Christine. Enault Louis

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Christine - Enault Louis

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Il vit cependant que c'était une femme, mais il ne vit pas autre chose.

      Arrivé à la hauteur de la petite église de Sainte-Clara, située vers le milieu de la rue de la Reine, Georges donna l'adresse de la comtesse à son cocher, qui le mena chez elle et sonna.

      «Madame n'y est pas!» répondit le concierge, honnête Danois dont on avait fait un suisse, et que l'on affublait, dans les grandes occasions, d'une hallebarde et d'un baudrier.

      Georges descendit et se nomma.

      «Quand Mme la comtesse y est pour quelqu'un, elle y est pour tout le monde, fit avec une majestueuse solennité l'incorruptible gardien.

      – Au château!» dit le jeune homme assez brusquement.

      Les chevaux repartirent, et, franchissant au galop la place de Gustave-Adolphe et le pont du Nord, s'arrêtèrent tout en sueur au pied de la Montée des Lions, rampe gigantesque dont les lions de Charles XII semblent défendre l'accès. La sentinelle et le cocher échangèrent quelques mots; puis la voiture, entrant dans l'intérieur du palais, traversa deux cours et alla gagner la petite terrasse des Lynx, disposée en parterre et garnie de bouquets d'arbres. Le baron de Vendel s'y promenait avec le fils du ministre de la guerre. Le major avait l'air assez soucieux; Georges l'évita et fit demander le chevalier de Valborg. On lui répondit au bout d'un instant que le service retenait le chevalier dans les appartements. Georges écrivit au crayon sur sa carte: «J'ai besoin de vous: venez! On dit que vous serez libre à huit heures; je vous attendrai depuis sept.»

      Il alla ensuite lire les journaux dans un cercle, trouva les nouvelles diverses insignifiantes, la politique absurde, les feuilletons ennuyeux, et, en fin de compte, ne sachant plus que faire, dîna pour tuer le temps et rentra chez lui.

      A huit heures dix minutes il entendit un coup de sonnette brusque qui le fit bondir.

      C'était le chevalier.

      «Axel, je vous remercie, dit Georges en lui tendant les mains; vraiment, j'avais besoin de vous voir.

      – Je m'en doutais: aussi me voilà!

      – Merci encore! Eh bien?

      – Est-ce que vous savez déjà…

      – Rien! Qu'y a-t-il?

      – Avez-vous vu la comtesse?

      – Non.

      – Êtes-vous allé chez elle?

      – Oui, sans être reçu… Je suis d'assez méchante humeur…

      – A quelle heure y êtes-vous allé?

      – A quatre heures.

      – Elle était partie.

      – Partie!.. Ah! et pourtant le major est toujours ici!

      – Comte, ce n'est pas bien ce que vous dites là. C'est une injure gratuite et que personne ne se permettrait chez nous. Un jour vous vous repentirez de vos paroles.

      – Soit! je m'en repens déjà; mais, de grâce, ou est-elle?

      – Près d'Upsala, chez son oncle, qui est très-mal. La nouvelle est arrivée à deux heures; la comtesse est partie à trois!..

      – Et… quand revient-elle?

      – On ne sait.

      – Upsala… c'est loin d'ici?

      – Trente ou quarante lieues.

      – J'y peux aller?

      – Oui, si vous voulez la perdre!

      – Axel, mon ami, je crois que je vais l'aimer.

      – Il est évident que vous l'adorerez… surtout si elle ne revient pas.

      – Mon cher Valborg, vous avez trop d'esprit pour moi.

      – Allons, ne vous fâchez pas! je vous donnerai de ses nouvelles.»

      IV

      Christine ne revint point à Stockholm de tout l'hiver. Je n'affirmerai point que le chevalier eut raison tout d'abord, et que, par cela seul qu'elle était absente, Georges l'adora; mais du moins il y pense très-souvent.

      Le comte de Simiane était jeune: il n'avait pas encore trente ans. Mais il y en avait déjà sept ou huit qu'il vivait de la vie du monde. Il avait connu la meilleure compagnie de l'Europe et passé quelques hivers dans des capitales plus renommées pour leur élégance que pour leur moralité. Beau, distingué, spirituel et discret, il n'avait pas rencontré beaucoup plus de cruelles qu'un surintendant de l'ancien régime.

      La facilité du plaisir est un de ces malheurs heureux dont on ne songe point à se plaindre, mais qui donne souvent à nos relations une légèreté fâcheuse et à nos sentiments une inconstance coupable. Georges faisait la cour à une femme comme un autre lui aurait dit bonjour. Il appelait cela être poli, et il était trop bien élevé pour ne pas être poli avec tout le monde. Mais ces intrigues, nouées par la fantaisie, dénouées par le caprice, ne lui rapportaient pas plus qu'elles ne lui coûtaient: le plaisir n'est pas même la petite monnaie du bonheur. Des millions de centimes ne font pas toujours une pièce d'or; il y a manière de compter. Si Christine fût restée à Stockholm, sans doute il eût été pour elle un poursuivant plus redoutable que les autres. Il eût apporté à son attaque cette furie française, qui peut conquérir autre chose que des provinces. Ou Christine eût été vaincue, et Georges, après les premiers enivrements, n'eût pas senti tout le prix de sa victoire; ou, par sa résistance, la noble femme eût fait vibrer en lui la fibre irascible et maladive de la vanité, et la tendresse serait morte, en naissant, des blessures de l'orgueil.

      L'absence arrangeait mieux les choses. Elle paraît d'une grâce nouvelle Mme de Rudden, si séduisante déjà; elle lui donnait la seule chose qui pût lui manquer: le prestige de l'éloignement et le mérite de l'impossible. Les femmes qu'elle laissait après elle n'avaient ni sa beauté ni son charme, et son souvenir, trop vif encore, en détournait Georges. Il lui dut ainsi les premières heures de solitude que sa jeunesse eût connues. La solitude, qui est mortelle aux petites passions, est favorable aux grandes. Elle leur donne cette conscience de soi, sans laquelle on n'est pas: elle les fortifie en les épurant. Il y a, dit-on, des arbres qui ne puisent leur séve et leur vie que dans les couches les plus reculées de l'humus profond; il y a des amours qui ne s'épanouissent en fleurs et en parfums que si leur racine a pénétré dans les cœurs jusqu'à la source sacrée des larmes. Georges avait échangé avec Christine un regard, quelques paroles, à peine un serrement de mains dans l'émotion sympathique d'une valse. Au bout d'une semaine, il avait pour elle un culte idéal; au bout d'un mois, il l'aimait.

      Et Christine? Christine ne fit de confidences à personne, et l'on ne sait jamais ce qui se passe dans le cœur des femmes, – même quand elles le disent! Quelques amis pourtant reçurent de ses lettres. Depuis longtemps, à chacune de ses absences, elle écrivait au baron de Vendel. Ainsi fit-elle cette fois comme toujours. On le savait; on lui demanda des nouvelles de la comtesse, et l'on apprit par lui qu'elle avait été appelée en toute hâte près d'un oncle malade dangereusement. Au bout d'un mois, Axel lui-même reçut une lettre. C'était la première fois que Mme de Rudden lui écrivait. Axel était l'ami de Georges.

      Le chevalier courut chez M. de Simiane. Il entra dans son cabinet,

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