Les ailes brûlées. Lucien Biart

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Les ailes brûlées - Lucien Biart

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campagnes, chevaux; on joua plusieurs parties de billard, et, vers dix heures, le colonel endossa son pardessus.

      –Vous ne voulez pas venir chez Mme de Lesrel? demanda de nouveau son ami.

      –Non, répondit M. de Lansac.

      –Peut-être avez-vous raison, un futur triomphateur, comme vous le serez, ne doit pas aimer les Fourches Caudines.

      –Qu’appelez-vous les Fourches Caudines?

      –Le joug de Mme de Lesrel. Si vous lui rendiez visite, vous subiriez l’irrésistible fascination qu’elle exerce sur tous ceux qui l’approchent; vous l’aimeriez.

      –Me croyez-vous si inflammable?

      –Je vous sais de diamant, au contraire; seulement, j’ai vu Mme de Lesrel émousser de si fines pointes d’acier, que je voudrais voir si elle rayerait le diamant.

      –Merci pour la bonne opinion que vous avez de ma vertu, répondit M. de Lansac; mais si beaux, si brillants que soient les yeux de Mme de Lesrel, je ne tiens pas à leur servir de papillon, à m’y brûler les. ailes. Bonsoir.

      Rentré chez lui, M. de Lansac rêva un moment, envoya coucher Louis, puis se plaça devant la carte stratégique qu’il dressait. Pour essayer le crayon dont il allait se servir, il ébaucha deux pieds mignons émergeant d’un flot de dentelles. A minuit, il travaillait encore et marquait d’une ligne rouge le chemin aveuglément suivi par les Russes pour aboutir au fameux lac de Telnitz.

      II

      Une après-midi que M. de Lansac dessinait, Louis parut portant une lettre sur un plateau.

      –Pose ça là, dit le colonel, occupé à prendre une mesure.

      Louis fit glisser la lettre sur la table; puis, sa large face épanouie par un sourire, il se retira en disant:

      –Ça sent joliment bon!

      M. de Lansac continua son travail. Peu à peu, un doux parfum caressa son odorat et monta jusqu’à son cerveau. Il regarda la lettre et lâcha son compas pour la saisir. La suscription était d’une écriture longue, rapide, un peu étrange.

      –Qu’est-ce que cela? se dit le colonel en rompant l’enveloppe.

      Il en tira une carte d’invitation pour la soirée que devaient donner, le24courant, M. et Mme de Lesrel.

      Le colonel tourna et retourna la carte.

      –Qui me vaut cet honneur? se demanda-t-il. Ah! j’y suis, ce fou de Mauret, sans doute.

      Cette énigme résolue, M. de Lansac jeta la carte dans une coupe placée sur la cheminée, roula une cigarette et reprit ses calculs. Mais, à travers l’âcre fumée du tabac, le suave parfum lui arrivait par bouffées. Il reprit soudain la carte, la sentit, réfléchit, et cela à plusieurs reprises; doux, pénétrant, le parfum qui s’en dégageait était difficile à définir.

      –Roses et violettes, dit-il enfin; oui, roses et violettes, voilà le fond.

      Cette nouvelle énigme résolue, le colonel se remit à l’œuvre jusqu’au soir. Le24courant, il dîna au cercle où il comptait voir Mauret, qui ne vint pas, et il retourna chez lui pour se plonger dans l’étude d’un passage de Jomini.

      Trois jours plus tard, Mauret entra dans le cabinet de son ami.

      –Eh bien, dit-il, vous donnez aux dames une singulière idée de la galanterie de l’armée française.

      –C’est donc à vous, mon cher, que je dois l’invitation que j’ai reçue?

      –Un peu à moi et beaucoup à notre général, qui a fait de vous, l’autre soir, un éloge… mérité. Il y a eu fatalité; je m’étais promis de vous voir le23, puis de venir vous prendre le24, afin de vous présenter. On m’a envoyé inspecter à l’improviste les travaux de Langres, d’où j’arrive. Savez-vous que Mme de Lesrel n’invite pas tout le monde? Vous lui devez, réglementairement, une visite d’excuse. Elle reçoit à partir de cinq heures, dans vingt minutes vous m’accompagnerez chez elle.

      Les sourcils de M. de Lansac se froncèrent.

      –Soit, dit-il néanmoins.

      Vers cinq heures et demie, les deux officiers se dirigeaient à pied vers la rue de Courcelles. Le long du chemin, Mauret parla de nouveau avec tant de chaleur de la beauté, de la grâce, de l’esprit de Mme de Lesrel que M. de Lansac s’arrêta.

      –Me voilà tenté de retourner à mon travail, dit-il. Je suis timide, et mon peu d’esprit à moi s’évaporera devant celui que vous prêtez à Mme de Lesrel. Je ne connais guère le monde, je n’entends rien à la mode, et la vue des très jolies femmes me fait toujours peur.

      –Vous pouvez causer stratégie, mon cher, Mme de Lesrel sait tout ou devine tout.

      –Diable! Mauret, vous parlez d’elle en amoureux.

      –Je le suis, répondit le jeune homme d’un ton tragique, comme tous ceux qui l’approchent, comme vous le serez vous-même demain.

      –Rebroussons vite chemin, répliqua M. de Lansac avec vivacité; je n’ai ni l’envie ni le loisir d’être amoureux.

      –Trop tard, dit Mauret, qui venait de sonner à la porte d’un hôtel.

      Aussitôt dans l’antichambre, M. de Lansac se sentit enveloppé d’un air tiède, parfumé d’une senteur qu’il connaissait déjà. On l’introduisit dans un salon où quatre lampes tamisaient une discrète lumière à travers des abat-jour en dentelles, tandis que la flamme d’un grand feu de bois éclairait crûment un magnifique tapis de Perse. Un peu en arrière de la cheminée, faisant face à ceux qui entraient dans son salon, Mme de Lesrel, assise sur une chaise longue, un écran à la main, se tenait à l’abri d’un bouquet de roses qui couronnait un cornet de cristal. Elle leva la tête au nom de M. de Lansac; le regard pénétrant de ses grands yeux l’enveloppa, et, souriante, elle répondit à son salut en lui tendant la main.

      –Le général André et mon ami Mauret m’ont si souvent parlé de vous, monsieur, dit-elle d’une voix au timbre harmonieux, que vous me permettrez de ne pas vous recevoir en étranger.

      M. de Lansac remercia, s’excusa de n’avoir pas profité de l’invitation dont il avait été honoré, et s’aperçut au moment de s’asseoir qu’une belle personne, debout près de la cheminée, rajustait son voile.

      –Vous voulez donc partir? dit Mme de Lesrel à son amie.

      –Oui; je vous ai vue, je n’ai pas aujourd’hui le temps d’autre chose.

      –Vous permettez, monsieur? dit Mme de Lesrel en passant près du colonel, qui s’inclina.

      Appuyée sur le bras de son amie pour la reconduire, Mme de Lesrel traversa le salon avec lenteur. Elle était vêtue d’une robe de cachemire blanc agrémentée de petits

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