La Tétralogie de l'Anneau du Nibelung. Рихард Вагнер
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Mais quoi! nous en sommes au même point qu'à l'époque où sollicité d'exposer ses idées sur l'Art, désireux d'éviter toute phrase trop didactique, Wagner, en 1860, vit surtout dans une traduction (qu'on lui réclamait en même temps) de ses Quatre Poèmes d'«opéras», le moyen de compléter cet exposé d'idées; de faciliter à des Français l'intelligence de ses principes,—sur le Drame-Musical-Poétique et Plastique,—en rendant possible, à ces mêmes Français, la lecture, l'étude, la méditation de quatre exemples de ce Drame, applications concrètes de ses principes abstraits. Quand je dis que nous en sommes au même point, c'est de notre ignorance que je parle; car, si cette ignorance des principes de Wagner demeure, après la Lettre à Frédéric Villot, profonde, à notre honte, autant qu'auparavant,—différentes sont les conjonctures.
Tout d'abord est devenue possible une traduction française, en prose, du quadruple poème du Ring: de ce poème qui, en fait de quadruple métaphore explicative et suggestive, explicative de ses principes, suggestive de ses théories, eût été trente-quatre ans plus tôt ce qu'il est encore aujourd'hui même, c'est-à-dire mieux persuasif, significatif, péremptoire, ou, pour parler sur piédestal, mieux adéquat aux fins voulues.
D'autre part, les ennemis de Wagner ont désarmé, si bien qu'on pourrait presque dire, sans aucun paradoxe, hélas! qu'excepté ses admirateurs, il n'a plus chez nous d'adversaires. Circonstance à la fois très utile et si grave! très utile, car enfin l'on peut parler de Wagner avec des chances d'être écouté; grave, parce que tant d'honnêtes gens, pour s'en être fait une image plus ou moins semblable à celle de Berlioz, croient être en règle avec Wagner. Qui sait dès lors à quelles fureurs, à quelles injures, à quelles lâchetés, à quelle cabale peut-être est exposé celui qui proclamant, tout haut, ce que tel et tel déplorent trop bas, stigmatisera l'ovine bêtise ou l'hypocrite malhonnêteté des admirateurs de Wagner par mode, ou des exploiteurs de cette mode, dénoncés en flagrant délit, les uns de snobisme et d'erreur, les autres, de tripatouillage! Qui sait? mais il le faut! Puisqu'il le faut: Soit! dis-je. Soit! puisque décisive est l'heure. Soit! puisqu'à cette heure décisive, des voix se taisent, non pas plus sincères, mais moins indignes que ma voix. Bénies soient-elles, d'ailleurs, d'avoir parlé jadis, aux temps presque héroïques encore et presque industriels déjà de la propagande wagnérienne, lorsque nos âmes d'enfants naissaient à peine à l'Art; lorsque, sans ces voix opportunes, nous aurions pu, tout aux élans d'un enthousiasme irréfléchi, applaudir d'instinct qui? Richard Wagner, de cela nous eussions été sûrs; quoi? des contrefaçons de ses Drames, et cela nous l'eussions ignoré...
Nous l'eussions ignoré sans doute! Mais enfin, nous ne l'ignorons pas. Songeons donc (c'est le meilleur moyen d'affirmer notre reconnaissance), songeons à tenter pour autrui l'effort qui fut tenté pour nous par ces voix véridiques et rudes. Comprenons que si, rudes, elles le furent parfois jusqu'à nous sembler fanatiques, c'est qu'elles tonnaient en une époque de polémiques exaspérées, de désespérées tentatives suprêmes pour ou contre l'Art de Richard Wagner. Ne leur imputons pas à trop grave péché leur demi-silence après une victoire que, moins noblement désintéressés, pontifes prompts à vivre du culte autant qu'à propager la foi, bien des autres eussent exploitée. Et, faisant un juste retour vers ces profondeurs d'ignorance, d'où notre enthousiasme aurait pu s'élever, pour s'évanouir à la fin, comme l'éclat du feu passager d'un engouement,—si nous n'avions pas sur les cimes entendu des appels d'apôtres, si nous n'avions vu sur leurs têtes les apostoliques langues de flamme, sur leurs lèvres l'ardent charbon où allumer, spirituelle, et perpétuelle, notre foi,—faisant, dis-je, un humble retour vers ces profondeurs d'ignorance aux virtualités éteintes, réservant nos indignations pour quiconque, la vérité lue, persévérerait en son erreur par quelque imbécile amour-propre, rétractons avec repentir de trop hâtives paroles violentes: «Ovine bêtise»?—Non pas. «Hypocrisie»?—Non plus. «Malhonnêteté»?—Pas davantage. Ignorance, ignorance réelle! celle même qui, sans d'opportunes voix, fût demeurée la nôtre, oublieux que nous sommes! Et pourtant nous étions des épris d'Art, nous autres,—des Artistes même, quelques-uns!—c'est-à-dire des hommes qui, par vocation, des hommes qui, tous, considéraient que leur premier devoir, sinon l'unique, consiste à se préoccuper d'Art, et de l'essence de l'Art, et du but de l'Art, et de ses destinées éternelles: tandis que l'ignorance du Public reste, en somme, moins attribuable au Public lui-même qu'à l'ignominie d'un milieu natal indifférent aux questions d'Art.
Tolérer semblable ignorance?—Non! nous ne sommes point au monde, j'espère, pour tolérer ce qui nuit au monde? nous y sommes pour chercher, pour trouver et pour croire,—et pour agir, de toutes nos forces, conformément à notre Foi?
Tolérer donc, jamais! Qu'on nous arrache la langue! Tolérer? Soit: quand nous serons morts. Mais aussi, plus j'y réfléchis, plus s'affirme et grandit en moi, pour cette ignorance du Public, à défaut de quelque lâche désir d'y condescendre, une particulière indulgence: quels éléments d'étude a-t-il eus, après tout, quels éléments d'étude a-t-il pour directement s'initier aux conceptions de Richard Wagner? Les ennemis de Wagner ayant désarmé, nommerons-nous éléments d'étude tels panégyriques sur mesure d'apologistes sur commande, improvisés admirateurs au lendemain de ce désarmement? Nommerons-nous éléments d'étude les «morceaux-choisis» pour concerts, voire les «morceaux-choisis» pour soirée d'Opéra, qu'on ose, avec tranquillité, proposer au Public français comme révélateurs d'Œuvres d'Art prétendant à bon droit chacune, d'un bout à l'autre, eussent-elles trois actes, eussent-elles treize actes[27-1], à la même égale attention? Éléments d'étude révélateurs certes, s'ils n'étaient amputés d'organismes vivants, d'ensembles dramatiques dont la Langue, la Métrique,—la Poésie, la Symphonie,—la Plastique, et la mise en scène,—réagissent les unes sur les autres, indivisiblement unies, le mot complété par la note, la note complétée par le geste, et tout, depuis l'idée générale jusqu'au plus minime détail matériel, se correspondant, se tenant à tel point, que les défauts,—sans lesquels il n'est point de vrai chef-d'œuvre,—les défauts même, on l'a pu dire font intégrante partie du Drame, s'imposent à notre admiration, par leur caractère de nécessité! Pour ma part, je déclare que des «morceaux-choisis», quand bien même ils consisteraient en un quart de Drame comme La Valkyrie (un quart dénaturé lui-même par d'inintelligentes coupures, et par quel système de représentation!), de semblables «morceaux-choisis» ne sont pas des éléments d'étude: ou plutôt ne peuvent être éléments d'étude qu'à certaines conditions précises, ici débattues par la suite.
Restent: les partitions orchestrales, lisibles pour combien d'élus? les partitions pour piano, mementos utiles pour qui sait déjà, dangereux pour qui sait mal encore[28-1]; les traductions en vers français, libretti traîtres aux Poèmes[28-2]; enfin les traductions en prose, et quelques douzaines d'analyses—plus ou moins littéraires, par des musicographes, plus ou moins musicales, par des littérateurs. Des analyses! chacun les fait à son point de vue,—souvent sans avoir lu ni partition, ni texte, sans avoir entendu, sans avoir vu les Drames; souvent d'après tel devancier qui, documenté d'«ouï-dire», n'avait guère davantage entendu, vu ni lu, et duquel il répète, soit