Mathématiques et Mathématiciens: Pensées et Curiosités. Alphonse Rebière
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Dans la Géométrie ordinaire, qu'on nomme souvent la synthèse, les principes sont tout autres, la marche est plus timide ou plus sévère; la figure est décrite, jamais on ne la perd de vue, toujours on raisonne sur des grandeurs, des formes réelles et existantes, et jamais on ne tire de conséquences qui ne puissent se peindre, à l'imagination ou à la vue, par des objets sensibles; on s'arrête dès que ces objets cessent d'avoir une existence positive et absolue, une existence physique. La rigueur est même poussée jusqu'au point de ne pas admettre les conséquences d'un raisonnement établi dans une certaine disposition générale des objets d'une figure, pour une autre disposition également générale de ces objets, et qui aurait toute l'analogie possible avec la première; en un mot, dans cette Géométrie restreinte, on est forcé de reprendre toutes la série des raisonnements primitifs, dès l'instant où une ligne, un point ont passé de la droite à la gauche d'un autre, etc.
Poncelet.
Le célèbre auteur du Traité des propriétés projectives des figures montre ensuite comment les modernes se sont efforcés de donner à la Géométrie la généralité de l'Algèbre.
L'exactitude de toute relation entre des grandeurs concrètes quelconques est indépendante de la valeur des unités auxquelles on les rapporte pour les exprimer en nombres. Par exemple, la relation qui existe entre les trois côtés d'un triangle rectangle a lieu, soit qu'on les évalue en mètres, ou en lignes, ou en pouces, etc.
Il suit de cette considération générale, que toute opération qui exprime la loi analytique d'un phénomène quelconque doit jouir de cette propriété de n'être nullement altérée, quand on fait subir simultanément à toutes les quantités qui s'y trouvent le changement qu'éprouveraient leurs unités respectives. Or, ce changement consiste évidemment en ce que toutes les quantités de même espèce deviendraient à la fois m fois plus petites, si l'unité qui leur correspond devenait m fois plus grande, ou réciproquement. Ainsi, toute équation qui représente une relation concrète quelconque, doit offrir ce caractère de demeurer la même quand on y rend m fois plus grandes toutes les quantités qu'elle contient, et qui expriment les grandeurs entre lesquelles existe la relation, en exceptant toutefois les nombres qui désignent les rapports mutuels de ces grandeurs, lesquels restent invariables dans le changement des unités. C'est dans cette propriété que consiste la loi de l'homogénéité, suivant son acception la plus étendue..
Auguste Comte.
C'est une simplification intéressante que de résoudre par le second livre de Géométrie un problème, placé ordinairement dans le troisième. Citons, par exemple, la circonférence, passant par deux points et tangente à une droite. Nous voyons ainsi que l'ordre logique des propositions n'est pas aussi fixé qu'on l'admet généralement.
L'Algèbre plane pour ainsi dire également sur l'Arithmétique et sur la Géométrie: son objet n'est pas de trouver les valeurs mêmes des quantités cherchées, mais le système d'opérations à faire sur les quantités données pour en déduire les valeurs des quantités que l'on cherche. Le tableau de ces opérations, représentées par les caractères algébriques, est ce que l'on nomme en Algèbre une formule.
Lagrange.
«L'Algèbre est généreuse, a dit d'Alembert, elle donne souvent plus qu'on ne lui demande.» On interprète alors les solutions dites étrangères et qui sont celles du problème élargi, généralisé. Le calcul ne tient nul compte de nos restrictions.
Les extensions successives que l'on fait subir aux opérations et aux définitions mathématiques doivent être soumises au principe de la permanence des règles de calcul.
Hankel.
Les formules sont un secours admirable pour l'esprit, elles le dispensent de toute attention pénible, il n'a qu'à les suivre: elles ne le dirigent pas seulement, elles le portent. Il n'a besoin que de l'attention nécessaire pour ne pas manquer à la formule et à ses règles et cette attention est presque matérielle: elle est des yeux plutôt que de l'esprit. Les formules, en un mot, sont des espèces de machines avec lesquelles on opère presque machinalement.
Condorcet.
Il faut pouvoir, au besoin, raisonner directement chaque cas particulier.
On dit que l'analyse mathématique est un instrument. Cette comparaison peut être admise, pourvu qu'on admette que cet instrument, comme le Protée de la fable, doit sans cesse changer de forme.
Arago.
L'emploi du calcul est comparable à celui d'un instrument dont on connaît exactement la précision.
J. Fourier.
Dans les opérations on peut distinguer le signe indiquant l'opération, le nombre, c'est-à-dire le sujet sur lequel on opère, et le résultat obtenu. On peut faire abstraction des deux dernières choses, qui paraissent pourtant les plus importantes, et ne raisonner que sur les signes indicateurs. On a alors des théorèmes, de nature philosophique, qui constituent le calcul des opérations.
Exemple:
Les formules d'algèbre, dans leur étroite enceinte, contiennent toute la courbe dont elles sont la loi.
Taine.
L'Algèbre