La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung. Рихард Вагнер

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La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung - Рихард Вагнер

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complètement figurée dans le poème, aurait au moins été avantageuse au travail poétique. Si donc, par cela seul qu'elle est figurée dans le poème, la forme musicale lui donne une valeur particulière et qui répond exactement au but poétique, il ne s'agit plus que de savoir si la forme musicale de la mélodie n'y perd elle-même rien de la liberté de ses allures et de son développement.

      »Permettez-moi de répondre à cette question au nom du musicien, et de vous dire, avec le plus profond sentiment de l'exactitude de cette affirmation: au contraire, la mélodie et sa forme comportent, grâce à ce procédé, une richesse de développement inépuisable, et dont on ne pouvait sans lui se faire une idée[95-1].»—«Le symphoniste se rattachait encore timidement à la forme dansante primitive; il ne se hasardait jamais à perdre de vue, fût-ce dans l'intérêt de l'expression, les routes qui le tenaient en relation avec cette forme; et voici que maintenant le poète lui crie: «Lance-toi sans crainte dans les flots sans limites, dans la pleine mer de la Musique! Ta main dans la mienne, et», ainsi, «jamais tu ne t'éloigneras de ce qu'il y a de plus intelligible à chaque homme, car avec moi tu restes toujours sur le ferme terrain de l'action dramatique, et cette action, représentée sur la scène, est le plus clair, le plus facile à comprendre de tous les poèmes. Ouvre donc largement les issues à ta mélodie[95-2]; qu'elle s'épanche comme un torrent à travers l'œuvre entière: exprime en elle ce que je ne dis pas, parce que toi seul peux le dire; et mon silence dira tout, parce que je te conduis par la main.» Dans le fait, la grandeur du poète se mesure surtout par ce qu'il s'abstient de dire afin de nous laisser dire en silence, à nous-mêmes, ce qui est inexprimable; mais c'est le musicien qui fait entendre clairement ce qui n'est pas dit, et la forme infaillible de son silence retentissant est la mélodie infinie[96-1].

      »Evidemment, le symphoniste ne pourrait former cette mélodie, s'il n'avait son organe propre: cet organe est l'orchestre. Mais, pour cela, il doit en faire un tout autre emploi que le compositeur d'opéra, entre les mains duquel l'orchestre n'était qu'une monstrueuse guitare pour accompagner les airs. L'orchestre sera, avec le Drame tel que je le conçois, dans un rapport à peu près analogue à celui du chœur tragique des Grecs avec l'action dramatique. Le chœur était toujours présent, les motifs de l'action qui s'accomplissait se déroulaient sous ses yeux; il cherchait à sonder ces motifs et à se former par eux un jugement sur l'action. Seulement, le chœur ne prenait généralement part au Drame que par ses réflexions; il restait étranger à l'action comme aux motifs qui la produisaient. L'orchestre du symphoniste moderne, au contraire, est mêlé aux motifs de l'action par une participation intime[96-2]; car si, d'une part, comme corps d'harmonie, il rend seul possible l'expression précise de la mélodie, d'autre part, il entretient le cours interrompu de la mélodie elle-même; en sorte que toujours les motifs se font comprendre au cœur avec l'énergie la plus irrésistible. Si nous considérons, et il le faut bien, comme la forme artistique idéale celle qui peut être entièrement comprise sans réflexion, et qui fait passer tout droit dans le cœur la conception de l'artiste dans toute sa pureté; si enfin nous reconnaissons cette forme idéale dans le Drame... qui satisfait aux conditions mentionnées jusqu'ici, l'orchestre est le merveilleux instrument au moyen duquel seul cette forme est réalisable. En face de l'orchestre, de l'importance qu'il a prise, le chœur, auquel l'opéra, d'ailleurs, a déjà fait une place sur la scène, n'a plus rien de la signification du chœur antique, cela saute aux yeux; il ne peut plus être admis qu'à titre de personnage actif, et partout où il n'est pas nécessaire avec un tel rôle, il ne peut plus désormais devenir qu'un embarras et une superfluité; car sa participation idéale à l'action est passée tout entière à l'orchestre, et s'y manifeste sous une forme toujours présente et qui n'embarrasse jamais[97-1].»

       Table des matières

      Applicables à toutes les œuvres de Wagner à dater de la Tétralogie, y compris la Tétralogie, telles sont les théories dramatiques du Poète, dans leurs lignes les plus générales. A présent que j'en ai terminé la mosaïque, j'aurais voulu montrer sous quelle forme, concrète, cette même Tétralogie vérifie leurs données; car nous voici très près, comme autrefois Wagner[98-1], du point où ces éclaircissements ne se suffiraient plus sans exemples: mais quels exemples irai-je élire? lesquels seront mieux probants que l'œuvre en totalité? Certes, il est tels détails (techniques) que je ne puis taire: si je l'ai fait dans les trois chapitres précédents, le premier de polémique, le second de biographie, le troisième de compilation spéculative, je n'en ai plus le droit dans celui-ci, profession de foi du traducteur.

      Mais quoi! ces détails réservés, irai-je faire aux lecteurs l'injure de douter de leur intelligence jusqu'à leur expliquer longuement, par exemple au point de vue de l'«action»: que, l'Ame étant ici l'unique moteur du Drame, cette action est tout intérieure et passionnelle; qu'elle n'en progresse pas moins, cette action, et sans cesse, et de phrase en phrase, et de vers en vers, et de mot en mot, et de geste en geste, dans le dialogue, dans les récits mêmes; et comment, à la suite de scènes jamais trop longues, mais prolongées, où s'est accumulée, sans discontinuer, toute l'électricité dramatique, peu à peu, d'une situation décisive, le fait attendu, brutal, éclate comme un éclair (je ne dis pas: comme un coup de théâtre), toujours visible aux spectateurs, durable assez pour les saisir, pas assez pour distraire de l'action vraie leur cœur? Ne sont-elles pas, ces observations, de celles que n'importe qui saura bien faire soi-même? et la seule que je me puisse permettre n'est-elle pas: que si la Musique acquiert, dans l'œuvre de Wagner, une toute-puissance dominatrice, incontestable, incontestée, elle le doit à ce développement des poèmes (qui en sont le support) par des motifs humains purement psychologiques? Et, si je voulais traiter de l'économie des Drames: lorsque j'aurais noté comment parfois Wagner, avec logique, avec bonheur, en supprime toute «exposition», y ajourne toute explication, n'y nomme tel personnage que longtemps, bien longtemps après l'avoir su rendre intéressant pour nous; quand j'aurais constaté que le Rheingold à part, tous ces Drames ont chacun trois actes[99-1], les treize actes restant, d'ailleurs, rigoureusement inséparables; quand j'aurais souligné que matérielle ou morale, l'action n'y est rompue même par les changements de lieu, les transformations du Décor (sans parler de celles de la Musique) suivant, accompagnant la marche des héros, localisant les interludes: «Hé! serait en droit de me dire quiconque va lire l'ouvrage: nous n'avons pas besoin de vous pour découvrir ces choses; nous avons des yeux, j'imagine! et, à moins que votre Traduction ne soit incomplète...»—Elle ne l'est point; et c'est pourquoi, en ce qui concerne les Arts Optiques[99-2] (Décor, Plastique, Mimique et Danse) j'userai d'une analogue réserve: la Mimique, langue universelle comme la Musique, et comme elle expressive de l'homme émotionnel[100-1], et comme elle suggérant ce que sous-entend le poète, n'est-elle pas précisée dans le texte wagnérien, et, par suite, dans cette Traduction? Qu'ils précèdent, exécutent ou remplacent la Parole, nécessitent ou complètent la Note correspondante, Gestes, Regards, Attitudes, Immobilité même, Wagner n'a-t-il pas tout prévu? N'a-t-il pas tout prévu pour le Décor aussi[100-2]: depuis les jeux de la Lumière, de l'Ombre, élevées à l'importance d'agents actifs du Drame, jusqu'au rythme des Plans, des Couleurs et des Lignes? Il est vrai, surtout si l'on songe au caractère cosmogonique du sujet de l'Anneau du Nibelung, que ces dernières indications pourront paraître parfois brèves, sèches, à force de sobriété: mais si Wagner les a, dans le texte des poèmes, réduites au plus strict minimum, c'est parce que la symphonie, sans être jamais «descriptive», reflète suffisamment le Décor,—ou bien s'y reflète, projetant alors de l'Ame vers la Nature l'action, faisant à cette action participer les Choses, par de magnétiques effluences, par de réciproques influences[100-3]; et dans ce cas, tout ce que le lecteur (soit qu'il manque d'imagination, soit plutôt faute d'avoir la Musique sous les yeux) aurait peine à deviner fût-ce avec du génie, n'est-il pas évident que mieux vaudra le lui dire, en note, à la page même où, fourni par le Drame, l'exemple y gagnera d'être ainsi plus direct?

      Restent la question de Langue et la question

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