En dialogue avec le monde. Andrea Franc

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En dialogue avec le monde - Andrea Franc

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seul, pays à opposer au protectionnisme du XIXe siècle sa tradition de libre-échange héritée de l’époque moderne. Du point de vue de la Suisse, la percée temporaire des idées de libre-échange au milieu du XIXe siècle – entraînée par la Grande-Bretagne – signifie que les tendances protectionnistes se rapprochent de la tradition suisse de libre-échange et non l’inverse.

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      Étiquette de la société Tschudi à Schwanden pour le marché ottoman, non datée, vraisemblablement fin du XIXe siècle.

      Tant que la Suisse consiste en une confédération de cantons souverains, la régale des monnaies se trouve entre les mains des cantons. La Suisse romande utilise alors différents pieds de monnaie, la Suisse orientale le florin, soit un vrai imbroglio monétaire pour les commerçants. Si la fondation de l’État fédéral en 1848 apporte enfin le franc suisse uniforme, des banques privées continuent pourtant d’émettre des billets. La Confédération obtient le monopole de leur émission en 1891, mais ne peut l’exercer qu’à partir de 1910, après que la Banque nationale suisse créée en 1905 soit devenue opérationnelle. La création d’une monnaie fédérale avait été tentée pour la première fois sous la République helvétique. Dès 1799, le système monétaire devait être uniformisé avec le franc suisse reprenant le pied de la pièce bernoise. Ce projet échoue à cause de la pénurie de métal précieux. Après la Médiation, les cantons détiennent à nouveau la régale des monnaies. La Diète tente bien de fixer un pied de monnaie uniforme, mais jusqu’à la réforme monétaire de l’État fédéral, des francs d’alliages, d’empreintes et de poids divers circulent – parallèlement à de nombreuses autres monnaies. Jusqu’en 1848, les monnaies cantonales demeurent donc valables en Suisse. Le nombre de banques passe de 74 à 171 entre 1830 et 1850. En 1848, la Confédération s’attribue la régale des monnaies en vertu de la nouvelle Constitution et définit le franc comme monnaie d’argent, divisée en 100 centimes. La valeur nominale, toujours actuelle, des pièces est fixée avec cinq, deux et un franc, ainsi que les pièces de centimes. Depuis, seule la pièce d’un centime a été officiellement retirée de la circulation, fin 2006. Émis depuis un demi-siècle par diverses banques d’émission et jusque-là peu populaires, les billets de banque s’imposent lors de la crise monétaire de 1870 qui suit la guerre. Par rapport aux devises des principaux partenaires commerciaux comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France ou les États-Unis, le franc suisse ne cesse de s’apprécier. À l’aube de la Première Guerre mondiale, 100 francs suisses équivalent ainsi à tout juste 20 dollars – en 2020, ils en valent 105 environ. Le franc traverse sa première crise en 1936, lorsque la BNS le dévalue de 30 pour cent contre la volonté du Vorort. Rétrospectivement, cette décision s’est toutefois avérée juste et aurait même dû être prise plus tôt. La prochaine épreuve survient en janvier 1973, lorsque le Directoire de la BNS décide de quitter le système de Bretton Woods avec taux de change fixes. Depuis l’introduction de l’euro en 2000, le franc est soumis à une pression constante, et cela n’est pas près de changer dans un avenir proche. Si l’appréciation du franc suisse exprime d’un côté la confiance globale dans la stabilité politique de la Suisse, elle constitue de l’autre aussi un défi constant pour l’industrie d’exportation suisse.

      Commerçant en textiles de Glaris, Peter Jenny promeut la fondation de l’Union suisse du commerce et de l’industrie. Sur son initiative, la Commission du commerce glaronnaise écrit au printemps 1869 aux différentes chambres de commerce cantonales. Après la fondation de l’USCI, il est membre de son comité jusqu’en 1877. Fils d’agriculteur, Jenny effectue une formation commerciale à Wattwil et Ancône et des années d’apprentissage à Singapour, dans une société commerciale allemande. Avec sa belle-famille, il dirige l’indiennerie et maison de commerce Blumer & Jenny, basée à Schwanden dans le canton de Glaris et active dans le monde entier. La « Hänggiturm », classée aux monuments historiques, est la tour à sécher où l’on suspend les longs pans de toiles colorées. Aujourd’hui, elle abrite les archives économiques glaronnaises. Peter Jenny ouvre une entreprise à Manille et pratique l’importation des textiles de la société mère à Schwanden ainsi que des montres et des boîtes à musique et l’exportation du tabac, des cigares et du sucre des Philippines. Comme le veut l’usage dans l’État fédéral, Jenny est à la fois entrepreneur, politicien et diplomate. Par la force des choses, il est ainsi consul à Manille. Membre du Conseil de Glaris et de la Commission d’État de 1863 à 1879, conseiller national de 1866 à 1872 et conseiller aux États de 1875 à 1877, Peter Jenny est de ces fabricants qui approuvent une réglementation du travail industriel sur le plan législatif. Glaris est le premier canton suisse à se doter d’une loi sur les usines, et Jenny siège au sein de la commission concernée. En 1877, il siège aussi au sein de la commission d’experts de la loi fédérale sur les fabriques, après que la nouvelle Constitution de 1874 a confié à la Confédération le soin de réglementer le droit du travail. Jenny est par ailleurs administrateur de la Compagnie de l’Union-Suisse (Vereinigte Schweizerbahnen) de 1864 à 1878 et l’initiateur de la ligne de chemin de fer vers l’arrière-pays de Glaris, ouverte en 1879.

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      « Hänggiturm » de l’entreprise Blumer & Jenny à Schwanden. Tour où sont suspendus pour le séchage les tissus imprimés en couleur à destination des marchés d’outre-mer.

      L’industrialisation en Europe ainsi que l’expansion en Asie, Afrique et Amérique latine soulèvent aussi la question du comportement éthique des entreprises modernes. Dans quelle mesure les propriétaires d’usines sont-ils responsables du bien-être de leurs travailleurs ? Quels engagements moraux le commerce avec les non-chrétiens exige-t-il ? Pendant près de deux siècles, la question de la responsabilité d’entreprise consiste dans une question religieuse. La première étape – et sans nul doute la plus importante – est l’abolition, c’est-à-dire l’interdiction du trafic transatlantique d’esclaves par le Parlement britannique en 1807 et de l’esclavage par le Congrès de Vienne en 1815. Au début du XIXe siècle, il existe en Suisse de nombreuses publications, sociétés et actions prônant la libération des esclaves aux États-Unis ou en Afrique. La mission dite extérieure, c’est-à-dire la mission chrétienne trouvant son champ d’action outre-mer, met l’accent sur la promotion de l’agriculture et de l’artisanat. L’objectif consiste dans le remplacement du commerce des esclaves par le commerce de coton, d’huile de palme ou d’autres marchandises. La Mission de Bâle, l’une des plus importantes missions protestantes au monde au XIXe siècle, fonde en 1859 une société commerciale à cette fin. La Missions-Handlungs-Gesellschaft AG se lance dans les plantations de cacaoyers dans l’actuel Ghana et exporte le premier sac de cacao africain à Hambourg en 1892. Le fait que des entrepreneurs bâlois fondent précisément à cette époque une société anonyme témoigne de leur intention caritative. Jusqu’au début du XXe siècle, les sociétés anonymes sont utilisées à des fins culturelles et caritatives en Suisse. Les missions de Bâle, Lausanne et Neuchâtel sont gérées et financées par des entrepreneurs protestants, également engagés dans la mission intérieure, c’est-à-dire l’amélioration de la vie des ouvriers des entreprises industrielles. Typiques de l’entrepreneuriat chrétien, des colonies ouvrières se construisent très tôt dans toute l’Europe et dès les années 1850 en Suisse, autour des sites industriels. Après les années 1850, les premières lois cantonales, puis nationales du droit du travail sont adoptées, remplaçant les normes informelles.

      Les entrepreneurs

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