La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung. Рихард Вагнер

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La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung - Рихард Вагнер

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que des opéras italiens, non sans avoir été forcés d'en aller préalablement étudier, en Italie même, le mécanisme. Plus tard, les théâtres sommés durent, pour contenter leur public, joindre, à l'exécution de ces œuvres italiennes, celle d'autres opéras traduits, surtout français; lourdes imitations, plagiats mal déguisés, les tentatives locales n'avaient d'allemand que la langue; nul théâtre modèle ne put se former, nul style; ou plutôt, tous les styles coexistèrent partout (sauf un style national allemand) dans la plus complète anarchie: style français et style italien, copies allemandes de l'un et de l'autre, ceux-ci défigurés encore, soit par l'ineptie prosodique et littéraire des traductions, soit par l'insuffisance d'interprètes à tout faire, qu'on mettait à chanter coup sur coup, pour varier, sans étude et sans exercice, sujets comiques, sujets tragiques, les pièces les plus hétérogènes d'un répertoire d'importation[59-1]. Mais s'il en faut conclure, avec Richard Wagner, que «pour le musicien véritable et sérieux», en Allemagne, au point de vue allemand, «ce théâtre d'opéra n'existait pas[59-2]», en somme, est-ce à dire par là même qu'il n'«existait» non plus une Musique nationale allemande? Dieu merci! l'opéra n'est pas toute la Musique; il ne peut se passer d'elle, mais elle peut se passer de lui; et pour preuve: tandis que Mozart, artiste allemand, tandis que Glück, artiste allemand, créaient des opéras italiens et français, la Musique nationale allemande se développait, de Hændel à Sébastien Bach, de Bach à François-Joseph Haydn, de Haydn à Beethoven enfin, choralement, instrumentalement, conformément à des principes tout autres que ceux de l'opéra[60-1]. Il s'agissait de savoir si, parvenue d'elle-même à la perfection musicale dans tous les genres sauf l'opéra, l'Allemagne accepterait ensuite longtemps encore la tyrannie d'une pareille formule dramatique; et, forcée de s'avouer sa propre inaptitude, n'en attribuerait pas, un jour, la persistance, aux mêmes raisons que Richard Wagner: «Possible en Italie, non moins possible en France, l'opéra n'est-il pas impossible en Allemagne?» Ce jour-là, d'un semblable doute, un mouvement national naîtrait qui tout d'abord, passionnant la conscience publique, déterminerait une réaction. Réaction contre quoi? contre une forme étrangère. Mais en faveur de quoi? d'une forme allemande, sans doute! Et si cette forme allemande «n'existait pas»? Tant mieux: car il faudrait alors l'instaurer tout entière, et l'infériorité des artistes allemands, vis-à-vis des nations romanes, se métamorphoserait pour eux en avantage[60-2]; devenus rebelles au joug d'une forme exotique, et dont l'exotisme était encore sophistiqué, ne seraient-ils pas conduits à la considérer, d'un esprit plus libre, en elle-même; à se rendre ainsi mieux compte de ses inconvénients; à remonter de son mode actuel jusqu'au mode grec (c'est-à-dire jusqu'à l'origine, pour notre Europe, de toutes les formes d'art connues)[61-1]; à comprendre, à s'assimiler la forme antique, sans s'y asservir néanmoins, à s'élever finalement, appuyés sur celle-ci, jusqu'à la conception d'une forme aussi complète: neuve, idéale, purement humaine; bien nationale par son branchement, mais affranchie de toute entrave de mœurs nationales contingentes; et par suite accessible,—en Allemagne, hors d'Allemagne, et maintenant, et toujours,—à toute intelligence, à toute âme, à tout homme?

      Que si la variété des langues européennes interdisait, à qui que ce fût, l'espoir de réussir à jamais opérer, par une forme nationale uniquement littéraire, cet international effet, la Musique n'est-elle pas, en revanche, une langue intelligible à tous, sans traduction? Et la Plastique? De même! Et la Mimique? De même! La forme allemande cherchée, nationale par l'idiome, serait donc, en outre, musicale; elle serait encore plastique, dramatique et mimique: car si d'une part, on ne peut le nier, la Musique est «la langue souveraine, qui, résolvant toutes les idées en sentiments, offre un organe universel de ce que l'intuition de l'artiste a de plus intime»,—d'autre part cet organe, quelle qu'en soit la puissance, ne saurait par lui-même atteindre à cette clarté que la représentation théâtrale, comme un privilège exclusif, dispute à l'art de la Peinture[61-2].

      Au Wagner qui rêvait d'instaurer une telle forme, on conçoit quel «poignant ennui»[62-1] devait causer celle de l'opéra (ou plutôt du produit hybride et dévoyé que l'Allemagne avait fait de l'opéra). Désespoir de n'y jamais voir la Musique s'enlacer au Drame, pour constituer un tout vaste, indivisible et continu; désenchantement d'y découvrir, dans des œuvres de premier ordre, certaines choses toutes conventionnelles, déconcertantes d'absurdité[62-2]; stupeur de discerner, jusque chez un Weber, plus d'une prudente concession faite; détresse d'être chaque jour enfermé davantage, comme kapellmeister du théâtre de Dresde, dans le cercle magique du genre où il voyait tout l'opposé de l'idéal qui le remplissait,—tant de sentiments décourageants, loin de rebuter Richard Wagner, avaient fini par l'exalter: quoi! c'était au moment où il apercevait la possibilité de créer, non plus, par quelque «sûr instinct», des à-peu-près de chefs-d'œuvre comme Tannhäuser, mais, avec pleine conscience, des œuvres plus parfaites, c'était à ce moment-là que plus d'un s'avisait de juger excessives ses partielles audaces antérieures, devenues insuffisantes pour lui! L'heure devait venir et vint où bien plus, après tout, que les pires suites éventuelles d'un coup d'éclat définitif, le malaise de l'artiste, à force d'augmenter, lui paraîtrait «insupportable», et lui parut en effet tel: «Enfin je dus comprendre, clairement, dans quel but on cultive le théâtre moderne... en particulier l'opéra»[63-1]; et cette constatation l'emplit d'un tel dégoût, qu'abjurant tout essai de réforme, incapable de transiger, obligé de s'avouer que s'il ne transigeait pas, il lui faudrait tôt ou tard rompre, et rompre sans esprit de retour, avec ce genre «frivole», «équivoque» et mondain, il commença de chercher suivant quelles conditions se devrait consommer cette rupture.

      Car rompre, c'était bien, rompre étant nécessaire: mais ensuite? Rompre n'est pas tout: rompre est un acte négatif, et ce n'est pas négative qu'est la mission de l'Artiste. Qu'il puisse avoir à rompre, à détruire, c'est son droit: son devoir n'en est pas moins de créer, comme la Vie même, qui jusque sur des ruines s'affirme, et d'autant mieux. Or si en général, pour accomplir ce devoir, l'Artiste a peu besoin de réfléchir, c'est qu'aussi n'existe-t-il guère d'antagonisme, en général, entre ses personnelles tendances intuitives et les moyens de les exprimer, qui lui sont fournis par l'étude d'une technique toute constituée[64-1]. Il n'en allait pas de même dans le cas de Richard Wagner; ici l'antagonisme existait péremptoire, et d'autant plus poignant que Wagner, étant un auteur dramatique, ayant besoin, pour réaliser intégralement ses conceptions, non pas seulement d'organes passifs, inanimés, mais encore d'un ensemble actif de forces artistiques vivantes, se sentait davantage à la merci des lois toutes particulières du théâtre, telles qu'il les trouvait établies[64-2]; et, puisqu'il les jugeait mauvaises et les croyait irréformables, se voyait mieux réduit à cette alternative: ou renoncer à l'espoir, pour ses œuvres futures, de la représentation scénique: ou les rendre scéniques en usant, malgré soi, des moyens d'expression convenus, conventionnels, destinés à des fins tout antiwagnériennes. Du moment qu'il n'optait ni pour l'un ni pour l'autre, il fallait bien que Wagner usât d'une forme à soi; pour en user, qu'il la créât; pour la créer, qu'il réfléchît. Au surplus, quelque répugnance qu'il éprouvât,—en dépit des instincts de sa race philosopheuse[64-3],—pour la méditation abstraite, un motif que je vais dire eût été suffisant pour lui faire une nécessité d'arriver à la certitude d'une prompte solution rationnelle: Wagner était d'abord poète; il était d'abord dramaturge: il en résultait que les idées, les sujets, les canevas de poèmes ne lui faisant jamais défaut (dans les quelques années qui suivirent Lohengrin, il en aurait eu plutôt trop[65-1]), certains de ces sujets l'obsédaient, hantaient son imagination, jusqu'à ne lui laisser aucun repos qu'ils n'eussent été dramatisés; et comme, poète et dramaturge, il était encore musicien, comme il ne concevait, n'esquissait, ne versifiait, ne dramatisait, qu'à seule fin de compléter ensuite musicalement, il constatait qu'aussi longtemps qu'il n'aurait trouvé, musicien, une forme musicale nouvelle, il resterait condamné, poète, à mesure que tour à tour ces sujets l'obséderaient, hanteraient son imagination, voudraient être dramatisés, à leur infliger la seule forme textuaire qui fut admise et connue en fait de drame lyrique, la seule qu'il eût, lui-même, pratiquée jusqu'alors: bref, celle de poèmes d'opéras.

      Telle fut bien, en effet, l'aventure du poème, Siegfried's Tod, la

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