Les voyageurs du XIXe siècle. Jules Verne

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Les voyageurs du XIXe siècle - Jules Verne

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l'acheter des principaux eunuques au prix d'une quinzaine de piastres. On distingue dans l'intérieur une tenture qui entoure le tombeau et qui n'en est éloignée que de quelques pas...»

      Selon l'historien de Médine, cette tenture couvre un édifice carré de pierres noires soutenu par deux colonnes et dans l'intérieur duquel sont les sépultures de Mahomet et de ses deux plus anciens disciples, Abou-Bekr et Omar. Il dit aussi que ces sépulcres sont des trous profonds et que le cercueil, qui renferme la cendre de Mahomet, est revêtu d'argent et surmonté d'une dalle de marbre avec cette inscription: «Au nom de Dieu, accorde-lui ta miséricorde.»

      Les contes, jadis répandus en Europe sur le tombeau du Prophète, qui était, disait-on, suspendu en l'air, sont inconnus dans le Hedjaz.

      Le trésor de la Mosquée fut en grande partie pillé par les Wahabites, mais il y a lieu de croire que ceux-ci avaient été précédés à mainte reprise par les gardiens successifs du tombeau.

      On trouve encore dans la relation de Burckhardt bien d'autres détails intéressants sur Médine et ses habitants, sur les environs et les lieux ordinaires de pèlerinage. Nous avons fait des emprunts assez importants au récit de Burckhardt pour que le lecteur, désireux de se pénétrer plus intimement des mœurs et des usages des Arabes, qui n'ont pas changé, ait envie de recourir au texte lui-même.

      Le 21 avril 1815, Burckhardt se joignit à une caravane qui le conduisit au port de Yambo, où régnait la peste. Le voyageur ne tarda pas à tomber malade. Il devint même si faible qu'il lui fut impossible de se réfugier à la campagne. Quant à s'embarquer, il n'y fallait pas penser, tous les bâtiments prêts à mettre à la voile étant encombrés de soldats malades. Il fut donc forcé de rester dix-huit jours dans cette ville insalubre, avant de pouvoir prendre passage sur un petit bâtiment, qui l'emmena à Cosseïr et de là en Égypte.

      A son retour au Caire, Burckhardt apprit la mort de son père. La constitution du voyageur avait été profondément ébranlée par la maladie. Aussi ne put-il qu'en 1816 faire l'ascension du mont Sinaï. Les études d'histoire naturelle, la rédaction de ses journaux de voyage, le soin de sa correspondance l'occupèrent jusqu'à la fin de 1817, époque à laquelle il comptait se joindre à la caravane du Fezzan. Mais, attaqué soudain par une fièvre violente, il succomba au bout de quelques jours en disant: «Écrivez à ma mère que ma dernière pensée a été pour elle.»

      Burckhardt était un voyageur accompli. Instruit, exact jusqu'à la minutie, courageux et patient, doué d'un caractère droit et énergique, il a laissé des écrits infiniment précieux. La relation de son voyage en Arabie, dont il ne put malheureusement pas visiter l'intérieur, est si complète, si précise, que, grâce à lui, on connaissait mieux alors ce pays que certaines contrées de l'Europe.

      «Jamais, écrivait-il dans une lettre adressée du Caire à son père, le 13 mars 1817, jamais je n'ai dit un mot sur ce que j'ai vu et rencontré que ma conscience ne justifie pleinement, car ce n'a pas été pour écrire un roman que je me suis exposé à tant de dangers...»

      Les explorateurs, qui se sont succédés dans les pays visités par Burckhardt, sont unanimes pour certifier l'exactitude de ces paroles et louer sa fidélité, ses connaissances, sa sagacité.

      «Peu de voyageurs, dit la Revue Germanique, ont eu au même degré cette faculté d'observation fine et rapide qui est un don de nature, rare comme toutes les qualités éminentes. Il y a chez lui comme une sorte d'intuition qui lui fait discerner le vrai, même en dehors de son observation personnelle; aussi ses informations orales ont-elles en général une valeur que présente rarement cette nature de renseignements. Son esprit solide, mûri bien avant l'âge par la réflexion et l'étude (Burckhardt, quand la mort l'a frappé, était seulement dans sa trente-troisième année), va droit au but et s'arrête au point juste; sa narration, toujours sobre, renferme, on peut dire, plus de choses que de mots, et cependant ses récits se lisent avec un charme infini; l'homme s'y fait aimer autant que le savant et l'excellent observateur.»

      Tandis que les terres bibliques étaient l'objet des recherches de Seetzen et de Burckhardt, l'Inde, la patrie d'origine de la plupart des langues européennes, allait devenir le centre d'études multiples, embrassant la linguistique, la littérature, la religion, tout aussi bien que la géographie. Nous ne nous occuperons pour le moment que des recherches ayant trait aux nombreux problèmes de géographie physique, dont les conquêtes et les études de la Compagnie des Indes devaient assurer peu à peu la complète solution.

      Nous avons raconté, dans un volume précédent, comment la domination portugaise s'était établie aux Indes. L'union du Portugal avec l'Espagne, en 1599, avait amené la chute des colonies portugaises, qui tombèrent entre les mains de la Hollande et de l'Angleterre. Cette dernière ne tarda pas à accorder le monopole du commerce des Indes à une Compagnie qui devait jouer un rôle historique important.

      A ce moment, le grand empereur mogol Akbar, le septième descendant de Timour-Leng, avait établi un vaste empire dans l'Hindoustan et le Bengale, sur les ruines des États radjpouts. Cet empire, grâce aux qualités personnelles d'Akbar, qui lui avaient valu le surnom de «Bienfaiteur des hommes», était dans tout l'éclat de sa splendeur. Shah-Djahan continua la tradition paternelle, mais Aureng-Zeb, petit-fils d'Akbar, doué d'une ambition insatiable, assassina ses frères, fit prisonnier son père et s'empara du pouvoir. Tandis que l'empire mogol jouissait d'une paix profonde, un aventurier de génie, Sewadji, jetait les fondements de l'empire mahratte. L'intolérance religieuse d'Aureng-Zeb, sa politique astucieuse, amenèrent le soulèvement des Radjpouts, et une lutte qui, en dévorant les ressources les plus claires de l'empire, ébranla sa puissance. Aussi la décadence suivit-elle la mort de ce grand usurpateur.

      Jusqu'alors la Compagnie des Indes n'avait pu accroître la mince bande de territoire qu'elle possédait autour de ses ports, mais elle allait habilement profiter des compétitions des nababs et des rajahs de l'Hindoustan. Ce n'est, toutefois, qu'après la prise de Madras par La Bourdonnais en 1746 et pendant la lutte contre Dupleix, que l'influence et le domaine de la Compagnie anglaise s'étendirent sensiblement.

      Grâce à la politique astucieuse, déloyale et cynique des gouverneurs anglais Clive et Hastings, qui, employant tour à tour la force, la perfidie ou la corruption, ont fondé sur les ruines de leur honneur la grandeur de leur patrie, la Compagnie possédait, à la fin du siècle dernier, un immense territoire, peuplé de soixante millions d'individus. C'étaient le Bengale, le Behar, les provinces de Bénarès, de Madras et des Circars du nord. Seul, le sultan de Mysore, Tippoo-Saëb, lutte avec énergie contre les Anglais, mais il ne peut tenir tête à la coalition que le colonel Wellesley a su réunir contre lui. N'ayant plus un ennemi redoutable, la Compagnie supprime quelques velléités de résistance par des pensions, et, sous prétexte de protection, impose aux derniers rajahs indépendants une garnison anglaise qu'ils doivent entretenir à leurs frais.

      On pourrait croire que la domination anglaise n'avait su que se faire haïr. Il n'en est rien. La Compagnie, respectueuse des droits des individus, n'avait rien changé à la religion, aux lois, aux mœurs.

      Aussi ne faut-il pas s'étonner que les voyageurs, alors même qu'ils s'aventuraient en des régions n'appartenant pas en propre à la Grande-Bretagne, n'aient couru que peu de dangers. En effet, dès qu'elle avait pu faire trêve à ses préoccupations politiques, la Compagnie des Indes avait encouragé les explorateurs de ses vastes domaines. En même temps, elle dirigeait sur les pays limitrophes des voyageurs chargés de la renseigner. Ce sont ces différentes explorations que nous allons rapidement passer en revue.

      Une des plus curieuses et des plus anciennes est celle de Webb aux sources du Gange.

      Les notions que l'on possédait jusqu'alors sur ce fleuve étaient des plus incertaines et des plus contradictoires. Aussi, le gouvernement

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