Le crime de l'Opéra 2. Fortuné du Boisgobey

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Le crime de l'Opéra 2 - Fortuné du Boisgobey

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ses doutes. Mais l’obligeant Bernache vint au secours du capitaine.

      – Ma foi! s’écria ce brave homme, en s’adressant à son ami, à ta place, je dirais tout bonnement à ma femme: Voilà le capitaine Nointel, que j’ai connu autrefois quand j’étais second à bord du Jérémie et que je viens de retrouver à Paris. C’est un bon garçon. J’espère que nous le verrons souvent, et je te le présente. À quoi bon inventer des histoires? La vérité vaut toujours mieux, et tu sauras tout aussi bien à quoi t’en tenir, puisque tu veux absolument essayer ce moyen-là. Moi, je m’en serais rapporté à la déclaration de monsieur.

      – Je ne doute pas de lui, dit vivement Crozon. Mais Nointel me comprendra, j’en suis sûr… j’ai besoin d’amener chez moi un ami qui me soutienne et me conseille… vous n’êtes pas mariés, vous autres… vous n’êtes pas jaloux… vous ne savez pas ce que c’est que de vivre seul avec une femme qu’on adore et qu’on soupçonne. Je passe dix fois par jour de l’amour à la rage. Il y a des moments où je me retiens, pour ne pas tomber aux genoux de Mathilde. Il y en a d’autres où il me prend des envies de lui tordre le cou. Je reste des heures entières à la regarder sans lui parler… elle, elle passe tout son temps à pleurer. Ça va changer… il faut que ça change… mais je sens que je ne suis pas encore assez sûr de moi… ni d’elle… tandis que si j’avais là un homme pour m’encourager par des mots… des mots comme Nointel sait en trouver… je crois que je me guérirais vite. Toi, Bernache, tu m’es dévoué comme un frère, mais tu as passé les trois quarts de ta vie dans la chambre de chauffe d’un navire, et ce n’est pas là qu’on apprend à connaître les femmes… ni à bien parler… tu essaierais de me calmer, et tout ce que tu me dirais ne ferait que m’exaspérer.

      – C’est bien possible, dit Bernache avec un bon rire. Je n’entends pas grand-chose à toutes ces finesses-là… au lieu que le capitaine…

      – Le capitaine est tout à votre service, mon cher Crozon, interrompit Nointel. Et je suis ravi de voir que vous avez pleine confiance en moi. M.  Bernache a raison. Présentez-moi comme un ancien ami. Je suis le vôtre dans toute la force du terme, et je vous le prouverai. Permettez-moi cependant de vous dire que je ne saurais m’imposer à madame Crozon, et qu’avant de revenir chez vous, je voudrais être certain que mes visites lui agréent. Elle est malade, m’avez-vous dit?

      – Oui… cependant, aujourd’hui, elle va mieux. Elle venait de se lever quand je suis sorti.

      – Vous lui demanderez, j’espère, si elle désire me recevoir.

      – Oh! elle ne refusera pas. Depuis que sa sœur est arrêtée, elle n’exprime plus de volonté. C’est à peine si je peux lui arracher une parole.

      – Pauvre femme! que ne donnerais-je pas pour lui apporter quelque jour une bonne nouvelle… et il n’est pas impossible que cela m’arrive… je vous ai dit tantôt que je connaissais le juge d’instruction qui est chargé de l’affaire de mademoiselle Lestérel… c’est un excellent homme, et je sais qu’il s’intéresse à l’accusée… qu’il serait heureux de trouver innocente… je le verrai, et si les choses changeaient de face, j’en serais informé.

      Elles ne changeront pas. Berthe est coupable, murmura le marin. Mieux vaut ne pas parler d’elle à Mathilde.

      – Assurément, tant qu’il n’y aura rien de nouveau. Mais la voiture s’arrête; est-ce que nous sommes arrivés?

      Nointel dit cela le plus naturellement du monde, quoiqu’il sût que le baleinier demeurait rue Caumartin. Darcy le lui avait appris. Mais, comme il était déjà dans le fiacre lorsque Crozon avait donné l’adresse au cocher, il n’était pas censé la connaître, et il ne négligea pas de jouer cette petite comédie, destinée à confirmer le jaloux dans ses bonnes dispositions.

      – Oui, répondit Crozon. Je demeure ici… au quatrième… Vous devez être mieux logé que moi… Bernache, mon garçon, tu vas remporter chez toi toutes ces ferrailles.

      Bernache comprit que son ami désirait se priver de sa compagnie et, comme il était fort discret de son naturel, il s’empressa de prendre congé du capitaine qui lui octroya de bon cœur une forte poignée de main.

      Jolie corvée qu’il m’impose là, ce loup marin, se disait Nointel en montant l’escalier à côté de Crozon. Et il faudra encore que je revienne souvent pour maintenir la bonne harmonie dans son ménage. Je finirai par être obligé de jouer à la brisque avec lui. Ô Gaston! si tu savais ce que mon amitié pour toi va me coûter!

      La porte de l’appartement fut ouverte par une bonne que le capitaine regarda avec un certain intérêt; il savait qu’elle avait été appelée devant le juge, le jour de l’arrestation de mademoiselle Lestérel, et il n’était pas fâché d’étudier un peu la physionomie de cette subalterne qui devait jouer un rôle dans le procès. Mais Crozon ne lui laissa pas le temps de l’examiner. Il l’introduisit dans le salon meublé en velours d’Utrecht où Darcy avait été reçu naguère, et le capitaine se trouva tout à coup en présence de madame Crozon, étendue sur une chaise longue.

      Il pensa que le mari avait prémédité de brusquer ainsi l’entrevue, et il ne se trompait peut-être pas. Mais l’épreuve tourna en sa faveur, et tout se passa fort bien. La malade montra, en le voyant, quelque surprise, parce qu’elle ne s’attendait pas à l’apparition subite d’un étranger; mais son attitude fut si naturelle que la physionomie du jaloux exprima aussitôt la satisfaction la plus vive. Peu s’en fallut qu’il ne sautât au cou de Nointel, et, dans l’excès de sa joie, il oublia tout à la fois la recommandation qu’il venait d’adresser à son ancien camarade, et ses préventions contre Berthe.

      Après l’avoir nommé et présenté à sa femme qui resta assez froide, il ajouta:

      – Ma chère Mathilde, je suis sûr que tu accueilleras bien mon ami Nointel, quand il reviendra nous voir, car il connaît le juge d’instruction Darcy, et il pourra te donner quelquefois des nouvelles de ta sœur.

      Emporté par une sorte d’enthousiasme, le jaloux rassuré avait lancé une phrase qui troubla beaucoup Nointel et madame Crozon.

      Le capitaine avait tout prévu, excepté cette déclaration, et il n’était pas du tout préparé à s’expliquer devant la sœur de mademoiselle Lestérel sur ses relations avec le juge d’instruction. Cependant, il fit assez bonne contenance. Il avait pris, en entrant, l’air gracieux d’un visiteur qu’on va présenter à une femme; il prit l’air grave d’un homme qu’on oblige à aborder un sujet pénible. Mais il ne se déconcerta point.

      Madame Crozon montra beaucoup moins de sang-froid. Depuis l’arrestation de Berthe, c’était la première fois que le terrible marin parlait d’elle avec douceur. Lui qui la maudissait chaque jour, il semblait maintenant s’intéresser à la prisonnière. Il souriait à sa femme, et la pauvre malade, accoutumée à lui voir une mine menaçante, se demandait quelle pouvait être la cause de cette transfiguration subite. Elle ignorait ce qui venait de se passer entre Crozon et Nointel, mais elle savait que le juge était l’oncle de ce M.  Darcy que Berthe lui avait amené et qui s’était offert à la protéger contre les fureurs de son mari. Quelque chose lui disait que l’ami de l’oncle devait être aussi l’ami du neveu, et que ce capitaine dont elle n’avait jamais entendu parler était disposé, comme Gaston, à défendre les faibles. Mais elle sentait si bien le péril de sa situation qu’elle n’osait risquer ni un mot ni un geste. Ses yeux seuls parlaient. Elle regardait attentivement Nointel et Crozon, pour tâcher de surprendre sur leurs figures le secret de leurs véritables intentions.

      Nointel devina les angoisses de la femme soupçonnée qui redoutait de tomber

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