Christine. Enault Louis

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Christine - Enault Louis

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de l'étiquette la plus cérémonieuse.

      La comtesse accueillit le nouveau venu avec la grâce aimable qui la distinguait, et lui indiqua de l'éventail un siège tout près du sien. Axel, debout devant eux, attendit que la glace fût suffisamment rompue, puis il se rappela fort à propos qu'il devait danser, et il laissa Georges et la comtesse en tête-à-tête au milieu de la foule.

      Georges était assez froid; la comtesse très-réservée: il fallut passer tout d'abord à travers ces généralités banales qui sont toujours le début frivole et mondain des relations les plus sérieuses; puis, peu à peu, comme si l'on se fût deviné avant de se connaître, tous deux se sentirent bientôt en confiance; l'entretien devint plus intime. On effleura tous les sujets, ainsi qu'il arrive entre gens à qui mille choses sont également connues et familières.

      Georges releva une observation fine de la comtesse et parut l'admirer peut-être un peu trop.

      «Savez-vous, lui dit-elle, que vos louanges ne sont pas flatteuses? elles marquent un certain étonnement dont vous ne pouvez pas vous défendre. On dit qu'à Paris vous nous prenez assez volontiers pour des barbares: «les barbares du Nord!» j'ai vu cela dans un de vos livres à la mode. Vous autres Français, vous êtes tellement civilisés!

      – Trop, peut-être! Mais ce n'est pas non plus ce qui vous manque; seulement, vous l'êtes autrement que nous.

      – Voudriez-vous m'expliquer la différence?

      – En ce moment je prends mes notes, et ce sera l'objet d'un memorandum que j'adresserai aux grandes puissances… après vous l'avoir dédié.

      – J'ai peur d'attendre longtemps, et je le regrette d'autant plus que le sujet me semble piquant: vous avez eu le bonheur de voyager assez pour faire des comparaisons. Moi, je n'ai pas quitté la Suède, et je ne le regrette guère; j'aurais seulement voulu voir Paris. Est-ce que les Françaises sont vraiment belles?

      – Quelquefois… mais…

      – Il y a un mais?

      – Hélas! oui; leur beauté, presque toujours, a plus d'éclat que de charme. Il leur manque ce je ne sais quoi d'intime que l'on retrouve seulement dans les races du Nord. A moins d'une grande passion, rare partout, rare surtout chez elles, leur beauté luit pour tout le monde, comme le soleil à midi.

      – Vous me semblez, dit la comtesse en riant, un casuiste subtil en ces matières, et je voudrais connaître votre opinion sur…

      – Les Suédoises?

      – Oh! une opinion générale.

      – Eh bien, dit Georges, si vous me permettez encore une comparaison astronomique, je dirai que de ce côté-ci de la Baltique vous êtes belles plus souvent à la façon de ces blondes étoiles qui se lèvent à minuit, et gardent leurs doux rayons pour deux yeux solitaires.

      – Est-ce que vous êtes poëte, monsieur le comte?

      – Hélas! non, madame, je suis diplomate.

      – Vous venez de rendre avec une image heureuse une idée trop flatteuse peut-être pour mes compatriotes. Je ne sais pas si elle est tout à fait vraie, mais je voudrais qu'elle le fût.

      – Cependant, reprit Georges en attachant sur elle un regard qui ne dissimulait pas assez son admiration vive, il y a des beautés tellement radieuses, qu'il serait peut-être injuste de les vouloir réduire au simple rôle d'étoiles; elles auraient le droit de se plaindre.

      – C'est qu'elles ne seraient pas raisonnables, dit la comtesse en riant; car il serait difficile, même à une femme, d'aller plus haut.

      – Après cela, fit Georges en relevant les yeux, ces chastes étoiles, on est souvent plusieurs à les regarder d'en bas.

      – Et elles n'en savent rien! reprit Christine avec un fin sourire.

      – C'est un malheur de plus, madame.

      – Pour qui? pour les étoiles?

      – Non, pour ceux qui les regardent.»

      Un nuage passa sur le front du jeune diplomate: la mélancolie lui allait bien; il parut s'abandonner à une rêverie silencieuse.

      «Les observations s'arrêtent là? demanda Christine; je le regrette, car vous m'intéressiez.

      – J'ai toujours cru, répondit-il, que les femmes de votre pays entendaient même ce qu'on ne leur disait pas.»

      Christine le regarda de son beau regard clair et franc; ses yeux s'arrêtèrent un instant sur les yeux du jeune homme, puis elle les détourna bientôt avec une expression d'inquiétude et de contrariété. Rien au monde n'était moins capable de lui plaire qu'un compliment banal; la menue monnaie de la galanterie n'était pas reçue chez elle. On va plus vite à Paris qu'à Stockholm. La comtesse le savait, et son esprit se mit en garde. C'était peine inutile: elle ne fut point attaquée. Georges avait parfois l'allure aventureuse; mais, s'il allait loin, il savait s'arrêter à temps. C'est là le tact suprême, et le monde seul peut le donner.

      Un murmure de l'orchestre arriva jusqu'au boudoir. M. de Simiane profita de l'occasion pour rompre le courant d'idées qui peut-être emportait l'âme de Christine loin de lui.

      «Vous dansez, madame? lui dit-il en reprenant son air d'enjouement léger.

      – Plus!

      – C'est une résolution?

      – Arrêtée.

      – Vous n'en changerez pas?

      – Je ne le crois guère.

      – C'est que…

      – Achevez.

      – J'ai bien envie de faire un tour de valse.

      – Ah! la raison est bonne, dit Christine en retrouvant son sourire; mais voilà les trois filles de l'ambassadeur d'Autriche; elles dansent comme des Péris… ou des Allemandes.

      – Je voudrais danser avec une Suédoise.

      – Justement! voici venir la jolie Mina de Welfen: invitez-la, vous allez faire son bonheur.

      – J'aimerais mieux faire le mien! Madame la comtesse, c'est avec vous que je voudrais avoir l'honneur de valser.»

      L'orchestre achevait le prélude de l'Invitation, de Weber. Elle faisait fureur alors à Stockholm comme à Paris. La comtesse se leva, et, sans dire un mot, elle mit sa main dans celle de Georges. Deux couples passèrent en valsant dans le boudoir. Georges et Christine les suivirent et entrèrent dans le tourbillon.

      «Je crois que j'ai oublié! murmura la comtesse en essayant ses premiers pas.

      – Ayez confiance,» dit Georges à demi-voix en effleurant des lèvres son oreille nacrée.

      Et, raffermissant son étreinte, il l'enleva.

      O valse! poésie du corps! rhythme du mouvement harmonieux! hymne de la séduction, écrite avec des strophes de poses! ô valse! charme et enchantement! Werther avait raison de te maudire, et les prédicateurs n'ont pas tort de te défendre.

      Mais

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