Le Guaranis. Aimard Gustave
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Le gaucho se prit à rire.
«S'il n'y a que cela qui vous arrête, me dit-il, vous pouvez vous mettre à table sans crainte.
– Il va revenir? demandai-je.
– Au contraire, il ne reviendra pas.
– Comment cela, m'écriai-je avec une surprise mêlée d'inquiétude, il est parti?
– Depuis plus de trois heures déjà; mais remarquant combien ma physionomie s'assombrissait à cette nouvelle, il ajouta aussitôt:
– Mais nous le reverrons bientôt, soyez tranquille.
– Vous l'avez donc vu, ce matin?
– Certes, nous sommes sortis ensemble.
– Ah! Il est à la chasse, sans doute?
– Probablement; seulement, qui sait quelle espèce de gibier il se propose d'atteindre.
– Cette absence me contrarie beaucoup.
– Il voulait vous en parler avant que de monter à cheval; mais en y réfléchissant, vous paraissiez si fatigué hier soir, qu'il a préféré vous laisser dormir. C'est si bon le sommeil.
– Il reviendra sans doute bientôt?
– Je ne saurais le dire. Don Zèno Cabral est un homme qui n'a pas l'habitude de raconter ses affaires au premier venu. Dans tous les cas, il ne tardera pas beaucoup, nous le reverrons ce soir ou demain.
– Diable! Comment vais-je faire, moi qui comptais sur lui?
– Pourquoi donc?
– Mais pour m'enseigner la route que je dois suivre.
– Si ce n'est que cela, ce n'est pas un motif pour vous tourmenter; il m'a recommandé de vous prier de ne pas quitter le rancho avant son retour.
– Je ne puis cependant pas demeurer ainsi chez vous.
– Parce que?
– Dame, parce que je crains de vous gêner; vous n'êtes pas riche, vous-même me l'avez dit; un étranger ne doit que vous causer de l'embarras.
– Señor, répondit avec dignité le gaucho, les étrangers sont les envoyés de Dieu; malheur à l'homme qui n'a pas pour eux les attentions qu'ils méritent; quand même il vous plairait de demeurer un mois dans mon humble rancho, je me trouverais heureux et fier de votre présence dans ma famille. N'insistez donc pas davantage, je vous prie, et acceptez mon hospitalité aussi franchement qu'elle vous est offerte.»
Que pouvais-je objecter de plus? Rien. Je me résignai donc à patienter jusqu'au retour de don Zèno, et je retournai au rancho en compagnie du gaucho.
Le déjeuner fut assez gai; les dames s'efforcèrent de réveiller ma bonne humeur en me comblant de soins et d'attentions.
Aussitôt après le repas, comme don Torribio se préparait à monter à cheval, car la vie d'un gaucho se passe à galoper de çà et de là pour surveiller ses nombreux troupeaux, je lui demandai à l'accompagner; il accepta. Je sellai mon cheval et nous partîmes au galop à travers la pampa.
Mon but, en accompagnant le gaucho, n'était pas de faire une promenade plus ou moins agréable, mais de profiter de notre isolement pour le sonder adroitement et le faire causer sur mon compagnon, qu'il paraissait fort bien connaître, de façon à obtenir certains renseignements qui me permissent de me former une opinion sur cet homme singulier, qui avait pour moi l'attrait d'une énigme indéchiffrable.
Mais tous mes efforts furent vains, toutes mes finesses en pure perte, le gaucho ne savait rien, ou, ce qui est plus probable, ne voulait rien me dire; cet homme si communicatif et si enclin à raconter, d'une façon souvent trop prolixe ses propres affaires, devenait d'une discrétion à toute épreuve et d'un mutisme désespérant aussitôt que, par une transition adroite, je mettais la conversation sur le compte de don Zèno Cabral.
Il ne me répondait plus alors que par monosyllabes ou par cette exclamation: ¿Quién sabe?– qui sait, – à toutes les questions que je lui adressais.
De guerre lasse, je renonçai à le presser davantage, et je me mis à lui parler de ses troupeaux.
Sur ce point, je trouvai le gaucho disposé à me répondre, plus même que je ne l'aurais désiré, car il entra avec moi dans des détails techniques sur l'élève des bestiaux, détails que je fus contraint d'écouter avec un apparent intérêt, et qui me firent trouver la journée d'une interminable longueur.
Cependant, vers trois heures de l'après-midi, don Torribio m'annonça, ce qui me causa une vive joie, que notre tournée était terminée, et que nous allions reprendre le chemin du rancho, dont nous étions alors éloignés de quatre ou cinq lieues.
Un trajet de cinq lieues, après une journée passée à galoper à l'aventure, n'est qu'une promenade pour les gauchos montés sur les infatigables chevaux de la pampa.
Les nôtres nous mirent en moins de deux heures en vue du rancho, sans mouiller un poil de leur robe.
Un cavalier arrivait à toute bride à notre rencontre.
Ce cavalier, je le reconnus aussitôt avec un vif sentiment de joie, était don Zèno Cabral; il nous eut bientôt rejoints.
«Vous voilà donc, nous dit-il en faisant ranger son cheval auprès des nôtres; je vous attends depuis plus d'une heure. Puis, s'adressant à moi: Je vous ménage une surprise qui, je le crois, vous sera agréable, ajouta-il.
– Une surprise! m'écriai-je, laquelle donc?
– Vous verrez, je suis convaincu que vous me remercierez.
– Je vous remercie d'avance, répondis-je, sans chercher à deviner de quel genre est cette surprise.
– Regardez, reprit-il en étendant le bras dans la direction du rancho dont nous n'étions plus qu'à une centaine de pas.
– Mon guide! m'écriai-je en reconnaissant mon coquin d'Indien attaché solidement à un arbre.
– Lui-même; que pensez-vous de cela?
– Ma foi! Cela me semble tenir du prodige; je ne comprends pas comment vous avez pu le rencontrer aussi vite.
– Oh! Cela n'était pas si difficile que vous le supposez, surtout avec les renseignements que vous m'aviez donnés; tous ces bribones sont de la famille des bêtes fauves, ils ont des repaires dont ils ne s'éloignent jamais et où, tôt ou tard, ils reviennent toujours; pour un homme habitué à la pampa, rien n'est plus facile que de mettre la main dessus; celui-ci surtout, se fiant à votre qualité de forastero et à votre ignorance du désert, ne se donnait pas la peine de se cacher; il voyageait tranquillement et à découvert, persuadé que vous ne songeriez pas à le poursuivre; cette confiance l'a perdu, je vous laisse à penser quelle a été sa frayeur, lorsque je l'ai surpris à l'improviste et que je lui ai signifié péremptoirement qu'il m'accompagnât auprès de vous.
– Tout cela est fort bien, señor, répondis-je, je vous remercie de la peine que vous avez prise; mais que