Le Guaranis. Aimard Gustave

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le Guaranis - Aimard Gustave страница 10

Le Guaranis - Aimard Gustave

Скачать книгу

connaître, rendent impossible l'exécution de ce projet; cependant je compte vous voir à la fazenda do rio d'Ouro, où probablement j'arriverai avant vous. Dans tous les cas, veuillez y demeurer jusqu'à ce que je vous aie vu, et alors, peut-être, me sera-t-il permis de reconnaître, ainsi que j'en ai le vif désir, l'éminent service que vous m'avez rendu.

      – Je vous attendrai, puisque vous le désirez, señor, répondis-je, prenant bravement mon parti de ce nouveau contre-temps, non pas pour vous rappeler l'événement auquel vous faites allusion, mais parce que je serais heureux de faire avec vous une connaissance plus intime.»

      Don Zèno me tendit la main, et la conversation devint générale.

      Le lendemain au lever du soleil, je me levai, et, après avoir pris affectueusement congé des hôtes qui m'avaient si bien reçus et que je croyais ne jamais revoir, je quittai le rancho sans avoir pu dire adieu à don Zèno Cabra, qui s'était éloigné bien avant mon réveil.

      Malgré les assurances réitérées de don Torribio et celles de don Zèno, je ne me fiai que médiocrement à mon guide, et je lui ordonnai de marcher devant moi, résolu à lui brûler la cervelle au premier geste suspect de sa part.

      IV

      LA FAZENDA DO RIO D'OURO

      Mon voyage se continuait ainsi dans des conditions assez singulières, livré dans un pays inconnu, loin de tout secours humain, à la merci d'un Indien dont la perfidie m'avait été déjà surabondamment prouvée et duquel je ne devais rien avoir de bon à attendre.

      Cependant, j'étais bien armé, vigoureux, résolu; je partis dans d'assez bonnes dispositions, convaincu que mon guide ne se hasarderait jamais à m'attaquer en face et qu'en le surveillant avec soin je parviendrais toujours à en avoir bon marché.

      Du reste, je me hâte de constater que j'avais tort de supposer de mauvaises intentions au pauvre Indien et que mes précautions furent inutiles; don Torribio et don Zèno Cabral avaient dit vrai. La rude correction infligée à mon Guaranis avait eu la plus salutaire influence sur lui et avait entièrement modifié ses intentions à mon égard; nos relations ne tardèrent donc pas à devenir des plus cordiales, et, fort satisfait du résultat obtenu par les coups de fouet du gaucho, je me réservai in petto, le cas échéant, de ne pas hésiter à employer le même moyen pour rappeler au devoir les Indiens mansos avec lesquels le hasard me mettrait en rapport.

      Mon guide était devenu plus gai, plus aimable, et surtout plus causeur; je profitai de cette modification, fort agréable pour moi, dans son caractère, pour essayer de le sonder et lui adresser plusieurs questions sur le compte de don Zèno Cabral.

      Cette fois encore j'échouai complètement, non pas que l'Indien refusât de me répondre, au contraire, mais par ignorance.

      En résumé, voici tout ce que je parvins à apprendre après des questions sans nombre et tournées de toutes les façons.

      Don Zèno Cabral était fort connu et surtout fort redouté par tous les Indiens qui vivent au désert et le parcourent incessamment dans tous les sens; c'était pour eux un être étrange, mystérieux, incompréhensible, dont le pouvoir était fort grand; nul ne connaissait son habitation habituelle; il possédait presque le talent d'ubiquité, car on l'avait souvent rencontré à des distances fort éloignées les unes des autres presque à la même heure; les Indiens lui avaient souvent tendu des pièges pour le tuer, sans jamais réussir à lui faire la plus légère blessure; il avait su prendre une influence telle sur leur esprit qu'ils le croyaient invulnérable et le regardaient comme un être d'une essence beaucoup supérieure à la leur.

      Souvent il disparaissait pendant des mois entiers sans qu'on sût ce qu'il était devenu, puis, tout à coup on le voyait subitement campé au milieu des tribus indiennes, sans qu'on comprit comment il était arrivé là.

      Au total, les Indiens, à part la crainte respectueuse qu'il leur inspirait, lui avaient pour la plupart de grandes obligations. Nul mieux que lui ne savait guérir les maladies réputées incurables par leurs sorciers; instruit de tout ce qui se passait au désert, souvent il avait sauvé de la mort des familles entières, perdues dans les forêts sans vivres et sans armes; «aussi, ajouta mon guide, en terminant, cet homme est-il pour nous un de ces génies puissants pour le bien comme pour le mal, dont il vaut mieux ne pas s'entretenir de peur de le voir subitement paraître et d'encourir sa colère.»

      Ces renseignements, si je puis donner ce nom aux divagations craintives et superstitieuses de mon guide, me laissèrent plus perplexe que je ne l'étais auparavant sur le compte de cet homme, que tout semblait conspirer à entourer à mes yeux d'une auréole mystérieuse.

      Un mot prononcé, par hasard peut-être, par l'Indien éveilla davantage encore si cela est possible la curiosité dévorante qui s'était emparés de moi.

      «C'est un Paulista,» m'avait-il dit à demi-voix en jetant autour de lui des regards effarés, comme s'il redoutait que cette parole ne tombât dans une oreille indiscrète et fût répétée à celui qu'elle intéressait.

      A plusieurs reprises, pendant mon séjour à Buenos Aires, j'avais entendu parler des Paulistas; les renseignements qu'on m'avait donnés sur eux, bien que très incomplets et erronés pour la plupart, avaient cependant excité ma curiosité à un tel point, qu'ils entraient pour beaucoup dans ma résolution de me rendre au Brésil.

      Les Paulistas ou Vicentistas, car ces deux noms leur sont indistinctement appliqués par les historiens, fondèrent leur premier établissement dans les vastes et magnifiques plaines de Piratininga.

      Alors là, sous la direction intelligente et paternelle des deux jésuites Anchieta et Nobrega, s'organisa une colonie à part dans la colonie, une sorte de métropole demi barbare, qui dut à son courage une prospérité et une influence toujours croissante, et dont les exploits, si quelques jours on les raconte, formeront, j'en suis convaincu, la partie la plus intéressante de l'histoire du Brésil.

      Dans le Nouveau Monde, dès qu'on veut parler de progrès, d'abnégation et de civilisation, il faut remonter aux jésuites dont les conquêtes pacifiques, ont plus fait pour l'extinction de la barbarie que tous les efforts réunis des aventuriers de génie, qui allèrent au seizième siècle fonder en Amérique les puissances espagnole et portugaise.

      Grâce à l'intervention des jésuites au Brésil, les Européens ne dédaignèrent pas de s'allier avec ces fortes et belliqueuses races indiennes, qui tinrent si longtemps en échec les Portugais et firent parfois reculer la conquête.

      De ces unions, il résulta une race guerrière, brave, endurcie à toutes les fatigues, audacieuse surtout, qui, bien dirigée, produisit les Paulistas, ces hommes auxquels on doit presque toutes les découvertes qui se firent dans l'intérieur du Brésil et dont les prodigieuses excursions et les téméraires exploits sont passés aujourd'hui à l'état de légendes fantastiques dans les contrées mêmes qui en furent le théâtre.

      On a adressé plusieurs reproches sérieux aux Paulistas: on les a accusés d'avoir, dès l'origine de leur colonie, montré un caractère indomptable et indépendant, un dédain affecté pour les lois de la métropole, un orgueil inouï vis-à-vis des autres colons; on a prétendu que, sortis des rangs les plus turbulents et les plus corrompus des aventuriers européens, ils avaient puisé dans leur origine et leurs alliances indiennes un principe de cruauté et de mépris pour la vie des autres hommes qui en faisait, non seulement des hôtes et des voisins dangereux, mais encore des natures essentiellement insociables et ingouvernables.

      A ces accusations, les Paulistas ont donné le plus complet démenti.

      La province de Saint-Paul,

Скачать книгу