Les nuits mexicaines. Aimard Gustave

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Les nuits mexicaines - Aimard Gustave

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le prit, le tourna et le retourna entre ses mains, puis levant la tête d'un air désappointé:

      – Je ne sais pas me servir de ces armes, dit-il.

      – Oh! C'est bien facile, allez, répondit courtoisement el Rayo et, dans un instant, vous connaîtrez parfaitement leur mécanisme; señor don Andrés, veuillez, je vous prie, être assez bon pour expliquer à ce caballero le maniement, si simple, de ces armes.

      L'Espagnol obéit; en effet, l'officier comprit au premier mot l'explication qui lui était donnée.

      – Maintenant, señor don Felipe, reprit el Rayo toujours froid et impassible, écoutez-moi bien: je consens à vous donner cette satisfaction à la condition que quelle que soit l'issue de ce combat, vous vous engagiez, n'est-ce pas, à tourner bride aussitôt en laissant le señor don Andrés et sa fille libres de continuer leur voyage comme cela leur conviendra: est-ce convenu?

      – C'est convenu, señor.

      – Fort bien; maintenant, voici ce que vous et moi, nous allons faire: dès que nous aurons mis pied à terre, nous nous placerons à vingt pas l'un de l'autre; cette distance vous convient-elle?

      – Parfaitement, seigneurie.

      – Bon; alors, à un signal donné par moi, vous tirerez les six coups de votre revolver: moi, je tirerai ensuite, après vous, mais une fois seulement, car nous sommes pressés.

      – Pardon, seigneurie, mais si je vous tue de ces six coups?

      – Vous ne me tuerez pas, señor, répondit froidement el Rayo.

      – Vous croyez?

      – J'en suis sûr; pour tuer un homme de ma trempe, señor don Felipe, dit el Rayo, avec un accent de mordante ironie, il faut un cœur ferme et une main de fer: vous ne possédez ni l'un ni l'autre.

      Don Felipe ne répliqua pas, mais, en proie à une rage sourde, le front pâle et les sourcils froncés à se joindre, il alla résolument se placer à vingt pas de son adversaire.

      El Rayo avait mis pied à terre, puis le corps fièrement cambré, la tête rejetée en arrière, la jambe droite avancée et les bras croisés au dos, il s'était placé en face de l'officier.

      – Maintenant, dit-il, faites bien attention à viser juste; les revolvers, si bons qu'ils soient, ont en général le défaut d'aller toujours un peu haut; ne vous pressez pas, vous y êtes? Bien, allez!

      Don Felipe ne se fit pas répéter l'invitation, il déchargea trois fois coup sur coup son revolver.

      – Trop vite, beaucoup trop vite, lui cria el Rayo, je n'ai même pas entendu siffler vos balles. Voyons, plus de calme, tâchez de profiter des trois coups qui vous restent.

      Tous les regards étaient fixes, toutes les poitrines haletantes. L'officier, démoralisé par le sang-froid de son adversaire et le mauvais succès de son tir, se sentait malgré lui fasciné par la noire statue impassible devant lui et dont il voyait seulement, à travers les trous du masque, briller les yeux comme des charbons ardents; des gouttelettes d'une sueur froide perlaient à chacun de ses cheveux qui se dressaient d'épouvante, son assurance première l'avait abandonné.

      Cependant la colère et l'orgueil lui rendirent la force nécessaire pour cacher aux yeux des assistants l'agonie affreuse qu'il souffrait; par un suprême effort de volonté, il reprit un calme apparent, et il tira de nouveau.

      – Ceci est mieux, dit railleusement el Rayo, seulement un peu trop haut, voyons l'autre.

      Exaspéré par cette dernière raillerie, don Felipe lâcha la détente.

      La balle alla frapper le roc à un pouce au plus au-dessus de la tête de l'inconnu.

      Il ne restait plus qu'une balle dans le revolver.

      – Faites cinq pas en avant, dit el Rayo; peut-être ne perdrez-vous pas votre dernier coup.

      Sans répondre à ce mordant sarcasme, l'officier bondit comme une bête fauve, se plaça à quinze pas et tira.

      – A moi, dit froidement l'inconnu en se reculant pour rétablir la première distance; vous avez oublié de vous découvrir, caballero, ceci est un manque de politesse que je ne saurais tolérer.

      Saisissant alors un des pistolets passés à sa ceinture, il l'arma, étendit le bras et tira sans se donner la peine de viser. La coiffure de l'officier enlevée de sa tête alla rouler sur la poussière.

      Don Felipe poussa un rugissement de bête fauve.

      – Oh! s'écria-t-il, vous êtes un démon!

      – Non, répondit el Rayo, je suis un homme de cœur. Maintenant, partez, je vous laisse la vie.

      – Oui, je pars, mais, homme ou démon, je vous tuerai; je le jure. Dussé-je vous poursuivre jusqu'au fond des enfers.

      El Rayo s'approcha de lui, le prit violemment par le bras, l'entraîna à l'écart et, soulevant le voile qui cachait ses traits, il lui fit voir son visage.

      – Vous me reconnaîtrez à présent, n'est-ce pas? lui dit-il, d'une voix sourde; seulement souvenez-vous que maintenant que vous m'avez vu face-à-face, notre première rencontre sera mortelle; partez.

      Don Felipe ne répliqua pas, il remonta à cheval, se mit à la tête de ses soldats effarés, et reprit au galop la route d'Orizaba.

      – Cinq minutes plus tard, il ne restait sur le plateau que les voyageurs et leurs domestiques. El Rayo, profitant sans doute du moment de désordre et de surprise causé par la fin de cette scène, avait disparu.

      V

      L'HACIENDA DEL ARENAL

      Quatre jours s'étaient écoulés depuis les événements rapportés dans notre dernier chapitre; le comte Ludovic de la Saulay et Olivier cheminaient encore côte à côte; mais le lieu de la scène avait complètement changé.

      Tout autour d'eux, s'étendait une immense plaine couverte d'une luxuriante végétation coupée par quelques cours d'eau, sur les bords desquels s'accroupissaient les humbles huttes, de plusieurs pueblos peu importants; des troupeaux nombreux paissaient çà et là, surveillés par des vaqueros à cheval portant la reata à la selle, la machette au côté et la longue lance au crochet. Sur une route, dont les détours tranchaient en jaune sur la teinte verte de la plaine, apparaissaient, comme des points noirs, des recuas de mulas qui se pressaient vers des montagnes neigeuses qui fermaient au loin l'horizon; des bouquets d'arbres, gigantesques, accidentaient le paysage, et un peu sur la droite, au sommet d'une colline assez élevée, se dressaient orgueilleusement les murailles massives d'une importante hacienda.

      Les deux voyageurs suivaient, au petit pas, les derniers détours d'un sentier étroit qui descendait en pente douce dans la plaine; à un moment donné le rideau d'arbres qui masquait leur vue s'étant écarté à droite et à gauche, le paysage sembla tout à coup surgir devant eux, comme s'il avait été subitement créé par la baguette magique d'un puissant enchanteur.

      Le comte s'arrêta et poussa un cri d'admiration à la vue du magnifique kaléidoscope qui se déroulait devant ses yeux.

      – Ah, ah! fit Olivier, je sais que vous êtes amateur, c'est une surprise que je vous

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