L'Homme Au Bord De La Mer. Jack Benton
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— Une clé USB ? s’étonna-t-elle en retournant l’objet qu’elle venait de saisir.
— Le dispositif est conçu pour avoir l’apparence d’une clé USB. Au cas où il le trouverait. Il s’agit en réalité d’un mouchard automatisé à distance. Un modèle militaire.
— Mais s’il vérifie ce qu’elle contient ?
— Il ne la regardera même pas ».
S’il s’aventurait à la lire quand même, Ted découvrirait un dossier préchargé de pornographie. S’il avait un minimum de décence, il la jetterait dans la corbeille la plus proche et ne soupçonnerait jamais la présence du minuscule microphone caché derrière le boîtier USB.
« Faites-moi confiance ! imposa Slim, avec l’intention d’afficher un air autoritaire. Je suis un professionnel.
— Je la placerai ce soir », acquiesça Emma en lui adressant un sourire timide. Elle ne semblait pas convaincue.
4
Le vendredi suivant, Slim gagna Cramer Cove quelques heures avant l’arrivée présumée de Ted, après avoir cherché un endroit stratégique pour installer son équipement d’enregistrement. D’habitude, il surveillait Ted depuis une étendue d’herbe non loin du chemin côtier. Mais à cette occasion, il avait grimpé un peu plus haut. Il avait choisi une corniche herbeuse avec vue dégagée sur la plage, mais à l’abri des regards de tout promeneur éventuel qui passerait devant. Là, protégé par un drap imperméable pour éviter la pluie, il installa son équipement d’enregistrement et s’assit pour attendre.
Ted arriva un peu après deux heures. Il avait plu toute la journée. Les conditions météorologiques menaçaient de perturber l’enregistrement de Slim et il se renfrognait. La pluie dessinait des motifs de plus en plus étendus sur sa feuille imperméable. Ted portait sa gabardine. Il se promena au bord de l’eau avant d’aller rejoindre sa position habituelle. Aujourd’hui, la marée recouvrait la moitié de la plage. Ted était seul ; le dernier promeneur de chiens avait déserté les lieux une demi-heure avant son arrivée.
Ted s’accroupit et sortit le livre. Il l’installa sur ses genoux, puis se pencha en avant pour que sa capuche l’abrite de la pluie. Enfin, il commença à lire. Aussitôt, une voix étouffée crépita dans les écouteurs de Slim.
Pendant quelques instants, Slim régla le contrôle de fréquence, convaincu qu’il allait détecter d’autres sons que ceux émis par la voix de Ted. Les mots sortaient dans un véritable charabia, mais les gestes de Ted correspondaient au rythme des montées et des descentes de son intonation. Slim s’assit dans l’herbe pour écouter. Ted poursuivit ainsi son bourdonnement pendant plusieurs minutes. Il s’arrêta un instant, puis recommença. L’attention de Slim partit à la dérive alors qu’il luttait pour essayer de donner un sens aux mots. Au moment où Ted implorait pardon en anglais « Please tell me you forgive me », Slim étudiait depuis quelques minutes les vagues qui déferlaient doucement, en laissant s’égarer ses pensées.
Slim s’assit pendant que Ted remettait le livre dans la poche de son manteau. Ted lança un dernier regard sur la mer, fit demi-tour et retourna tête baissée à sa voiture. Slim commença à ranger ses affaires dans un sac. Ses doigts frissonnaient, son esprit s’emballait. Quelque chose ne tournait pas rond, comme s’il venait de s’immiscer dans un acte privé qui n’aurait jamais dû être partagé. En levant les yeux pour voir la voiture de Ted quitter le parking, il savait qu’il devait la poursuivre. Ce soir, Ted partirait peut-être rejoindre les bras d’une amante jusque-là invisible. Cependant, il resta figé, entraîné dans son propre engrenage. Il se sentait menacé par les révélations qui pourraient surgir des mots de Ted.
5
Cette nuit-là, toujours sans avoir pris de décision sur ce mystérieux enregistrement, Slim rêvait de vagues déferlantes et de bras gris-bleu s’élevant des profondeurs glaciales pour le tirer vers le bas.
Conscient que sa démobilisation s’annonçait imminente, Slim avait récupéré ce qu’il pouvait de l’armée. Au cours des quinze années suivantes, il avait fait bon usage de ses contacts. En particulier les cinq premières années, il avait enchaîné les emplois de camionneur mal payés et sans intérêt avant de se lancer comme détective privé.
Tard, au matin suivant, un bol de céréales à la main — agrémenté d’une larme de whisky — il appela un vieil ami spécialisé dans les langues étrangères et la traduction.
En attendant une réponse, il s’installa sur son lit et posa son vieil ordinateur portable sur ses genoux. Après quelques recherches, l’Internet commença à révéler des réponses.
Cramer Cove avait été répertoriée parmi les meilleurs sites touristiques de la côte du Lancashire, mais pas depuis plus de trente ans. Selon un site web sur la législation locale, la baignade y était interdite depuis l’été 1952. En quelques semaines, ses crevasses béantes avaient causé la mort de trois personnes. Toutes les activités nautiques étaient officiellement interdites. Le glas avait sonné pour Cramer Cove en sa qualité de point névralgique pour l’été. Les habitants et les touristes abandonnèrent cette crique pittoresque pour les sables plus fades, mais plus sûrs de Carnwell et Morecombe. Cependant, quelques âmes robustes l’avaient clairement bravée, puisque quatre autres décès déclarés apparaissaient sur le registre depuis le début des années 1980. Et même si les circonstances qui entouraient chacun des accidents mortels demeuraient mystérieuses, tous étaient officiellement classés comme des morts par noyades.
Voyant la trame de la tragédie s’allonger, Slim hésitait à approfondir sa recherche. Sa seule affectation en activité pendant la première guerre du Golfe en 1991 avait anéanti une grande partie de sa curiosité. Son système avait dû atteindre un certain niveau où il se désactivait de façon permanente, et il se sentait déjà bien au-delà. Mais il cherchait une autre source de rémunération maintenant, et son loyer ne se payait pas tout seul.
Il vérifia les dates par rapport aux âges. Ted Douglas avait cinquante-six ans. En 1984, il célébrait donc ses vingt-trois ans.
Et la voilà !
25 octobre 1984. Joanna Bramwell, vingt et un ans, présumée noyée à Cramer Cove.
Ted se lamentait-il sur un amour perdu ? Aux yeux des détails que Slim avait recueillis auprès d’Emma Douglas, ils s’étaient rencontrés et mariés en 1989. À cette époque, Joanna Bramwell avait déjà perdu la vie depuis cinq ans.
Slim s’estimait heureux de ne pas avoir à enquêter sur une liaison. Cette situation trop ordinaire l’aurait déçu à bien des égards.
L’Internet avait fermé boutique sur un nom et une cause de décès. Par un matin frisquet, Slim décida donc de ramener sa vieille Honda Jazz à la vie pour se rendre à la bibliothèque de Carnwell. Il alla fouiller dans les archives de journaux sur microfiches.
Les trois victimes après Joanna étaient une adolescente, un enfant et une dame âgée. Une page