La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung. Рихард Вагнер

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La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung - Рихард Вагнер

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de réflexion abstraite[52-1]. Pour moi, c'est à l'exaltation de ce «sûr instinct» divinatoire, par des injustices répétées, qu'il m'est doux et réconfortant d'attribuer la supériorité relative, et de Tannhäuser quant au Vaisseau-Fantôme, et surtout de Lohengrin quant à Tannhäuser; ces injustices étant connues, je n'en recommencerai point l'historique; je me contenterai de rappeler qu'en écrivant cette phrase: «Lorsque j'entrepris Lohengrin (la composition de Lohengrin), j'étais devenu conscient de ma solitude.[52-2]» Richard Wagner, implicitement, se rendait un témoignage de sa persévérance. En effet, lorsqu'il entreprit la composition de Lohengrin, ne venait-il pas de voir échouer, coup sur coup, toutes ses tentatives pour propager Tannhäuser?—Tannhäuser! à quoi de connu cela ressemblait-il, Tannhäuser? Nos bons wagnéromanes d'aujourd'hui vous le diraient, non sans un sourire de pitié, car peut-être est-il des ressemblances qui se développent avec l'âge des œuvres? Mais il faut croire qu'en son jeune temps, de même qu'il avait plus ou moins déconcerté le public de Dresde, Tannhäuser déconcertait, par on ne sait quoi de pas-assez-vu, les directeurs des scènes allemandes—puisque pas un ne l'osait jouer..... Pas un! «J'étais devenu conscient de ma solitude»: quant à la faire cesser par des concessions, non! Pour toute œuvre sincère, concession vaut mensonge[53-1]: Lohengrin serait œuvre sincère,—voix de la Réalité des Choses, voix de la Nature, nette articulation d'un «sûr instinct» d'Artiste,—une œuvre sincère, comme je dis; cela d'abord, exclusivement cela, sans concession! Et tant pis pour les hommes s'il déplaisait, tel quel, à l'insincérité des hommes! «Tant pis pour l'auteur même,» répliquent les hommes.—Qui sait?

      Croyez-vous donc que l'Art (qui toujours, ai-je noté, sait ce que souvent l'artiste ignore) ne réserve pas à sa foi les compensations qu'elle mérite? Compensations morales, les plus précieuses de toutes! non que richesse ou succès, mon Dieu, ne puissent, même de nos jours, affluer par surcroît; mais, rhétorique à part, quel succès ou quel or, pour l'âme d'un Artiste sincère, vaudra jamais l'heure décisive où, compensation de sa persévérance, il réussit à découvrir, en une de ses œuvres ferventes comme des appels vers l'Inconnu, la mystique certitude de la mission divine qui constitue sa raison d'être? L'Art n'est-il pas un peu, pour ses prédestinés, le Dieu de Pascal, ce dieu caché, qui ne se révèle qu'à quelques-uns, et à ces quelques-uns encore que partiellement? Dieu d'épreuve, en qui croire est un acte d'amour, mais un acte aussi de volonté; dieu sévère, qui ne peut approuver que ceux qui le cherchent en gémissant; mais dieu bon: «Tu ne me chercherais pas, si tu ne m'avais déjà trouvé»; mais dieu juste, et dont la justice, quand sonne l'heure marquée pour sa grâce, fait infailliblement succéder pour toujours: à la foi tâtonnante, cette certitude mystique; à l'instinct «sûr» mais vague, un sentiment conscient; aux tortures du désir, une paix miraculeuse; à cette gémissante quête la Joie, les pleurs de Joie de la découverte! C'est en composant Lohengrin, en créant l'Elsa de Lohengrin, que Richard Wagner la connut, cette certitude de sa mission, récompense d'une intransigeante et méritoire sincérité: «Elsa» déclare-t-il, «a fait de moi un révolutionnaire complet[54-1].» Il m'entraînerait trop loin d'en résumer ses preuves; qu'un autre document suffise: 1847, Lohengrin est achevé; 1847, Richard Wagner écrit: «Je dois considérer mes entreprises présentes comme des expériences pour répondre» (et la réponse n'est plus douteuse) «à cette question,»—la vraie question: «L'opéra» (c'est la première fois que Wagner s'en prend au genre lui-même), l'opéra, donc, «est-il possible?»

      «Possible?» Entendons-nous, d'abord: Wagner n'a jamais eu la prétention de nier—c'eût été nier l'évidence—qu'en Italie, surtout, l'opéra le fût, «possible». Dans la Lettre sur la Musique, il s'en est expliqué nettement: Sans doute, y peut-on lire en somme, sans doute l'opéra italien était devenu un genre à part, qui, n'ayant pas le moindre rapport[55-1] avec le Drame proprement dit, n'y gagnait guère d'avoir aucun rapport, d'ailleurs, à l'esprit de la Musique elle-même proprement dite; mais enfin la notion ne s'impose pas moins qu'en Italie, depuis la naissance de l'opéra, n'a cessé d'exister et de se perpétuer intégralement, jusqu'à nos jours, une pleine harmonie réciproque, originelle et nationale, entre les authentiques tendances des compositeurs indigènes[55-2] et les conditions de viabilité faites au genre par ses interprètes, par la nature de son public[55-3].—«Il en est de même en France», ajoute Richard Wagner; seulement ici le chanteur a vu, aussi bien que le compositeur, grandir sa tâche: la coopération du poète dramatique ayant acquis une importance beaucoup plus grande qu'en Italie[56-1]; bornons-nous à noter qu'un style s'était formé, grâce à l'hégémonie d'un théâtre français déterminé, le Grand-Opéra, central, modèle, tenu pour tel;—un style qui, peu à peu fixé, de plus en plus approprié au caractère de la nation, faisait authentiquement en France autorité pour presque tous, du librettiste au musicien, des interprètes aux spectateurs[56-2].

      «En France..... En Italie.....»: mais quoi! Richard Wagner était-il Allemand, oui ou non? Que l'opéra fût «possible» en France, «possible» en Italie, «possible» où l'on voudra, qu'importait à Richard Wagner,—si cet où-l'on-voudra n'avait pour nom l'Allemagne? Ce n'était pas une contrefaçon d'œuvres italiennes ou françaises, pour des Italiens ou pour des Français,—c'était une œuvre allemande qu'il avait à créer, une œuvre allemande, pour des Allemands[57-1]. S'il eut au reste l'ambition d'impartir, à cette œuvre allemande, outre son authenticité patriotique et nationale, une signification humaine universelle, c'était plus que son droit, c'était son devoir d'Artiste; s'il y a réussi, c'est le fait de son génie; s'il y aurait pu réussir tout aussi bien par l'opéra, c'est ce que je ne discuterai ni ne rechercherai même,—puisque, par l'opéra ou par toute autre forme, à fins égales, l'essentiel était de réussir; puisque sans l'opéra Wagner a réussi; et puisqu'un tel succès, justifiant les moyens, rend oiseuse et caduque, au moins quant à Wagner, toute chicane relative au choix qu'il fit du Drame. J'observerai seulement que Wagner, étant donné son double but de patriote et d'homme-artiste, son idéal de vérité particulière et générale, n'aurait eu chance par l'opéra de se satisfaire qu'à condition; soit d'avoir trouvé l'opéra nationalisé en Allemagne; soit, s'il n'en était pas ainsi, d'en nationaliser la forme: car comment, sans être, d'abord, expressive du génie de la race, par laquelle seule l'artiste tient à l'humanité tout entière, comment une forme d'Art le serait-elle, expressive, de l'humaine, de l'ubiquitaire, de la sempiternelle Réalité psychique? Si l'Humanité même est un grand arbre en vie, dont chaque Race est un grand rameau, chaque Artiste une frémissante feuille, comment la feuille s'y prendrait-elle, sans l'intermédiaire du rameau, pour renvoyer au tronc, revivifiés en elle, les éléments vitaux que, sans cet intermédiaire, elle n'aurait pu s'assimiler? En langage moins métaphorique: puisque Wagner voulait impartir, à son œuvre, une valeur générale humaine; puisque allemande, italienne, française, une œuvre d'Art ne saurait avoir cette valeur qu'à condition d'être, avant tout, respectivement conforme au génie des Allemands, des Italiens ou des Français,—s'étonner, s'indigner que Wagner, artiste allemand, ait fini par juger impossible, en Allemagne, toute formule dramatique italienne ou française, ne serait-ce pas aussi sot qu'il le serait de s'indigner parce que Wagner, poète allemand, n'aurait pas appliqué, dans ses poèmes allemands, les règles des grammaires italienne ou française?

      Telle est bien, en effet, la portée de la question que s'était posée Richard Wagner: «Possible» en Italie, non moins «possible» en France, l'opéra n'est-il pas impossible en Allemagne? Et lorsque, après avoir précédemment montré combien normale était, parmi les races latines, la situation faite aux auteurs d'opéras, lorsque j'aurai montré, ci-dessous, quelle devenait cette situation dans la patrie de Richard Wagner,—peut-être saisira-t-on mieux pourquoi ce problème de l'opéra, quelques suites internationales qu'en comportât la solution, ne pouvait se dresser alors, aussi impérieusement, que devant un auteur germanique[58-1].

      Quand l'Allemagne reçut l'opéra, constate Wagner, c'était un produit étranger, qui, né en Italie, acclimaté en France, tendait et prétendait à s'imposer tel quel, tout développé, partout ailleurs:

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