Les voyageurs du XIXe siècle. Jules Verne
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«On compte un grand nombre de sources chaudes, dit la relation, qui ont, chacune, leur dénomination et leur vertu particulière, et dont, sans doute, les brahmines savent tirer bon parti. C'est ainsi que le pauvre pèlerin, en pratiquant successivement les ablutions requises, voit diminuer sa bourse ainsi que la somme de ses péchés, et les nombreux péages qu'on lui demande sur ce chemin du paradis peuvent lui donner lieu de penser que la voie étroite n'est pas la moins coûteuse.»
Ce temple possède sept cents villages, concédés par le gouvernement, donnés en garantie de prêts ou achetés par de simples particuliers qui en ont fait offrande.
La mission était à Djosimah le 1er juin. Là, le brahmine qui lui servait de guide reçut, du gouvernement du Népaul, l'ordre de reconduire au plus vite les voyageurs sur les terres de la Compagnie. Celui-ci comprenait, un peu tard, il faut en convenir, que la reconnaissance accomplie par les Anglais avait un but politique tout autant que géographique. Un mois plus tard, Webb et ses compagnons rentraient à Delhi, après avoir établi définitivement le haut cours du Gange et reconnu les sources du Baghirati et de l'Alcananda, c'est-à-dire après avoir complètement atteint le but que la Compagnie s'était proposé.
En 1808, le gouvernement anglais résolut d'envoyer une nouvelle mission dans le Pendjab, alors placé sous la domination de Rendjeit-Singh. La relation anonyme qui en a été publiée dans les Annales des Voyages renferme certaines particularités intéressantes. Aussi lui ferons-nous quelques emprunts.
Le 6 avril 1808, l'officier anglais, chargé de la mission, arriva à Herdouar, ville qu'il représente comme le rendez-vous d'un million d'individus au moment de sa foire annuelle. A Boria, située entre la Jumna et le Seteedje, le voyageur fut en butte à la curiosité indiscrète des femmes, qui lui demandèrent la permission de venir le voir.
«Leurs regards et leurs gestes, dit la relation, exprimaient leur étonnement. Elles s'approchèrent de moi en riant de tout leur cœur; le teint de mon visage excitait leur gaieté. Elles m'adressèrent une foule de questions, me demandèrent si je ne portais pas de chapeau, si j'exposais ma figure au soleil, si je restais toujours renfermé ou si je ne sortais que sous un abri et si je couchais sur la table placée dans ma tente; mon lit se trouvait cependant tout à côté, mais les rideaux en étaient fermés. Ensuite, elles l'examinèrent dans le plus grand détail, puis la doublure de ma tente et tout ce qui en dépendait. Elles avaient toutes des figures gracieuses; leurs traits offraient de la douceur et de la régularité; leur teint était olivâtre et formait un contraste agréable avec leurs dents blanches et bien rangées, particularité qui distingue tous les habitants du Pendjab.»
Moustafabad, Moulana et Umballa furent successivement visitées par l'officier anglais. Le pays qu'il traversait est habité par les Sikhs, dont la bienfaisance, l'hospitalité et l'amour de la vérité forment le fond du caractère. C'est, dit l'auteur, la meilleure race d'hommes de l'Inde. Patiata, Makeouara, Fegouara, Oudamitta, où lord Lake était entré en 1805 à la poursuite d'un chef mahratte, et enfin Umritsar, furent des étapes facilement franchies.
Umritsar est mieux bâtie que les principales villes de l'Hindoustan. C'est le plus grand entrepôt du commerce des châles et du safran, ainsi que d'autres marchandises du Dekkan.
«Le 14, ayant mis des souliers blancs à mes pieds, dit le voyageur, j'ai visité avec les cérémonies requises l'Amretsir ou le bassin du breuvage de l'immortalité, d'où la ville a pris son nom. C'est un bassin d'environ cent trente-cinq pas carrés, construit en briques cuites, au milieu duquel s'élève un joli temple dédié à Gourougovind-Singh. On y arrive par une chaussée; il est élégamment décoré en dedans et en dehors, et le rajah y ajoute souvent de nouveaux ornements à ses frais. C'est dans ce lieu sacré qu'est placé, sous un dais de soie, le livre des lois écrit par Gourou en caractères gourou-moukhtis. Le temple s'appelle Hermendel, ou la demeure de Dieu. Près de six cents «akalis» ou prêtres sont attachés à son service; ils se sont bâtis des maisons commodes avec le produit des contributions volontaires des dévots qui viennent visiter le temple. Quoique les prêtres soient l'objet d'un respect infini, ils ne sont cependant pas absolument exempts de vices. Dès qu'ils ont de l'argent, ils le dépensent avec la même facilité qu'ils l'ont gagné. Le concours de jolies femmes qui vont tous les matins au temple est réellement prodigieux; celles qui composent ces groupes de beautés l'emportent infiniment par l'élégance de leurs personnes, les belles proportions de leurs formes et les traits de leurs visages, sur les femmes des classes inférieures de l'Hindoustan.»
Après Umritsar, Lahore eut la visite de l'officier. Il est assez curieux de savoir ce qu'il restait de cette grande ville au commencement de notre siècle. «Les murs, très hauts, dit-il, sont ornés en dehors avec tout le luxe du goût oriental, mais ils tombent en ruines, de même que les mosquées et les maisons de la ville. Le temps appesantit sur cette ville sa main destructive, comme à Delhi et à Agra. Déjà les ruines de Lahore sont aussi étendues que celles de cette ancienne capitale.»
Le voyageur fut reçu trois jours après son arrivée par Rendjeit-Singh, qui l'accueillit avec politesse et s'entretint avec lui principalement d'art militaire. Le rajah avait alors vingt-sept ans. Sa physionomie aurait été agréable, si la petite vérole ne l'eût privé d'un œil; ses manières étaient simples, affables, et l'on sentait en lui le souverain. Après avoir visité le tombeau de Schah Djahan, le Schalamar et les autres monuments de Lahore, l'officier regagna Delhi et les possessions de la Compagnie. On lui dut de connaître un peu mieux une contrée intéressante, qui ne devait pas tarder à tenter l'insatiable avidité du gouvernement anglais.
L'année suivante (1809), la Compagnie avait envoyé vers les émirs du Sindhy une ambassade composée de MM. Nicolas Hankey Smith, Henny Ellis, Robert Taylor, et Henry Pottinger. L'escorte était commandée par le capitaine Charles Christie.
Un bâtiment transporta la mission à Kératchi. Le gouverneur de ce fort ne voulut pas permettre le débarquement de l'ambassade avant d'avoir reçu ses instructions des émirs. Il s'ensuivit un échange de correspondances, à la suite desquelles l'envoyé, Smith, releva quelques impropriétés relatives au titre et au rang respectif du gouverneur général et des émirs. Le gouverneur s'en excusa sur son ignorance de la langue persane et dit que, ne voulant laisser subsister aucune trace de malentendu, il était prêt à faire tuer ou aveugler, au choix de l'envoyé, la personne qui avait écrit la lettre. Cette déclaration parut suffisante aux Anglais, qui s'opposèrent à l'exécution du coupable.
Dans leurs lettres, les émirs affectaient un ton de supériorité méprisant; en même temps, ils faisaient approcher un corps de huit mille hommes et mettaient toutes les entraves imaginables aux tentatives des Anglais pour se procurer les moindres renseignements. Après de longues négociations où l'orgueil britannique fut plus d'une fois humilié, l'ambassade reçut l'autorisation de partir pour Hayderabad.
Au delà de Kératchi, le principal port d'exportation du Sindhy, s'étend une vaste plaine sans arbres ni végétaux, tout le long de la mer. Il faut la traverser pendant cinq jours pour arriver à Tatah, ancienne capitale du Sindhy, alors déserte et ruinée. Des canaux la mettaient autrefois en communication avec le Sindh, fleuve immense, véritable bras de mer à son embouchure, sur lequel Pottinger réunit les détails les plus précis, les plus complets et les plus utiles qu'on eût encore.
Il avait été convenu d'avance que l'ambassade, sur une excuse plausible, se partagerait et gagnerait Hayderabad par deux routes différentes, afin de se procurer le plus de notions géographiques sur le pays. Elle ne