An der Front und Hinter der Front - Au front et à l'arrière. Группа авторов

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en l’occurrence, ceux du front intérieur. Désormais, ce n’étaient plus les seuls soldats, dans leurs tranchées, qui étaient susceptibles d’emporter la décision ; les ouvrières des usines d’armement, les propagandistes dans les bureaux de presse étaient eux aussi partie prenante de la décision et de l’issue de la guerre.

      Les intervenants du colloque « Au front et à l’arrière » se sont interrogés sur les évolutions de la doctrine, de l’équipement, de l’image de la guerre et des formes du recrutement de plusieurs armées. On a ainsi pu évaluer l’importance de la césure que représente l’année 1914. Ce colloque a permis aussi de mettre l’accent sur l’évolution des forces armées après 1918 et sur l’importance accordée aux expériences de guerre et aux « enseignements » tirés de la guerre. Il est important de ne pas considérer la pensée et la pratique militaires de la Première Guerre mondiale isolément, mais de les replacer dans leur époque, en étudiant aussi l’avant-et l’après-guerre. Porter un regard sur le temps d’après-guerre permet de se pencher sur la question du souvenir, sur celle des commémorations qui furent mises en œuvre par la société, et de prendre de la hauteur sur les interprétations et récits qui furent faits de la Première Guerre mondiale.

      Au titre des « champs de bataille » qui sont souvent des champs d’investigation accessibles seulement à des spécialistes, il faut citer la dynamique de l’adaptation militaire, qu’elle concernât des aspects techniques, organisationnels, tactiques, stratégiques ou de la pensée militaire. Ces processus d’adaptation sont au centre de la contribution de Georges-Henri Soutou. Celui-ci montre que ce conflit, conçu au départ comme une guerre de mouvement rapide et offensive, se figea, à l’ouest, à la fin de l’été 1914. Il souligne la lacune de l’échelon opératif, à l’époque, dans la conduite de la guerre ; ce fut seulement peu à peu que cet échelon fut développé, peutêtre grâce à la concentration d’armées en groupes d’armées à l’automne 1914, du côté français, ou grâce à la formation de commandements à l’échelle du théâtre d’opérations, du côté allemand, comme le « Ober Ost » (Oberbefehlshaber der gesamten Deutschen Streitkräfte im Osten) en novembre 1914. Pour dépasser le blocage militaire du front occidental, les deux adversaires eurent recours à des alternatives stratégiques. Les Alliés surtout, France et Grande-Bretagne, essayèrent d’échapper au blocage par une stratégie périphérique, c’est-à-dire par des actions offensives sur les fronts d’Europe centrale, occupés plus faiblement, comme en Grèce ou à Gallipoli. Cette stratégie s’avéra efficace seulement après que le front bulgare se fut effondré, presque d’un seul coup, en septembre 1918, alors que le front de Salonique anglo-franco-serbe avait été peu actif pendant trois ans. Selon Georges-Henri Soutou, les deux adversaires essayèrent, en 1915/16, de substituer aux stratégies d’anéantissement, qui avaient échoué, des stratégies d’attrition – voir notamment le blocus de l’Allemagne par les Alliés, et le maintien des Allemands sur le théâtre d’opérations sanglant de Verdun après l’échec de la percée. La stratégie d’attrition ne réussit cependant pas à l’Empire allemand à Verdun, tandis que le blocus initié par les Alliés mit beaucoup de temps avant d’avoir de l’effet. En 1917/18 suivit une stratégie de guerre totale, qui s’accompagna d’une mobilisation renouvelée de la société, de l’industrie et de la politique, d’une guerre systématique contre les civils et d’une guerre sous-marine sans limites. Ce fut seulement grâce aux innovations tactiques des années 1916 à 1918 – tactique des troupes d’assaut, nouvelle procédure de tir de l’artillerie, usage des chars comme arme de percée – que la guerre de mouvement revint à partir du début de 1918 sur un front occidental auparavant figé. Selon Georges-Henri Soutou, cette évolution s’avéra décisive pour l’issue de la guerre, à côté des conséquences de la stratégie périphérique des Franco-Anglais.

      De nouveaux champs de bataille émergèrent cependant aussi au sens géographique, car cette guerre devint très vite une guerre mondiale, avec une participation extra-européenne importante (Japon, Empire ottoman, Etats-Unis), y compris sur des théâtres d’opérations extra-européens. Inversement, des soldats du monde entier combattirent sur le théâtre d’opérations européen, depuis les Australiens et les Néo-Zélandais à Gallipoli, jusqu’aux tirailleurs sénégalais au Chemin des Dames, en passant par les Canadiens à Vimy Ridge. Parallèlement à l’apparition de théâtres d’opérations extra-européens à proprement parler, éclatèrent aussi des conflits internes, comme le montre Stig Förster, telles les luttes pour l’indépendance, avant tout dans les colonies britanniques, ou l’extermination de minorités, qui, dans le cas des Arméniens, devint par son ampleur un véritable génocide.

      La mobilisation des forces et des ressources au profit des différentes nations figure assurément au nombre des champs thématiques les plus importants pour comprendre la Première Guerre mondiale. On observe de notables différences dans le recrutement des soldats suivant les Etats, aussi bien avant que pendant la guerre. Des différences dues avant tout aux cultures et aux caractères nationaux, comme le montre la contribution de Ian Beckett, qui analyse l’évolution du recrutement dans l’armée britannique. La petite armée de métier britannique entra dans la guerre avec l’idée qu’elle serait courte. Cependant, plus la guerre durait, plus elle prenait de l’ampleur, et plus l’armée britannique eut besoin de nouvelles forces. Elle les chercha d’abord en attirant les réservistes et en enrôlant des volontaires ; ce fut seulement quand ce réservoir humain se tarit que les Britanniques introduisirent la conscription. Mais ils l’appliquèrent de façon nettement moins stricte que dans les autres pays européens.

      En Autriche-Hongrie, comme dans la majeure partie des armées européennes, la conscription existait déjà avant la guerre. Dans les choix relatifs au volume, à l’équipement et au niveau de formation de l’armée austro-hongroise de 1914, il faut voir la grande influence, à la fois, de la question des nationalités, de la construction de l’Empire sous la forme d’une double monarchie, et de la faiblesse relative des dépenses militaires. Les énormes pertes de la première année de la guerre, notamment dans le corps des officiers de métier, rendirent des restructurations nécessaires, ce qui correspondait aussi aux attentes d’ordre, politiques comme sociales. Ironie de l’histoire, comme l’explique Günther Kronenbitter, la désagrégation de l’armée multinationale austro-hongroise, que l’on craignit à plusieurs reprises de voir se produire, n’arriva pas. Les difficultés croissantes de l’approvisionnement furent bien plus déterminantes dans la défaite des Austro-Hongrois. Elles prirent en effet des proportions catastrophiques à partir de 1917.

      Roger Chickering, pour sa part, s’est penché sur la question de savoir si la Première Guerre mondiale fut une guerre totale, et, si oui, dans quelle mesure, et à partir de quand. Il plaide pour une nouvelle approche, qui ne se contente pas d’établir une distinction entre les guerres totales et les guerres qui ne le seraient pas. Il s’agit de scruter avec plus de finesse les tendances à la guerre totale dans le déroulement des conflits. Roger Chickering applique cette méthode de façon exemplaire à la Première Guerre mondiale et identifie trois phases possibles (l’automne 1914, la longue année 1915, le tournant des années 1917/18). À partir de ces phases, il montre les contradictions inhérentes au concept historique de guerre totale, et permet de comprendre que les différentes nations, à des moments différents, ont mené une guerre totale à des degrés divers. En fin de compte, selon Roger Chickering, la guerre totale devrait être comprise bien moins comme un état de fait que comme un processus, au cours duquel il s’agissait de maîtriser le défi de fardeaux conséquents, matériels et moraux, que la guerre engendrait pour les nations qui y étaient impliquées.

      Les principaux problèmes de conduite de la guerre mis en lumière dans la contribution de Georges-Henri Soutou se retrouvent dans les contributions de Dimitry Queloz et de Gerhard Gross, relatives à l’évolution des conceptions opératives et tactiques au cours de la guerre, respectivement dans l’armée française et dans l’armée allemande. Dimitry Queloz soutient à ce sujet que la doctrine de l’offensive à outrance, intégrée dans plusieurs directives sur le combat seulement à partir

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