La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung. Рихард Вагнер
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(GÖTTERDAMMERUNG)
LA SALLE DU MANOIR DES GIBICHUNGEN, PRÈS DU RHIN
SAUVAGE VALLÉE DE FORÊTS ET DE ROCS,
LA SALLE DU MANOIR DES GIBICHUNGEN
DE LA
Version première (1848) de L'ANNEAU DU NIBELUNG (1852)
I
Si insuffisantes que soient la plupart des biographies françaises de Wagner (si niaises même, oserait-on dire, car les allemandes ne valent guère mieux), je n'ai pas à faire ici de notice biographique. Il me suffira de préciser, parmi les circonstances de sa carrière d'artiste, celles qui me sembleraient, plus directement, intéresser le présent labeur de Traduction et d'Édition.
Peu de lecteurs ignorent, je le présume, les mésaventures parisiennes du Tannhäuser de Richard Wagner.—C'était en 1860: on répétait, à l'Opéra, cet ouvrage du compositeur, qui devait être joué l'année suivante, en Mars. Or, quelques mois avant cette représentation, dans les premiers jours de Décembre, l'artiste crut utile de publier, sous forme de Lettre (à M. Frédéric Villot), un résumé total de ses idées sur l'Art, et spécialement sur la Musique; cette Lettre était suivie d'une traduction, en prose, de Quatre Poèmes[5-1] d'«opéras», parmi lesquels Tannhäuser.—En prose? passe pour trois de ces poèmes: mais l'autre, mais Tannhäuser, ne venait-il pas d'être rimé, adapté à la scène française? Cette version rimée, cette adaptation, pourquoi Richard Wagner ne la donnait-il point comme la «traduction» de son ouvrage? On s'était heurté, pour le mettre en vers, à tant et tant de difficultés! Si donc il trouvait préférable, au point de vue de la simple lecture, une traduction nouvelle, supplémentaire, en prose, il fallait qu'il eût de bonnes raisons, c'est évident. Voilà qui répond à quiconque nierait,—par exemple: au nom de la préexistence d'une version rimée de la Tétralogie,—la raison d'être de la mienne. Pour cette version rimée, plus loin, l'apprécierai-je[6-1]. Mais n'apparaît-il pas, dès à présent, logique: que, si Richard Wagner jugeait insuffisante, pour son Tannhäuser, jadis, une semblable version perpétrée sous ses yeux, à plus forte raison pourrait-il juger telle, pour sa Tétralogie, maintenant, la version rimée faite après sa mort?
«Mais», objecte un ennemi (car il en est plus d'un), des traductions en prose de L'Anneau du Nibelung, «ce que Wagner crut devoir essayer à l'occasion de Tannhäuser, rien ne prouve qu'il l'eût autorisé pour le quadruple Drame du Ring[6-2]». J'interromps net! voici les paroles de Wagner: «Si la tentative que je fais aujourd'hui de vous présenter mes autres poèmes dans une traduction en prose ne vous déplaît pas, peut-être serais-je disposé à renouveler cet essai pour ma tétralogie[7-1]». On sait assez et trop pour quelles absurdes causes, depuis la chute retentissante de Tannhäuser à Paris, ce projet ne put se réaliser. Il me suffit que Richard Wagner, en la pleine possession de soi-même (15 septembre 1860), l'ait expressément formulé, pour que soit vérifiée, envers et contre tels, mon affirmation du début: «Je déclare que cette Traduction, loin d'être contraire aux idées du génial Poète-Musicien, cette Traduction en simple prose inadaptable à la Musique, est la réalisation même de l'un de ses authentiques projets». Fanatiques ou monopoleurs, taisez-vous donc: ce sera plus sage.
Toutefois resterait-il à savoir si, en 1894, Wagner eût approuvé la traduction, en prose, que lui-même proposait en 1860: c'est-à-dire si les mêmes motifs, qui le poussèrent à la désirer, subsistent, trente-quatre ans plus tard? Hardiment je dis oui, ces motifs subsistent, et—là gît l'unique différence—plus pressants qu'il y a trente-quatre ans! Des preuves? soit: ces motifs, énonçons-les d'abord; le plus sûr est de citer Wagner[7-2]. Des deux extraits que je donne en note, il ressort que, sollicité d'exposer ses idées sur l'Art, désireux d'éviter toute phrase trop didactique, Wagner, en 1860, vit surtout dans une traduction (qu'on lui réclamait en même temps), de ses Quatre Poèmes d'«opéras», le moyen de compléter cet exposé d'idées, de faciliter à des Français l'intelligence de ses principes, sur le Drame-Musical-Poétique-et-Plastique[8-1],—en rendant possible, à ces mêmes Français, la lecture, l'étude, la méditation de quatre exemples de ce Drame, applications concrètes de ses principes abstraits. Or, de ces quatre applications, de ces quatre «opéras» ou Drames, comme on voudra, que dit Wagner lui-même? Ceci: «Les trois premiers, le Vaisseau-Fantôme, Tannhäuser et Lohengrin, étaient, avant la composition de mes écrits théoriques, complètement achevés, vers et musique... Mon «système» proprement dit, si l'on veut à toute force se servir de ce mot[9-1], ne reçoit donc encore, dans ces trois premiers poèmes, qu'une application fort restreinte. Il en est autrement du dernier que vous trouverez ici, Tristan et Iseult[9-2]». Ainsi, considérant cependant une traduction de ces quatre ouvrages comme une quadruple métaphore explicative et suggestive, explicative de ses principes, suggestive de ses théories, Wagner était réduit, en 1860, à ne recommander de cette métaphore qu'un terme sur quatre, un seul terme, Tristan et Iseult, pour intégralement significatif de son esthétique intégrale. Sans doute, d'un tel contraste même, entre l'absolu de ce terme idéal et le relatif des trois autres termes, il réussissait à tirer des indications saisissantes. Mais enfin, il avait beau dire: «Maintenant on peut apprécier cet ouvrage d'après les lois les plus rigoureuses qui découlent de mes affirmations théoriques[10-1]», il n'en était pas moins amené à cette immédiate restriction: «Non pas qu'il ait été modelé sur mon «système»[10-2], car j'avais alors oublié toute théorie... Il n'y a pas de félicité supérieure à cette parfaite spontanéité de l'artiste dans la création, et je l'ai connue, cette spontanéité, en composant mon Tristan. Peut-être