An der Front und Hinter der Front - Au front et à l'arrière. Группа авторов

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avaient entraîné la signature du traité de Versailles, perçu comme injuste. Avec la prise de pouvoir du NSDAP s’installa une culture commémorative héroïque et revancharde. Mais, après la défaite encore plus catastrophique de la Seconde Guerre mondiale, la commémoration des morts de la Première Guerre mondiale passa à l’arrière-plan. A l’inverse, des actes de commémoration et de deuil national purent avoir lieu en France sans interruption jusqu’à nos jours. Avec l’assurance d’avoir victorieusement défendu la patrie au prix de toutes les victimes de la guerre, on érigea, sur directive nationale, un « Monument des Morts pour la France » dans chaque commune du pays et, par l’institution d’un jour annuel de célébration nationale de la victoire, le 11 novembre (jour de l’armistice), on permit une manifestation de souvenir et de deuil propre à transcender les divergences politiques. Elle devint un jour de fête fermement ancré dans la conscience nationale de la France jusqu’à nos jours.

      Selon Michael Epkenhans, l’attribution de la défaite, en Allemagne, à la défaillance du front intérieur et aux adversaires de la guerre ne résiste pas à un examen empirique ; la thèse du « coup de poignard » doit être qualifiée de « mensonge du coup de poignard ». La légende du poignard, ou le mensonge du poignard, qui mit la défaite au compte de la gauche politique, mais aussi des juifs (avec, dès 1917, l’arrière-plan des grèves dans les usines et des protestations contre la mauvaise situation de l’approvisionnement), eut dans l’après-guerre un énorme effet et exacerba les oppositions, déjà passablement virulentes, entre la gauche et la droite. L’affirmation suivant laquelle les Allemands seraient restés invaincus sur le terrain fut prise comme argent comptant, au regard de la façon dont les troupes avaient fait retraite en bon ordre depuis la France. Michael Epkenhans montre que cette affirmation ne tient pas, quand on sait l’épuisement complet des troupes allemandes après l’échec de l’offensive du début de 1918. En réalité, du fait de la supériorité en matériel, et surtout en personnel, des troupes alliées, et du fait des ressources potentiellement mobilisables aux Etats-Unis, l’armée allemande était contrainte de se retirer, de demander l’armistice, et de prendre acte de la défaite militaire, qu’elle acceptât cette situation ou pas.

      À travers la contribution de Martin Schmitz, on voit qu’en Autriche, les officiers les plus haut placés surtout, à l’égal du commandement allemand, n’attribuèrent pas la responsabilité de la défaite à leur action au front, mais aux acteurs politiques et au dernier empereur d’Autriche-Hongrie. Des généraux brutaux, en particulier, tel le « Lion d’Isonzo », Svetozar Boroevic, considéraient leurs propres actions militaires comme irréprochables et ne pouvaient supporter, non seulement d’être en fin de compte les perdants, mais d’être spoliés par surcroît de la patrie pour laquelle ils avaient combattu. Avec la désagrégation de l’Etat multinational en effet, beaucoup d’anciens officiers du royaume de Hongrie se retrouvèrent sans patrie, car les nouveaux Etats constitués après la guerre refusèrent pour partie de les considérer comme leurs ressortissants ; or la république autrichienne, de son côté, n’avait pas d’emploi pour eux.

      La Suisse, quant à elle, n’eut pas à se préoccuper de quelconques questions de mémoire de victoire ou de défaite, ni de soldats morts au combat victorieux ou vaincus. Le long service de protection de la neutralité, qui poussa l’armée de milice jusqu’aux limites de ses possibilités d’action, et qui fut caractérisé par de dures luttes politico-médiatiques autour des insuffisances dans le fonctionnement du service, devait aussi marquer ensuite la mémoire et les commémorations. Béatrice Ziegler montre que, immédiatement après la guerre, des monuments commémoratifs furent érigés également pour des soldats morts lors d’accidents ou suite à la grippe pendant le service actif. Ces monuments cristallisèrent la querelle entre la gauche et la droite sur le rôle du déclenchement de la grève générale au niveau national en novembre 1918, et de la façon dont elle fut surmontée. Après 1933, à la faveur de la « défense nationale spirituelle » contre le nazisme et le fascisme, ces disputes s’apaisèrent, et l’armée fut présentée, dans la littérature et les films, comme garante de l’intégrité de la Suisse et de la marche en avant commune. On fut convaincu que l’on pourrait remédier, lors de la prochaine période de service actif, aux problèmes criants que l’on avait connus durant cette guerre – problèmes sociaux des familles, et lacunes caractérisées dans la formation des troupes comme dans le fonctionnement du service. Ces récits à caractère culturel et historique eurent aussi leur part dans le fait qu’après la Seconde Guerre mondiale, la recherche scientifique en histoire se désintéressa de la Première Guerre mondiale et que cette guerre devint, dans les médias comme dans la recherche, une « guerre oubliée ». Pour revenir à la période même de la guerre, Roman Rossfeld nous permet de comprendre, par l’exemple de la production de pièces de munitions, combien la Suisse fut impliquée dans la guerre économique, en arrière des fronts ; il remet par-là à l’ordre du jour tout un pan négligé de l’histoire de la Suisse de la Première Guerre mondiale. La production de pièces de munitions, qui, tirant parti de l’expérience de l’horlogerie et de la branche industrielle des métaux non ferreux, connut une croissance fulgurante, dépendait entièrement de la livraison de matières premières de la part des puissances alliées ; celles-ci achetaient en retour 90 % des exportations suisses de pièces de munitions. La volonté d’assurer des places de travail et des perspectives de profit fit mettre de côté les considérations sur la neutralité et la morale. Fortement sous-dotée en munitions, l’armée suisse pouvait seulement espérer, en cas de menace imminente à l’encontre du pays, recevoir les nécessaires matières premières de la part de celui qui serait alors « l’ennemi de son ennemi », et pouvoir utiliser ses capacités de production pour ses propres besoins. Ces faits sont une des multiples facettes de l’histoire de la Suisse et de l’armée suisse pendant la Première Guerre mondiale, qui jusqu’à présent n’avaient presque pas été prises en compte dans la culture historique suisse.

      Le colloque « Au front et à l’arrière » n’a pas seulement mis en lumière les dynamiques liées aux combats et aux ressources au cours des années de guerre, mais il a aussi intégré dans la réflexion les évolutions antérieures et postérieures à la guerre. Autant l’intensité meurtrière des armes était-elle connue avant 1914, autant les expériences de ces années de guerre ne restèrent pas inutiles pour l’évolution de la manière de faire la guerre, et pour l’élaboration des plans d’une exploitation militaire encore plus intensive du potentiel socio-économique.

      Rudolf Jaun, Michael Olsansky, Adrian Wettstein

      Traduit de l’allemand par Sandrine Picaud-Monnerat

Dynamik und Globalität der Kriegführung

      La guerre devait être très rapide : une guerre de mouvement visant la destruction des forces de l’adversaire ; ce serait l’aboutissement d’un siècle de réflexions sur les guerres napoléoniennes, ce serait le sommet de l’art opératif européen. Mais l’échec des trois offensives initiales (française, russe, allemande) conduisit à la guerre de tranchée, version moderne de la guerre de siège. En fait, la technique militaire de 1914 pouvait nourrir une guerre de tranchée longue, elle ne permettait pas d’équiper une armée opérationnelle capable de réaliser et d’exploiter la « percée ».

      En conséquence, on vit l’essai de trois stratégies alternatives : périphérique (Gallipoli-Salonique), d’attrition (Verdun et le blocus), de guerre totale (Ludendorff). Mais le plus décisif fut l’apparition de deux innovations opératives destinées à rétablir le mouvement : la méthode de pénétration tactique allemande (inaugurée à Riga et à Caporetto à l’automne 1917) et la méthode moto-mécanique (par la combinaison chars-camions-avions) des Alliés. La fusion de ces deux innovations déboucherait sur le Blitzkrieg de 1939 à 1940, tandis que s’affirmait de plus en plus tout au long du conflit un nouveau niveau, le niveau opératif, intermédiaire entre la stratégie et la tactique.

      Le début de la guerre : un remake

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