Le Guaranis. Aimard Gustave

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Le Guaranis - Aimard Gustave

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d'une mystérieuse auréole, avait quelque chose de grand, de fier et de résolu qui éveillait l'intérêt et attirait la sympathie.

      Tout à coup il se rejeta vivement en arrière, mit un genou en terre et épaula son fusil.

      Une dizaine de cavaliers venaient de surgir comme par enchantement, émergeant avec une rapidité extrême des herbes qui jusqu'alors les avaient dérobés à ma vue, et se précipitaient en brandissant leurs longues lances, faisant tournoyer leurs terribles bolas au-dessus de leur tête et poussant des hurlements de fureur vers l'endroit où le gaucho s'était embusqué.

      Ces cavaliers étaient des Indios bravos.

      Je ne pus retenir un tressaillement de frayeur en les reconnaissant; j'allais, selon toute probabilité, assister, témoin invisible et ignoré des deux partis, à cette lutte insensée d'un homme seul contre dix, car le gaucho, bien que, sans doute, il ne conservât aucun doute sur l'issue funeste de cet assaut, demeurait froid et calme en apparence, les sourcils froncés, le regard fixe, le front pâle, mais résolu à combattre jusqu'à la dernière goutte de son sang et à ne tomber que mort entre les mains de ses féroces ennemis.

      II

      LE GAUCHO

      Cependant, les Indiens s'étaient arrêtés à portée de fusil de l'endroit où le gaucho et moi nous étions cachés; ils semblaient se consulter entre eux avant de commencer l'attaque.

      Ces Indiens, ainsi groupés, formaient au milieu de ce désert aride dont ils étaient les véritables rois, le plus singulier et en même temps le plus pittoresque tableau avec leurs gestes nobles et animés, leur taille haute, élégante, leurs membres bien proportionnés et leur apparence féroce.

      A demi vêtus de ponchos en lambeaux et de morceaux de frazadas retenus par des courroies autour de leur corps, ils brandissaient fièrement leurs longues lances garnies d'un fer tranchant et ornées, près de la pointe, d'une touffe de plumes d'autruche.

      Leur chef, fort jeune encore, avait de grands yeux noirs voilés par de longs cils; ses joues, aux pommettes saillantes, encadrées dans une masse de cheveux noirs lisses et flottants, retenus sur le front par un étroit ruban de laine rouge; sa bouche, grande, meublée de dents d'une éclatante blancheur, qui contrastait avec la couleur rouge de sa peau, imprimaient à sa physionomie un cachet de vigueur et d'intelligence remarquables. Bien qu'il connût à peu près l'endroit où le gaucho était embusqué et que, par conséquent, il se sût exposé au danger d'être frappé par une balle, cependant, s'exposant à découvert aux coups de son ennemi, il affectait une insouciance et un mépris du péril dont il était menacé, qui ne manquaient pas d'une certaine grandeur, que malgré moi je ne pouvais m'empêcher d'admirer.

      Après une discussion assez longue, le chef fouetta son cheval, tandis que ses compagnons demeuraient immobiles, et il s'avança sans hésiter vers le rocher derrière lequel se tenait le gaucho.

      Arrivé à dix pas de lui tout au plus, il s'arrêta, et, s'appuyant nonchalamment sur sa longue lance qu'il avait conservée à la main:

      «Pourquoi le chasseur blanc se terre-t-il comme une viscacha timide?» dit-il en élevant la voix et en s'adressant au gaucho; «Les guerriers Aucas sont devant lui, qu'il sorte de son embuscade, et qu'il montre qu'il n'est pas une vieille femme peureuse et bavarde, mais un homme brave.»

      Le gaucho ne répondit pas.

      Le chef attendit un instant, puis il reprit d'une voix railleuse:

      «Allons, mes guerriers se trompaient; ils croyaient avoir débusqué un hardi jaguar, et ce n'est qu'un lâche chien revenant de la pampa qu'ils vont être contraints de forcer.»

      L'œil du gaucho étincela à cette insulte, il appuya le doigt sur la détente et le coup partit.

      Mais, si brusque et si inattendu qu'avait été son mouvement, le rusé Indien l'avait pressenti, ou pour mieux dire deviné; il s'était brusquement jeté de côté, puis bondissant en avant avec l'élasticité et la justesse d'une bête fauve, il retomba en face du gaucho avec lequel il se prit corps à corps.

      Les deux hommes roulèrent sur le sol en se débattant avec fureur.

      Cependant, au bruit du coup de feu, les Indiens avaient poussé leur cri de guerre et s'étaient élancés en avant dans le but de soutenir leur chef qu'ils ne pouvaient voir, mais qu'ils supposaient aux prises avec leur ennemi.

      C'en était fait du gaucho; quand même il serait parvenu à vaincre le chef contre lequel il combattait, il devait évidemment succomber sous les coups des dix Indiens qui se préparaient à l'assaillir tous à la fois.

      En ce moment, je ne sais quelle révolution s'opéra en moi, j'oubliai le danger auquel je m'exposais moi-même en découvrant ma retraite pour ne songer qu'à celui que courait cet homme que je ne connaissais pas et qui soutenait si vaillamment une lutte insensée à quelques pas de moi; épaulant instinctivement mon fusil, je lâchai mes deux coups de feu, suivis immédiatement de l'explosion de deux pistolets, et, m'élançant de ma retraite, mes deux autres pistolets au poing, je les déchargeai à bout portant sur les cavaliers qui arrivaient sur moi comme la foudre.

      Le succès de cette intervention à laquelle ni l'un ni l'autre parti ne s'attendait fut immense et instantané.

      Les Indiens, surpris et épouvantés par cette fusillade qu'ils ne pouvaient prévoir puisqu'ils croyaient n'avoir qu'un seul adversaire à combattre, tournoyèrent sur eux-mêmes et s'échappèrent dans toutes les directions en poussant des hurlements de frayeur, abandonnant, non seulement leur chef occupé à se défendre contre le gaucho, mais encore les cadavres de quatre des leurs frappés par mes balles; pendant que je rechargeais mes armes, je vis deux autres Indiens tomber de cheval sans que leurs compagnons s'arrêtassent pour leur porter secours tant leur frayeur était grande.

      Certain de ne plus avoir rien à redouter de ce côté, je courus vers le gaucho afin de lui porter secours si cela était nécessaire, mais, au moment où j'arrivai près de lui, la lame de son couteau disparaissait tout entière dans la gorge du chef indien.

      Celui-ci expira, le regard fixé sur son ennemi, sans pousser un cri, sans essayer même de détourner le coup qui le menaçait et de prolonger une lutte désormais sans espoir.

      Le gaucho retira son couteau de la blessure, enfonça à plusieurs reprises la lame dans la terre pour essuyer le sang dont elle était souillée, puis, repassant tranquillement son couteau dans son chiripa, il se leva, considéra pendant quelques secondes son ennemi étendu à ses pieds; enfin il se tourna vers moi.

      Son visage n'avait pas changé, malgré le combat corps à corps qu'il venait de soutenir; il avait conservé cette expression de froide impassibilité et d'implacable courage que je lui avais vu d'abord; seulement son front était plus pâle et quelques gouttelettes de sueur perlaient à ses tempes.

      «Merci, caballero, me dit-il en me tendant la main par un mouvement rempli de noblesse et de franchise; à charge de revanche. ¡Vive Dios! Il était temps que vous arrivassiez; sans votre brave assistance, j'avoue que j'étais un homme mort!»

      Ces paroles avaient été prononcées en espagnol, mais avec un accent qui dénotait une origine étrangère.

      «J'étais arrivé avant vous, répondis-je dans la même langue, ou pour mieux dire, j'avais passé la nuit à quelques pas seulement de l'endroit où le hasard vous a si heureusement fait chercher un refuge.

      – Le hasard, reprit-il d'une voix austère en hochant doucement la tête,

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