La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung. Рихард Вагнер

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La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung - Рихард Вагнер

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reste, à présupposer que, littéraires ou bien thématiques, toutes ces analyses fussent exactes, à les présupposer complètes,—et plus d'une possède ces deux qualités,—la meilleure vaudrait toujours moins que la pire des traductions totales, puisque en somme il s'agit d'un Drame: dont celui-ci jugera telle scène ou plus importante ou plus belle; dont celui-là passera sous silence la même scène, trop heureuse si quelque pédant n'y découvre point, pour sa part, des philosophies, des morales, des métaphysiques, et quoi sais-je! Hé! que ne me donnez-vous, au lieu de vos analyses, la scène elle-même,—et toutes les scènes?

      Si Wagner ne fut que «musicien» c'est ce que nous verrons bien alors! S'il ne fut, au surplus, que son propre librettiste, un versificateur choisissant pour sujets, prétextes à Musique, prétextes à décors, d'à peu près lyriques anecdotes, d'oiseuses fables mythologiques, de spécieuses féeries pour trappes et pour trucs: ou s'il fut un très grand Poète au sens originel du mot, un intuitif Créateur d'Œuvres où se pose, profondément, musicalement, artistiquement, je ne dis pas: philosophiquement, le Problème de nos Destinées; un Révélateur de Symboles, un Restituteur de Réalités; un génial Vivificateur, Revivificateur plutôt, des humaines, des universelles, des perpétuelles significations de l'immémorial Légendaire aryen! Si Wagner ne le fut pas, ce Poète, ce Créateur, ou s'il le fut; si, ce Poète n'étant pas compris, le Musicien peut être compris; si, ni l'un ni l'autre n'étant compris, peut être compris le Dramaturge, voilà ce que nous verrons bien, dis-je! voilà ce que nous verrons, rien de moins, par ses prétendus libretti, quand on nous les aura traduits—comme il convient que traduits soient-ils. Et nous verrons encore, j'espère, moins mal qu'au moyen d'analyses, s'il faut considérer le Drame de Richard Wagner, le Drame-Musical-Poétique-Plastique, comme un phénomène isolé, comme une «fantaisie individuelle», et non comme un effort d'un Artiste complet, «dans un intérêt général»! Et nous verrons encore, j'espère, si, au résultat de cet effort, il n'y a pas lieu d'appliquer l'appréciation, de Wagner même, sur la Symphonie de Beethoven: que son Drame «se dresse devant nous comme une colonne, qui indique à l'Art une nouvelle période»; car avec ce Drame de Richard Wagner «a été enfantée, au monde, une œuvre à laquelle l'Art d'aucune époque, ni d'aucun peuple», y compris l'Art de la Hellade, «n'a rien à opposer qui en approche, ou qui y ressemble[30-1]».

      Qu'on n'aille pas dénaturer le sens des affirmations qui précèdent. Loin de moi l'idée d'insinuer qu'une Traduction, fût-elle parfaite, fût-elle adaptable sans une erreur, sans une faiblesse, à la Musique, suppléera jamais pour ce Drame à des représentations exactes: j'ai dit, au contraire, et je redis, qu'à cette condition d'être exactes, seules des représentations sauraient, mieux que n'importe quelle autre épreuve, révéler la nécessité, montrer la possibilité, non seulement d'un Art-Dramatique nouveau, mais, sans autre épithète, d'un plus noble Art nouveau. J'ajoute ici qu'une traduction ne suppléerait même, à mon avis, ni aux représentations françaises, tout antiwagnériennes qu'elles soient, ni aux sélections des concerts publics, plus antiwagnériennes encore; mais peut-être permettrait-elle, précédée de cet Avant-Propos, flanquée d'irrécusables gloses, peut-être permettrait-elle seule: d'aller à ces représentations, d'assister à ces sélections, avec des chances d'en découvrir...—L'inutilité?—Ce serait excessif...—L'insuffisance alors?—Voilà!

      Possible est-il d'ailleurs qu'une découverte telle n'influerait, en aucune manière, sur l'insuffisant train des choses. Il n'en est pas moins vrai qu'il la faut faire d'abord! Il n'en est pas moins vrai que tous ceux, qui l'auront faite, se trouveront dès lors, et dès lors seulement, à même de rapprendre, ou plutôt d'apprendre, et quel Art a voulu Wagner, et à quelles conditions ses Drames sont révélateurs de cet Art, et par quels moyens, tant que ces conditions seront irréalisées en France, tant que les protestations y seront inefficaces, il restera la ressource, aux protestataires, de se créer de cet Art, en attendant mieux, une image fidèle à la vérité. Voyons! si nous en sommes en France,—après tant de bruit, malgré tant de bruit, et, sans doute, à cause de tant de bruit,—au même point d'ignorance qu'en 1860, si nous applaudissons de confiance,—par instinct? par remords? par mode?—comme nous avons sifflé de confiance, sans d'ailleurs soupçonner maintenant mieux qu'autrefois de quelle sublime chose il s'agit, ah! de quelle redoutable chose, la cause n'en serait-elle pas, franchement, que notre initiation a été mal conduite? Si elle a été mal conduite, n'est-ce pas qu'elle est à recommencer? Et si elle est à recommencer, recommençons, au moins, par le commencement. Est-ce donc si pénible, après tout? Pénible! Et quand bien même ce devrait être pénible? L'ignorance, le mensonge, l'erreur le seraient-ils moins? Qu'on le dise tout de suite! Quant à moi, je répondrais que, pénibles ou commodes, l'ignorance, le mensonge, l'erreur, n'auront plus une minute la paix. Car comment! nous serions certains qu'un volume bien fait,—comme il en est un[31-1], ou qu'un article généreux, d'un Mirbeau, d'un Henry Bauer[32-1], peuvent suffire, non certes à réparer le mal, mais à faire naître ici, dans quelques âmes sincères, la bonne volonté de réagir; et loin de le signaler, ce volume, loin de le provoquer, cet article, loin de réagir personnellement, nous nous résignerions à tolérer l'erreur? le mensonge? l'ignorance? Jamais! Nous crierons, jusqu'à ce qu'on entende! Nous crierons, jusqu'à ce qu'on écoute! Et s'il est réellement des hommes auxquels semble commode l'erreur, commode le mensonge, commode l'ignorance, nous saurons les leur rendre, à force de clameurs, moins commodes que la vérité! Et nous nous répéterons, et nous nous développerons, et nous nous résumerons, et nous déménerons, pour de nouveau nous répéter, pour de nouveau nous développer, pour de nouveau nous résumer, nous démener, nous multiplier: jusqu'à ce que les plus entêtés, vaincus ou convaincus, s'amendent; jusqu'à ce qu'ils disent: «Recommençons»; jusqu'à ce qu'en témoignage de leur sincérité, sans protestation, sans révolte, ils subissent, conclusion pour les pages qui précédent, argument pour les pages qui suivent, l'énumération, une fois de plus, de ce que j'appellerais volontiers les motifs, les typiques motifs,—les irréfragables Leit-Motive de ce modeste Avant-Propos:

      Puisque Richard Wagner voulut un Art nouveau, non seulement un Art dramatique nouveau, mais, sans autre épithète, un plus noble Art nouveau; puisque des représentations-types peuvent seules nous révéler cet Art; puisque nous n'avons pas ces représentations-types; puisque nous ne saurions les avoir aussi longtemps que seront mal connus, mal interprétés, mal suivis, les principes de Wagner sur le Drame et sur l'Art; puisqu'il faut donc connaître ces principes d'abord; puisque notre ignorance des principes de Wagner demeure, après la Lettre à Frédéric Villot, profonde, à notre honte, autant qu'auparavant; puisque Wagner, sollicité d'exposer ses idées sur l'Art, vit surtout, dans une traduction (qu'on lui réclamait en même temps) de ses Quatre Poèmes d'«opéras», le moyen de compléter cet exposé d'idées, de faciliter à des Français l'intelligence de ses principes, sur le Drame-Musical-Poétique-et-Plastique, en rendant possible, à ces mêmes Français, la lecture, l'étude, la méditation de quatre exemples de ce Drame, applications concrètes de ses principes abstraits; puisque d'ailleurs, considérant une traduction de ces quatre ouvrages comme une quadruple métaphore explicative et suggestive, explicative de ses principes, suggestive de ses théories, Wagner était réduit, en 1860, à ne recommander de cette métaphore qu'un terme sur quatre, un seul terme, Tristan, pour intégralement significatif de son esthétique intégrale; puisqu'au surplus Tristan, conforme à ces principes, n'en avait pas moins été composé dans la plus entière liberté, la plus complète indépendance de toute préoccupation théorique; puisqu'on saisit dès lors sans peine quels motifs purent pousser l'artiste à désirer, à proposer: une Traduction française de l'Anneau du Nibelung, quels motifs (si alors elle eût été possible) la lui auraient sans doute fait juger préférable à celle, en 1860, de Quatre Poèmes d'«opéras»; puisque ces motifs se résument en un (en fait de quadruple métaphore explicative et suggestive, explicative de ses principes, suggestive de ses théories, le quadruple Poème du Ring, cause directe et directe application consciente de ces mêmes théories et de ces mêmes principes, à leur summum d'intransigeance, eût été mieux persuasif, significatif, péremptoire, ou, pour parler sur piédestal, mieux adéquat aux fins voulues); puisque, trente-quatre ans écoulés, ces motifs subsistent d'une part, tandis que

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