La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung. Рихард Вагнер
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung - Рихард Вагнер страница 3
Ce qu'il a voulu?—Dans tous les cas, ce n'est pas tout ce bruit qu'il a voulu. Tout ce bruit, malgré telles très ineptes insinuations de petits critiques, s'est fait contre sa volonté. Wagner n'était-il pas, d'une façon générale[12-1], opposé à l'exécution morcelée de ses Drames au concert? Et c'est comme musicien, par les concerts, que lui, Artiste, et non «compositeur», Dramaturge, et non «musicien»[13-1], dédaigneux de semblables succès profanateurs de son Œuvre une, s'est progressivement imposé chez nous! Wagner n'était-il pas l'ennemi, n'a-t-il pas été toute sa vie l'ennemi de notre conception du Théâtre et des théâtres-de-musique? En Allemagne aussi bien qu'en France et n'importe où, n'a-t-il pas toute sa vie lutté contre les conventions modernes, lutté contre les directeurs, lutté contre les interprètes, contre les publics et le Public? C'est qu'il désirait, avant tout, c'est qu'il exigeait, avant tout, la vérité, encore, toujours, la vérité dans l'expression; et que si dès sa jeunesse, non maître alors de soi, il la sentait, cette vérité, la désirait, cette vérité, et l'exigeait, cette vérité, quand il faisait jouer les opéras de Mozart, de Glück, et même de Bellini,—à plus forte raison plus tard, en pleine possession de son être artistique, de ses idées et de ses moyens, en l'absolue conscience d'avoir réalisé son idéal complet du Drame, il se devait de réclamer, pour ce Drame idéal, sinon des représentations-types par toute la terre, tout au moins des représentations significatives de son but!
Ces représentations significatives, les avons-nous? Qui l'osera dire? Qui, s'il a connaissance du but? Qui, s'il a médité sur les idées de Wagner? Et pourquoi ne les avons-nous pas? Et pourquoi les Allemands non plus ne les ont-ils guère, sauf à Bayreuth, Mecque si peu germanique, en somme, d'une religion d'Art presque universelle? Wagner avait-il donc raison quand il disait: «L'Œuvre d'Art de l'Avenir ne pourra pleinement vivre que lorsque le drame ordinaire et l'opéra seront impossibles»? Passe pour l'Allemagne,—mais ici!... et je n'ai à m'occuper que d'ici.
Eh bien! troublée sans doute,—ici,—troublée du vague remords collectif et latent de ses injustifiables outrages et de ses antérieures injustices, la conscience publique d'une élite n'a point trouvé de repos durable avant de les avoir réparées. Nul n'a songé à se demander si la seule réparation due au génie d'un Richard Wagner ne serait pas de chercher à le comprendre. Réparer! l'instinct ne raisonne pas: réparer les huées par les acclamations! Applaudir de confiance, comme on sifflait de confiance, sans d'ailleurs soupçonner maintenant, mieux qu'autrefois, de quelle sublime chose il s'agit, ah! de quelle redoutable chose!—Jour de Dieu! il est temps, grand temps qu'une voix proteste, et qu'un geste impose du silence, avant qu'il soit ici trop tard et pour longtemps, comme il semble que pour longtemps, là-bas à l'Est, il soit trop tard!
La question, Société que vous êtes, Cohue que vous êtes, Elite aussi, et vous, Critiques, sous vos vénérables jumelles, la question n'est nullement de savoir (car la réplique n'est pas douteuse) si les Drames de Richard Wagner doivent être joués, mais comment:—comment! Et pour savoir comment, il faut étudier ses idées; et, pour comprendre ses idées,—car alors, mais alors seulement, nous pourrons comprendre ses Drames, patrimoine de l'humanité, et faire profiter d'eux l'Art national français,—pour comprendre, dis-je, ses idées, il faut d'abord, rentrant en soi, réfléchir sur l'Art, sur ce qu'est notre Art, y réfléchir avec sérieux! et répondre en âme et conscience à cette interrogation grave: Voulons-nous, ou ne voulons-nous pas, un Art nouveau?[15-1]
C'est-à-dire, d'une façon très générale et vague, mais qui se précisera par la suite: Voulons-nous, comme les grandes époques, l'Art, synthèse des arts et fusion des égoïsmes artistiques?[15-2] Ou, comme les médiocres époques, les tristes époques d'analyse, voulons-nous les arts, fussent-ils les «beaux»-arts? Voulons-nous des Artistes et non des artisans? Voulons-nous des Poètes, au sens parfait du mot, des Créateurs,—et non des singes! Voulons-nous voir que ces Poètes n'ont pas à «se placer à notre point de vue», n'ont pas à descendre vers nous, mais à nous faire monter vers eux? qu'ils ne sont point là pour nous révéler, pour révéler à notre cœur, des banalités révélées d'elles-mêmes, héréditairement, à nos sens, ou quotidiennement, à nos sens, y compris notre «gros bon sens», qui n'est, presque toujours, qu'un maigre mauvais sens! mais qu'ils sont là, tout au contraire, pour nous révéler ce que jamais, ni de nos sourdes oreilles mortelles, ni de nos aveugles yeux mortels, nous n'avons entendu ni vu, nous n'entendrions ni ne verrions tout seuls! Voulons-nous voir cela, ou ne voulons-nous pas? Voulons-nous, ou ne voulons-nous pas, Cité fondée sur l'artifice, cesser d'accuser d'artifice les Poètes, les Poètes qui seuls, refuges de toute sincérité, se sont exilés dans leur âme et dégagés vers la Nature, exilés d'une Cité de mensonge et d'apparences, et dégagés d'une Société dont l'Art ne saurait sans déchoir interpréter l'ignominie? Voulons-nous cesser, ou ne voulons-nous pas? Voulons-nous, ou ne voulons-nous pas, grâce à l'Art qui n'a qu'une patrie, laquelle est l'Ame, grâce à l'Art qui n'a qu'un domaine, lequel est l'Air, grâce à l'Art qui n'a qu'un instant, l'Éternité[16-1], voulons-nous, ou ne voulons-nous pas nous délivrer des contingences, nous délivrer des conventions, nous délivrer des préventions, nous délivrer des préjugés, nous