Le corsaire rouge. James Fenimore Cooper

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Le corsaire rouge - James Fenimore Cooper

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aussi tranquille que s’il ne sortait de sa cabine que pour respirer librement l’air du soir.

      Le temps n’était pas changé; il était doux, mais obscur; le même silence régnait toujours sur les ponts, et, au milieu de tous les sombres objets qui s’élevaient de tous côtés, et que Wilder reconnaissait sur la place qu’ils occupaient, il ne distingua qu’une seule figure humaine. C’était un homme qui l’avait reçu à son arrivée, et qui se promenait encore sur le tillac, enveloppé, comme la première fois, dans un grand manteau. Le jeune aventurier adressa la parole à ce personnage, pour lui annoncer son intention de quitter momentanément le vaisseau. Il fut écouté avec un respect qui le convainquit que son nouveau grade était déjà connu, quoique ce grade ne pût faire oublier l’autorité supérieure du Corsaire.

      –Vous savez, Monsieur, que personne, de quelque rang qu’il soit, ne peut quitter le vaisseau à cette heure sans un ordre du capitaine, fut la réponse civile, mais ferme, qui lui fut faite.

      –Je le présume; mais j’ai reçu cette permission, et je vous la transmets. Je me rendrai à terre dans ma barque.

      L’autre, apercevant quelqu’un qui était à portée de la voix, et qu’il savait bien être le commandant, attendit un instant pour s’assurer si ce qu’il entendait était vrai. Voyant qu’aucune objection n’était faite, qu’aucun signe ne lui était adressé, il se contenta de montrer l’endroit où était l’esquif.

      –Mes hommes l’ont quitté! s’écria Wilder en reculant de surprise au moment où il allait descendre du vaisseau. Les drôles se sont-ils enfuis?

      –Non, Monsieur, il ne se sont pas enfuis, et ce ne sont pas des drôles; ils sont dans ce vaisseau, et il faut qu’ils se retrouvent.

      L’autre attendit encore, pour voir l’effet que produiraient ces mots, prononcés d’un ton impérieux, sur l’individu qui était toujours sur le tillac, à l’ombre d’un mât. A la fin, n’entendant rien répondre, il sentit la nécessité d’obéir. Après avoir dit qu’il allait chercher après eux, il se dirigea vers l’avant du vaisseau, laissant Wilder seul, à ce que celui-ci croyait, en possession du tillac; mais il fut bientôt détrompé. Le Corsaire, s’avançant d’un air libre de son côté, lui fit remarquer l’état de son vaisseau, pour faire diversion aux pensées de son nouveau lieutenant, qui, comme il le voyait à la manière précipitée dont il arpentait le vaisseau, commençait à se livrer à des réflexions désagréables.

      –Voilà un charmant navire! monsieur Wilder, dit-il, facile à manœuvrer et vif en pleine mer. Je l’appelle le Dauphin, à cause de la manière dont il fend l’eau, et peut-être aussi, direz-vous, parce qu’il déploie autant de couleurs que ce poisson. D’ailleurs, il faut bien lui donner un nom, et je déteste vos sobriquets sanguinaires, vos Crache-Feu et vos Meurtriers.

      –Vous êtes heureux d’avoir un pareil bâtiment. A-t-il été construit par votre ordre?

      –Il est peu de vaisseaux au-dessous de six cents tonneaux, lancés de ces colonies, qui n’aient été construits pour servir à mes fins, reprit le Corsaire en souriant, comme s’il voulait ranimer son compagnon en étalant sous ses yeux la mine inépuisable de richesses qu’il venait de s’ouvrir en se rangeant sous son pavillon. Ce vaisseau a été construit, dans le principe, pour Sa Majesté très-Fidèle, et il était destiné, je crois, en présent aux Algériens, ou bien peut-être à les combattre; mais… mais il a changé de maître, comme vous voyez, et sa fortune a subi quelque altération: comment ou pourquoi? c’est une misère dont nous ne nous troublerons pas l’esprit dans ce moment. Il a pris port, et, grâce à quelques améliorations que j’y ai fait faire, il est disposé à merveille pour la course.

      –Vous vous hasardez donc quelquefois en dedans des ports?

      –Lorsque vous aurez quelque loisir, mon journal secret pourra vous intéresser, répondit le Corsaire en éludant la question. J’espère, monsieur Wilder, que ce vaisseau vous paraît dans un état dont un marin n’a pas à rougir.

      –Sa beauté, le soin et l’ordre qui en distinguent toutes les parties, m’avaient frappé dès le premier coup d’œil, et c’est ce qui m’a fait chercher à savoir à qui il appartenait.

      –Vous n’eûtes pas de peine à voir qu’il n’était porté que sur une seule ancre, reprit le Corsaire en riant. Mais je ne hasarde jamais rien sans raison. Il ne me serait pas bien difficile, avec une artillerie telle que celle que j’ai à bord, de faire taire la batterie de ce simulacre de fort; mais en le faisant, nous pourrions recevoir quelque mauvais coup, et ainsi je me tiens prêt à partir au premier instant.

      –Il doit être assez embarrassant de soutenir une guerre dans laquelle on ne peut jamais baisser pavillon, quelle que soit la position où l’on se trouve, dit Wilder plutôt du ton d’un homme qui réfléchit en lui-même, que de quelqu’un qui veut exprimer tout haut son opinion.

      –La mer est toujours sous nos pieds, fut la réponse laconique du Corsaire. Mais à vous je puis dire que, par principe, je prends le plus grand soin de mes espars. Je les ménage comme le cheval que l’on destine à disputer le prix de la course; car souvent il devient nécessaire que notre valeur soit tempérée par la prudence.

      –Et où, comment vous radoubez-vous lorsque vous avez souffert dans une tempête ou dans un combat?

      –Hem! nous venons à bout de nous radouber, Monsieur, et de tenir la mer en assez bon état. 1

      Il s’arrêta, et Wilder, s’apercevant qu’il n’était pas encore jugé digne d’une confiance entière, garda le silence. L’officier ne tarda pas à revenir, suivi du nègre seul. Quelques mots suffirent pour faire connaître l’état où se trouvait Fid. Notre jeune aventurier en éprouva une sensible mortification. L’air de franchise et de bonne foi avec lequel il se retourna du côté du Corsaire, pour le prier de pardonner à son matelot d’avoir pu s’oublier de la sorte, convainquit celui-ci qu’il ne soupçonnait pas le petit complot dont Fid avait été la victime.

      –Vous connaissez trop bien les matelots, Monsieur, lui dit-il, pour faire au pauvre diable un crime de ce moment d’oubli. Mettez-le sur une vergue ou après un cordage, jamais vous n’aurez vu un meilleur matelot que Dick Fid; mais je dois convenir qu’il est si bon camarade, qu’il est toujours prêt à tenir tête à tout le monde le verre à la main.

      –Il est heureux qu’il vous reste un homme pour conduire la barque, reprit le capitaine d’un air insouciant.

      –Je la conduirai très-bien moi-même, et je préfère ne pas séparer ces deux matelots. Si vous le permettez, le nègre couchera dès ce soir à bord du vaisseau.

      –Comme vous voudrez. Les hamacs vides ne manquent pas ici depuis la dernière escarmouche.

      Wilder ordonna alors à Scipion de retourner auprès de son compagnon, et de prendre soin de lui jusqu’à ce que Fid fût en état de prendre soin de lui-même. Le nègre, qui était loin d’avoir les idées aussi nettes que de coutume, obéit volontiers. Le jeune lieutenant prit ensuite congé de ses nouveaux amis, et descendit dans la barque. D’un bras vigoureux il la poussa loin du vaisseau, et alors ses yeux se portèrent avec un plaisir toujours nouveau sur les agrès et les cordages disposés avec un ordre si parfait; puis ils s’abaissèrent sur le tillac. Une forme humaine se dessinait au pied du beaupré, et semblait suivre la barque sur les eaux; et, malgré l’obscurité de la nuit, il crut reconnaître, dans celui qui prenait tant d’intérêt à ses moindres mouvements, le Corsaire Rouge.

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