Les voyageurs du XIXe siècle. Jules Verne

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Les voyageurs du XIXe siècle - Jules Verne

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compta pas moins de trente-deux villages.

      Quant à Peschawer, on y constatait la présence de cent mille habitants, logés dans des maisons en briques à trois étages. Beaucoup de mosquées, mais dont la construction n'a rien de remarquable, un beau caravansérail et le ballahissaur, château fortifié dans lequel le roi reçut l'ambassade, tels sont les monuments les plus importants de Peschawer. Le concours d'habitants de races diverses, aux costumes différents, présente un tableau toujours changeant, véritable kaléidoscope humain, qui semble fait pour l'ébattement de l'étranger. Persans, Afghans, Kybériens, Hazaurehs, Douranées, etc., chevaux, dromadaires et chameaux de la Bactriane, bipèdes et quadrupèdes, le naturaliste a de quoi observer et décrire.

      Mais ce qui fait le charme de cette ville comme de l'Inde entière, ce sont ses jardins, l'abondance et le parfum de ses fleurs et surtout de ses roses.

      Cependant, si la situation du roi n'était pas rassurante, son frère, qu'il avait détrôné à la suite d'une émotion populaire, avait repris les armes et venait de s'emparer de Caboul. Un plus long séjour de l'ambassade était impossible. Elle dut donc reprendre le chemin de l'Inde, passa par Attock et la vallée d'Hussoun-Abdoul, célèbre par sa beauté. C'est là qu'Elphinstone devait s'arrêter jusqu'à ce que le sort des armes eût décidé du trône de Caboul, mais il avait reçu ses lettres de rappel. D'ailleurs, la chance avait été contraire à Sjuhau, qui, après avoir été complètement battu, avait dû chercher son salut dans la fuite.

      La mission continua donc sa route et traversa le pays des Sikhs, montagnards grossiers, demi-nus et à moitié barbares.

      «Les Sikhs,—qui allaient quelques années plus tard terriblement faire parler d'eux,—sont des hommes grands, dit Elphinstone, maigres et cependant très forts. Ils ne portent guère d'autres vêtements que des culottes qui descendent seulement jusqu'à la moitié des cuisses. Souvent ils portent de grands manteaux de peau, attachés négligemment sur l'épaule. Leurs turbans ne sont pas larges, mais très hauts et aplatis par devant. Jamais les ciseaux ne touchent leur barbe ni leurs cheveux. Leurs armes sont l'arc ou le mousquet. Les gens distingués portent des arcs très élégants, et ne font point de visite sans être armés de la sorte. Presque tout le Pendjab appartient à Rendjet-Sing, qui, en 1805, n'était qu'un des nombreux chefs du pays. A l'époque de notre voyage, il venait d'acquérir la souveraineté de toute la contrée occupée par les Sikhs, et il avait pris le titre de roi.»

      Aucun incident digne d'attention ne vint marquer le retour de l'ambassade à Delhi. Elle rapportait, outre le récit des événements qui s'étaient passés sous ses yeux, les documents les plus précieux sur la géographie de l'Afghanistan et du Caboulistan, sur le climat, les productions animales, végétales et minérales de cette immense étendue de pays.

      L'origine, l'histoire, le gouvernement, la législation, la condition des femmes, la religion, la langue, le commerce, forment le sujet d'autant de chapitres très intéressants de la relation d'Elphinstone, que les journalistes les mieux informés ont bel et bien pillée, lorsque a été décidée la récente expédition anglaise en Afghanistan.

      Enfin, l'ouvrage se termine par une étude très détaillée sur les tribus qui forment la population de l'Afghanistan et par un ensemble de documents inestimables, pour l'époque, sur les contrées voisines.

      En résumé, la relation d'Elphinstone est curieuse, intéressante, précieuse à plus d'un titre, et peut être encore aujourd'hui consultée avec fruit.

      Le zèle de la Compagnie était infatigable. Une mission n'était pas plus tôt de retour qu'une autre partait dans une autre direction, avec des instructions différentes. Il s'agissait de tâter le terrain autour de soi, d'être sans cesse au courant de cette politique asiatique toujours si changeante, d'empêcher une coalition de ces tribus de nationalités diverses contre les usurpateurs du sol. En 1812, une autre pensée,—celle-là plus pacifique,—détermina le voyage de Moorcroft et du capitaine Hearsay au lac Mansarovar, situé dans la province de l'Oundès, qui fait partie du Petit Thibet.

      Il était question, cette fois, de ramener un troupeau de chèvres du Cachemire à longues soies, dont la toison sert à la fabrication de ces châles fameux dans l'univers entier.

      Par surcroît on se proposait de réduire à néant cette assertion des Hindous que le Gange prend sa source au delà de l'Himalaya, dans le lac Mansarovar.

      

      Costumes persans.

       (Fac-simile. Gravure ancienne.)

      Mission difficile et périlleuse! Il fallait d'abord pénétrer dans le Népaul, dont le gouvernement rendait l'accès fort difficile, entrer ensuite dans un pays dont sont exclus les habitants du Népaul et à plus forte raison les Anglais. Ce pays, c'était l'Oundès.

      Les explorateurs se déguisèrent donc en pèlerins hindous. Ils avaient une suite de vingt-cinq personnes, et, chose singulière, un de ces serviteurs s'était engagé à marcher continuellement en faisant des enjambées de quatre pieds. Moyen très approximatif de mesurer le chemin parcouru, il faut en convenir.

      MM. Moorcroft et Hearsay passèrent par Bereily et suivirent la route de Webb jusqu'à Djosimath, qu'ils quittèrent le 26 mai 1812. Il leur fallut bientôt franchir le dernier chaînon de l'Himalaya, au prix de difficultés sans cesse renaissantes, rareté des villages, et par cela même des vivres et des porteurs, mauvais état de chemins, situés à une très grande hauteur au-dessus du niveau de la mer.

      

      Deux soldats me tenaient par le bout d'une corde. (Page 59.)

      Ils n'en virent pas moins Daba, où se trouve une lamanerie très importante, Gortope, Maïsar, et, à un quart de mille de Tirtapouri, de curieuses sources d'eau chaude.

      «L'eau, dit la relation originale reproduite dans les Annales des Voyages, sort par deux embouchures de six pouces de diamètre d'un plateau calcaire de trois milles d'étendue et élevé presque partout de dix à douze pieds au-dessus de la plaine qui l'environne. Il a été formé par les dépôts terreux laissés par l'eau en se refroidissant. L'eau s'élève à quatre pouces au-dessus du niveau du plateau. Elle est très claire, et si chaude, que l'on n'y peut pas tenir la main plus de quelques secondes. Tout à l'entour, on voit un gros nuage de fumée. L'eau, coulant sur une surface presque horizontale, creuse des bassins de formes différentes, qui, à force de recevoir des dépôts terreux, se resserrent; les fonds se haussent, et l'eau creuse un nouveau réservoir, qui se remplit à son tour. Elle coule ainsi des uns dans les autres jusqu'à ce qu'elle arrive dans la plaine. Le dépôt terreux qu'elle laisse est d'abord, proche d'une des ouvertures, aussi blanc que le stuc le plus pur; un peu plus loin, jaune paille, et plus loin encore, jaune safran. A l'autre source, il est d'abord couleur de rose, puis devient d'un rouge foncé. Ces différentes teintes se retrouvent dans le plateau calcaire, qui doit être l'œuvre des siècles.»

      Tintapouri, résidence d'un lama, est, depuis une très haute antiquité, le rendez-vous le plus fréquenté des fidèles, comme le prouve un mur de plus de quatre cents pieds de long sur quatre de large, formé de pierres sur lesquelles sont inscrites des prières.

      Les voyageurs partirent de ce lieu le 1er août, afin de gagner

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