La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung. Рихард Вагнер

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La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung - Рихард Вагнер

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parlent, dans cette symphonie, une langue dont aucune époque n'avait encore eu connaissance; car l'expression, purement musicale jusque dans les nuances de la plus étonnante diversité, enchaîne l'auditeur pendant une durée inouïe jusque-là, lui remue l'âme avec une énergie qu'aucun autre art ne peut atteindre; elle lui révèle dans sa variété une régularité si libre et si hardie, que sa puissance surpasse nécessairement pour nous toute logique, bien que les lois de la logique n'y soient nullement contenues, et qu'au contraire la pensée rationnelle, qui procède par principe et conséquence, ne trouve ici nulle prise...[89-4]. Une nécessité métaphysique réservait précisément à notre époque la découverte de ce langage tout nouveau: et cette nécessité gît, si je ne me trompe, dans le perfectionnement de plus en plus conventionnel des idiomes modernes....[90-1]. Issue d'une signification des mots toute naturelle, personnelle et sensible, la langue de l'homme se développa dans une direction de plus en plus abstraite, et finalement les mots ne conservèrent plus qu'une signification conventionnelle; le sentiment perdit toute participation à l'intelligence des vocables, en même temps que l'ordre et la liaison de ceux-ci finirent par dépendre d'une façon exclusive et absolue de règles qu'il fallait apprendre....[90-2]. On dirait que, sous la pression des conventions civilisées, le sentiment humain s'est exalté, et a cherché une issue qui lui permît de suivre les lois de la langue qui lui est propre, et de s'exprimer, d'une manière qui lui fût intelligible, avec une entière liberté et une pleine indépendance des lois logiques de la pensée»[90-3]. En revanche, s'il est vrai que «la musique, malgré l'obscurité de sa langue» selon ces lois, «se fait nécessairement comprendre de l'homme avec une puissance victorieuse que ces mêmes lois ne possèdent pas[90-4]», il n'est pas moins certain qu'il y a, «dans la marche de l'intelligence», certaine «inévitable phase, où elle se sent pressée de découvrir la loi qui préside à l'enchaînement des causes, et se pose, en présence de tout phénomène dont elle reçoit une forte impression, cette question involontaire: «Pourquoi?»[90-5]—«De là l'espèce de crainte où tombe le compositeur de dépasser certaines limites de l'expression musicale: par exemple, de porter trop haut la tendance passionnée et tragique; car il éveillerait par là des émotions et une attente qui ne pourraient que faire naître dans l'auditeur la question importante du «Pourquoi?». Or c'est une question à laquelle le musicien n'est pas en mesure de faire une réponse satisfaisante»[91-1];—«c'est une question que l'audition même d'une symphonie ne peut empêcher complètement de provoquer; bien plus, comme elle ne peut y faire de réponse, elle confond la faculté de percevoir les causes, et suscite dans l'auditeur un trouble qui non seulement est capable de tourner en malaise, mais devient de plus le principe d'un jugement radicalement faux»[91-2]. Comment «répondre à cette question, à la fois troublante et inévitable, de telle sorte qu'elle cesse de s'élever et soit désormais en quelque sorte éludée?»[91-3]. Par un programme, dira quelqu'un. Mais «un programme est plutôt fait pour amener la question du «Pourquoi» que pour la satisfaire; ce n'est donc pas un programme qui peut exprimer le sens de la symphonie»[91-4].

      Si ce n'est un programme, qu'est-ce alors? Faut-il rappeler que, selon Wagner, Beethoven même l'a indiqué, le jour où comprenant qu'il avait parcouru, dans la musique instrumentale, le cercle tout entier de toutes les émotions qu'elle est capable d'exprimer, à l'instrumentation, qui ne lui suffisait plus, il a joint les voix,—au finale de la Symphonie avec Chœurs? Ainsi, c'est un poète qui donnera la réponse; ou plutôt non: c'est un poète qui facilitera cette réponse au symphoniste interrogé. «Mais le poète lui-même ne saurait y parvenir sans un vif sentiment des tendances de la musique et de son inépuisable puissance d'expression; car il faut qu'il construise son poème de manière qu'il pénètre jusque dans les fibres les plus fines du tissu musical, et que l'idée qu'il exprime se résolve entièrement dans le sentiment. La seule forme poétique applicable ici est celle où le poète, au lieu de décrire simplement, offre de son objet une représentation réelle et qui frappe les sens: cette forme est le Drame. Au moment où il est représenté avec la réalité scénique, le Drame éveille dans le spectateur un intérêt profond pour une action qui s'accomplit devant lui, qui est, dans la mesure du possible, une fidèle imitation de la Vie humaine. Cet intérêt élève déjà par lui-même les sentiments de sympathie jusqu'à une sorte d'extase, où l'homme oublie cette fatale question du pourquoi: alors, dans le feu de ses transports, il se livre sans résistance à la direction des lois nouvelles par lesquelles la Musique se fait si merveilleusement comprendre et, dans une acception très profonde, fait la seule réponse exacte à cette question: «Pourquoi?»[92-1].

      Le Drame est donc, à la Symphonie, ce que celle-ci était à la mélodie de danse: elle était l'idéal de la mélodie de danse; il est l'idéal de la Danse, au sens le plus large du mot. Car «déjà, la danse populaire originelle exprime une action, presque toujours les péripéties d'une histoire d'amour; cette danse simple et qui relève de relations les plus matérielles, conçue dans son plus riche développement et portée jusqu'à la manifestation des mouvements de l'âme les plus intimes, n'est autre chose que l'action dramatique[92-2].... Il ne me reste, en ce moment, qu'à indiquer comment la forme mélodique peut être élargie, vivifiée, quelle influence enfin peut être exercée sur elle par un poème qui y répond parfaitement.»[93-1].

      D'abord, la Poésie s'y résignera-t-elle, à n'être plus (en apparence) qu'une auxiliaire de la Musique, à se fondre intimement avec elle, et surtout «avec cette musique dont la symphonie de Beethoven nous a révélé la puissance infinie? La Poésie, réplique Wagner, en trouvera sans peine le moyen: dès qu'elle apercevra, dans la Musique», ce besoin de clarté, «qu'à son tour la Poésie peut seule satisfaire, elle reconnaîtra que sa secrète et profonde aspiration est de se résoudre finalement dans la Musique[93-2].» En effet, «un penchant naturel au poète, et qui domine chez lui la conception comme la forme, ... est d'employer l'instrument des idées abstraites, la langue, de telle sorte qu'elle agisse sur la sensibilité elle-même... Le poète cherche, dans son langage, à substituer à la valeur abstraite et conventionnelle des mots leur signification sensible et originelle; l'arrangement rythmique et l'ornement (déjà presque musical) de la rime,» de l'allitération, «lui sont des moyens d'assurer au vers, à la phrase, une puissance qui captive comme par un charme et gouverne à son gré le sentiment. Essentielle au poète, cette tendance le conduit jusqu'à la limite de son art, limite que touche immédiatement la Musique; et par conséquent l'œuvre la plus complète du poète devrait être celle qui, dans son dernier achèvement, serait une parfaite musique[93-3].»—«Le poète, qui a le sentiment de l'inépuisable pouvoir d'expression de la mélodie symphonique, se verra conduit à étendre son domaine, à s'approcher des nuances infiniment profondes et délicates de cette mélodie qui donne à son expression, au moyen d'une seule modulation harmonique, la plus pénétrante énergie. La forme étroite de la mélodie d'opéra, qui s'imposait à lui autrefois, ne le réduira plus à donner pour tout travail un canevas sec et vide; au contraire, il apprendra du musicien un secret qui reste caché au musicien lui-même, c'est que la mélodie est susceptible d'un développement infiniment plus riche que la symphonie elle-même n'a pu jusqu'ici lui permettre de le concevoir; et, porté par ce pressentiment, le poète tracera le plan de ses créations avec une liberté sans limite[94-1].»

      «Peut-être trouverez-vous, ajoute Richard Wagner, que plusieurs parties» de tels poèmes «entrent trop avant dans le détail intime, et, si vous consentez à autoriser ce détail chez le poète, vous aurez peine à comprendre comment il a osé le donner à interpréter au musicien[94-2]... Mais à cela je fais immédiatement une réponse: si... les vers étaient calculés,» dans n'importe quel libretto, «pour qu'une fréquente répétition des phrases et des paroles, qui étaient le support de la mélodie, donnât au poème l'extension que réclamait cette mélodie», il n'en est plus de même [pour le Ring]: là, «l'exécution musicale... n'offre plus une seule répétition de paroles, le tissu des paroles a toute l'étendue destinée à la mélodie; en un mot, cette mélodie est déjà construite poétiquement. S'il était arrivé que mon procédé eût en général réussi, peut-être cela seul suffirait-il pour obtenir... le témoignage que ce procédé a produit une fusion infiniment plus intime du poème et de la musique que les procédés antérieurs.

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