé cette reconnaissance ouverte, que Wilder n’ignorait pas quel était le vaisseau à bord duquel il venait de s’aventurer, cependant cet aveu ne laissa pas de l’embarrasser. La réputation de ce célèbre flibustier, son audace, ses actes de générosité ou de débauche si singulièrement mêlés, se présentaient sans doute ensemble à la mémoire de notre jeune aventurier, et lui causaient cette espèce d’hésitation involontaire à laquelle nous sommes tous plus ou moins sujets lorsqu’il se présente un incident grave, quelque prévu qu’il ait pu être d’ailleurs.
–Vous ne vous trompez ni sur mes intentions, ni sur mes conjectures, répondit-il enfin, car j’avoue que c’était bien ce même vaisseau que j’étais venu chercher. J’accepte vos offres, et dès ce moment vous pouvez disposer de moi et me mettre au poste, quel qu’il soit, que vous me croirez le plus propre à remplir avec honneur.
–Vous serez le premier après moi. Demain matin, je le proclamerai sur le pont, et, à ma mort, si je ne me suis pas trompé dans mon choix, vous serez mon successeur. Cette confiance vous paraît peut-être bien subite; elle l’est en effet, du moins en partie, je dois en convenir; mais nos listes de recrutement ne peuvent pas être promenées, comme celles du roi, au son du tambour, dans les rues de la capitale; et ensuite, je ne connais pas le cœur humain, si la manière franche et ouverte dont je me fie à votre foi ne suffit pas elle-même pour m’assurer votre attachement.
–N’en doùtez pas! s’écria Wilder dans un mouvement soudain, mais marqué, d’enthousiasme.
Le Corsaire sourit avec calme en ajoutant:
–Les jeunes gens de votre âge ont assez d’ordinaire le cœur sur la main. Mais, malgré cette sympathie apparente qui semble se manifester tout à coup entre nous, je dois vous dire, pour que vous n’ayez pas une trop faible idée de la prudence de votre chef, que nous nous sommes déjà vus. Je savais que vous étiez dans l’intention de me chercher, et de venir m’offrir vos services.
–Impossible! s’écria Wilder, jamais personne.
–Ne peut être sûr que ses secrets sont en sûreté, interrompit l’autre, lorsqu’on a une figure ouverte comme la vôtre. Il n’y a que vingt-quatre heures que vous étiez dans la bonne ville de Boston.
–J’en conviens, mais.
–Vous conviendrez bientôt du reste. Vous montriez trop de curiosité, trop d’empressement à interroger l’imbécile qui dit que nous lui avions volé ses voiles et ses provisions. Menteur impertinent! Il fera bien de ne pas venir croiser sur ma route, ou